Netanyahu et l’extrême droite israélienne, une légitimation impardonnable

Itamar Ben Gvir, chef du parti d'extrême droite israélien Otzma Yehudit, Jérusalem, le 13 mars 2019 (Photo, Reuters).
Itamar Ben Gvir, chef du parti d'extrême droite israélien Otzma Yehudit, Jérusalem, le 13 mars 2019 (Photo, Reuters).
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Publié le Mercredi 03 mars 2021

Netanyahu et l’extrême droite israélienne, une légitimation impardonnable

Netanyahu et l’extrême droite israélienne, une légitimation impardonnable
  • Netanyahou a traditionnellement, et assez cyniquement, noué un dialogue avec l’extrême droite messianique dans la société israélienne, aujourd’hui ses alliés
  • Il y a toujours eu une tension entre la judéité d’Israël et son soutien aux droits humains universels et aux valeurs démocratiques

Lorsque la carrière politique de Benjamin Netanyahu sera terminée, il appartiendra à l’histoire de juger de son bilan. Cependant, il n'est pas nécessaire d'attendre ce moment pour affirmer sans l’ombre d’un doute qu'il ne sera jamais absous de sa légitimation, des décennies durant, des éléments messianiques d'extrême droite dans la société israélienne. Ces éléments constituent une menace réelle et immédiate pour la structure même du système démocratique, tentent délibérément de saboter les relations avec les Palestiniens et le reste du monde arabe, et veulent imposer la loi juive du Halakha au pays.

Netanyahu a traditionnellement, et assez cyniquement, noué un dialogue avec eux et leurs représentants pour des raisons tout à fait égoïstes, afin de s'assurer qu'il est leur unique choix dans le but de le soutenir en tant que premier ministre. Ce comportement est apparu pour la première fois dans ses provocations incessantes contre les accords d'Oslo - provocations qui ont joué un rôle crucial dans la création de l’ambiance qui a conduit à l'assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin en 1995. Depuis lors, sa complicité envers l'extrême droite n'a cessé d'aggraver les divisions sociales, car il entretient régulièrement la haine contre les Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte, du camp de la paix et de quiconque le critique.

Dans une manœuvre récente et typiquement cynique, quelques semaines seulement avant les élections générales du 23 mars, Netanyahu a orchestré un accord entre Otzma Yehudit (pouvoir juif), dirigé par le célèbre prédicateur de haine antiarabe et antilibéral Itamar Ben Gvir, et Bezalel Smotrich, du Parti religieux sioniste, qui s’est fait connaître en tant qu’extrémiste religieux pur et dur, pour qu’ils joignent leurs forces et se présentent ensemble aux élections. Avec cette décision, l'alliance devrait dépasser le seuil électoral de la Knesset et par conséquent, Ben Gvir, disciple du rabbin raciste méprisant Meir Kahane, deviendra un député. Tout cela grâce à l’intervention de Netanyahu.

D'une part, le premier ministre israélien a affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y a pas de place dans son gouvernement pour un homme de la trempe de Ben Gvir, mais en même temps, il lui a donné de bonnes chances d'être élu à la Knesset, ainsi que d’intégrer la future coalition de Netanyahu. Pour rendre les choses encore plus écœurantes, le parti du Likud de Netanyahu a signé un accord de partage des votes excédentaires avec le Parti religieux sioniste. Tout cela est fait de manière à éviter une perte des voix de droite et renforcer ses chances de conserver le pouvoir - et, plus important encore pour Netanyahou, dans le but de saboter son procès pour corruption.

À voir le premier ministre priver les Palestiniens de leurs droits humains fondamentaux et soutenir sans réserve à la récente soi-disant loi raciste de l'État-nation qui a transformé les Palestiniens d'Israël en citoyens de seconde zone, on pourrait à juste titre se demander quelle est en fin de compte la différence entre Netanyahu qui cimente l'occupation de la Cisjordanie et le blocus de Gaza, et les tendances répulsives et fascistes de Ben Gvir et de son nouvel allié Smotrich? En réalité, ils sont tous taillés dans la même étoffe. Néanmoins, tandis que les Ben Gvirs et les Smotrich de ce monde croient profondément en cette version idéologique déformée du judaïsme et du sionisme, pour Netanyahu, il s'agit tout simplement d'un mélange de racisme et d'opportunisme politique.

Kahane était connu dans la vie politique israélienne des années 1980 comme le plus vil des démagogues anti-arabes, mais à l'époque, il y avait assez de décence parmi les politiciens et les tribunaux pour lui interdire l’accès de la Knesset dans le premier cas d'un parti politique israélien interdit pour racisme. Maintenant, et grâce à Netanyahu avant tout, ses alliés politiques et des individus du mouvement des colonies, cela est malheureusement devenu une partie acceptable du discours politique israélien.

La lecture du programme électoral d’Otzma Yehudit est très perturbant, et devrait dissuader quiconque ayant la moindre croyance dans les fondements démocratiques de l'État de voter contre lui. Son programme va d'une attaque directe contre les fondements démocratiques libéraux de l'État à des appels à la guerre contre les Palestiniens et le reste de la région. Une guerre totale et absolue, sans négociations ni concessions, pour ceux que le parti qualifie d'ennemis du pays.

En appelant à l’annexion d’Al-Haram Al Sharif et de toute la Cisjordanie, Ben Gvir et son parti font de leur mieux pour que toute la région, et au-delà, devienne les ennemis d’Israël. Leur xénophobie se manifeste par des appels à encourager l'émigration, et il ne fait aucun doute que ceux qui sont encouragés à partir sont les citoyens palestiniens d'Israël et ceux de la Cisjordanie et de Gaza, qui sont tous définis dans ce document déplaisant comme des ennemis de l’État juif.

Pour le sionisme, et Israël comme sa manifestation ultime, il y a toujours eu une tension entre sa judéité et son soutien aux droits humains universels et aux valeurs démocratiques. Le défi a toujours été d'intégrer ses deux valeurs dans son système de gouvernance et dans la société. Cela a conduit à toutes sortes de contradictions et de paradoxes, dont beaucoup n'ont pas encore été résolus. Mais, pour Ben Gvir et Smotrich, un tel problème n'existe pas: la Halakha devrait régner en maître, les Juifs sont les maîtres absolus du pays et la loi de l'État-nation ne va pas assez loin. Ces versions à la fois du judaïsme et du sionisme auraient dû être confrontées à un mur de rejet par toutes les parties, comme Kahane et son parti Kach l'étaient - mais à l'époque Netanyahu n'était pas aux commandes.

Netanyahu ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Soit il adhère à la Déclaration d'indépendance et au système démocratique, soit il s'aligne sur quelqu'un comme Ben Gvir, qui a exposé pendant des décennies un poster de Baruch Goldstein sur le mur de son salon. Goldstein était un extrémiste religieux raciste qui, en 1994, a ouvert le feu sur des fidèles palestiniens à la mosquée du Tombeau des patriarches à Hébron, tuant 29 et en blessant 125 avant d'être maîtrisé et battu à mort par ceux qui avaient échappé à la tuerie massacre. Ensuite, il y a Smotrich, qui a déclaré que sa femme ne devrait pas avoir à partager une salle de maternité avec des femmes arabes. Cette alliance horrible de Netanyahu, Ben Gvir et Smotrich ne peut en aucun cas servir le public, surtout pas dans une position de leader.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à l’université Regent de Londres, où il dirige le programme des relations internationales et des sciences sociales. Il est également membre associé du programme MENA à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux écrits et électroniques. Twitter: @YMekelberg

NDLR: Les opinions exprimées par les écrivains dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com