Les défis stimulent le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou – comme son sens politique et sa capacité à tourner chaque crise à son avantage. Sa gestion habile de la politique multiple et controversée d’Israël lui a permis d’occuper la fonction de Premier ministre pendant 15 ans. À présent, un mois avant les dernières élections générales d’Israël, le 23 mars, il est peut-être confronté aux défis les plus importants de sa carrière.
Plusieurs de ses anciens associés de la droite font désormais partie d'une coalition qui voudrait n’importe qui sauf Netanyahou. En réponse, Netanyahou, avec la dextérité qu’on lui connait, a organisé une coalition de deux partis d'extrême droite ; ensemble, ils pourraient franchir le seuil électoral et lui apporter plus de sièges, bien que l'un des partenaires de la coalition, un ancien disciple de Meir Kahane, soit un extrémiste raciste.
Autre action surprenante, Netanyahou a démantelé la Arab Joint List (Liste commune arabe), liste à quatre partis, en en extirpant le parti Rama pour en faire son allié. La Arab Joint List a remporté 15 sièges lors des dernières élections. En la fracturant, Netanyahou réduit le nombre de sièges qu'elle pourrait remporter le mois prochain, tout en s'assurant qu'il bénéficiera des sièges que Ra'am apportera à la coalition.
Les manœuvres de Netanyahou ont lieu au moment même où il doit comparaître devant le tribunal pour se défendre d’accusations de corruption, de fraude et d'abus de confiance. Lors de la dernière séance des audiences préliminaires de la semaine dernière, ses avocats ont demandé que le procès soit reporté à après les élections, suggérant même que les audiences avant le vote pourraient influencer le processus démocratique. Par ailleurs, les médias israéliens rapportent des accusations de manipulations plausibles de témoins du côté de Netanyahou.
Cependant, la base de soutien du Premier ministre adhère à la théorie selon laquelle il est victime de puissantes forces de gauche en politique et dans les médias, qui conspirent pour l’évincer du pouvoir, et continue de rejeter toute suggestion d’actes répréhensibles de sa part.
Netanyahou a assuré la livraison de vaccins contre le coronavirus en Israël et le pays est devenu leader mondial des vaccinations. Il espérait que la campagne nationale de vaccination réduirait considérablement les infections et permettrait un retour à la vie normale. Ce n’est toujours pas le cas. Malgré un troisième confinement national et le grand nombre de vaccinations, les infections continuent de se propager, les jeunes remplissant de plus en plus les hôpitaux. Mais cela pourrait changer au cours du mois prochain et octroyer à Netanyahou les 40 sièges que les vaccinations devraient lui apporter.
Netanyahou a également toutes les raisons de regretter Donald Trump à la Maison Blanche. Joe Biden ne s’est pas entretenu avec le Premier ministre israélien au cours des premières semaines. Dans ses déclarations récentes, le président américain n’a pas non plus mentionné Israël dans la liste de pays qui sont les «amis les plus proches» de l’Amérique.
Cette situation est irritante pour le Premier ministre, en particulier après quatre ans de mandat Trump, alors que Netanyahou était le partenaire privilégié et l'ami personnel du président. Trump avait, au moment opportun, fait des « cadeaux » qui ont renforcé l’image intérieure et les perspectives électorales de Netanyahou, à savoir la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem et la reconnaissance de l’annexion par Israël du plateau du Golan occupé. Biden et Netanyahou ont finalement échangé pendant une heure cette semaine. Netanyahou rayonnant (et soulagé) a annoncé par la suite que la conversation était «très chaleureuse et amicale».
Et pour augmenter le dépit du Premier ministre, Biden prévoirait de ramener les États-Unis à l'accord nucléaire avec l'Iran. Du coup, Netanyahou saisit l’occasion d’affirmer son image de dur et garant des intérêts d’Israël, même si cela signifie s’attaquer à la Maison Blanche. Dans le prolongement de son discours lors d'une session conjointe du Congrès en mars 2015 pour s'opposer à l'accord nucléaire à peine deux semaines avant les élections en Israël, Netanyahou s'est à nouveau lancé dans une campagne très médiatisée contre l'accord.
Outre les menaces de guerre belliqueuses de ses généraux, Israël entreprend une mise à niveau significative de ses capacités militaires, attaque régulièrement les actifs iraniens en Syrie et a mené un exercice élaboré pour simuler un conflit avec le Hezbollah, témoignant de sa préparation à un conflit régional sur plusieurs fronts.
Netanyahou agit comme s’il avait eu à se défendre des accusations de corruption, de fraude et d'abus de confiance.
Talmiz Ahmad
Un rapport officiel des services de renseignements israéliens indique que l'Iran pourrait d’ici deux ans développer des armes nucléaires après avoir atteint le niveau d'enrichissement requis ; l'idée étant que les États-Unis n'ont pas besoin de se précipiter pour conclure un accord avec l'Iran. Netanyahou a nommé Meir Ben-Shabbat, son conseiller à la sécurité nationale en tant qu’interlocuteur sur la question de l’Iran, pour faire part des préoccupations d’Israël à l’administration et aux nombreux amis d’Israël aux États-Unis.
Rares sont ceux qui pensent que Netanyahou envisage de faire la guerre. Son intérêt est de retarder le retour des États-Unis à l'accord nucléaire afin qu'il puisse être modifié pour englober les questions de sécurité régionale et de terrorisme, tout en sachant que l'Iran n'acceptera aucun de ces changements.
Entretemps la démonstration de force de Netanyahou et sa défense féroce des intérêts d’Israël devraient, pense-t-il, lui permettre de relever son prochain défi électoral.
Talmiz Ahmad est auteur et ancien ambassadeur indien en Arabie saoudite, à Oman et aux Émirats arabes unis. Il est titulaire de la Chaire Ram Sathe d'études internationales, Symbiosis International University, Pune, Inde.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.