L'accueil du sommet du G20 par le Premier ministre indien, Narendra Modi, dans le flambant neuf complexe de Bharat Mandapam à New Delhi les 9 et 10 septembre couronnera les efforts d’un an ayant impliqué plus de 200 réunions et plusieurs milliers de délégués dans différentes régions du pays. Outre les engagements officiels, des rencontres ont été organisées avec des entrepreneurs, des universités et des groupes de réflexion, générant de nouvelles idées passionnantes pour renforcer la coopération mondiale.
Le G20 est le produit d'un monde globalisé et est désormais le «principal forum» pour aborder les défis économiques internationaux pressants. Ce qui est tout à fait logique puisque le G20 représente 65% de la population mondiale, 85% de la production économique mondiale et 75% du commerce mondial.
La présidence indienne intervient à un moment où le monde est confronté à de graves défis. Avant même que l'économie mondiale ne se remette des ravages de la pandémie, la guerre en Ukraine a eu un effet dévastateur sur les pays en développement. Le sommet de New Delhi aurait dû être l'occasion pour le G20 de faire face à cette catastrophe commune.
Malheureusement, les pays avancés ont principalement concentré leurs efforts sur la mise en place de sanctions contre la Russie pour avoir déclenché le conflit, ce qui a également eu des répercussions sur le G20. Malgré de nombreuses réunions des ministres et des responsables du G20 en Inde, aucun document consensuel n'a été approuvé. L'alliance occidentale dirigée par les États-Unis a insisté pour que toutes les déclarations communes incluent des critiques à l’égard de la Russie, ainsi que des allusions négatives à peine voilées à l’encontre de la Chine.
L'Inde a constamment œuvré à mettre en avant un programme positif au service des économies émergentes et du monde en développement en général. En tant que présidente du G20, l'Inde a organisé en janvier de cette année un sommet hybride réunissant 120 pays en développement, intitulé «La voix du Sud global».
Les responsables indiens ont déclaré que la conférence débattrait «des préoccupations, des intérêts et des priorités qui touchent les pays en développement et qu'elle s’unirait en voix et en objectif pour traiter de ces éléments». Un rapport ultérieur citait Subrahmanyam Jaishankar, le ministre des Affaires étrangères, qui a affirmé qu'en tant que président du forum, «l'Inde représenterait les pays qui ne sont pas présents à la table du G20».
Au cours de la dernière année, les pays du Sud global ont lutté contre les coûts élevés des denrées alimentaires et de l'énergie importées, les effets négatifs du changement climatique et le début du phénomène météorologique El Niño – les effets combinés leur ont imposé des charges s'élevant à des milliards de dollars. La transition vers des énergies propres, par exemple, signifie que les économies émergentes, à l'exception de la Chine, auront besoin de 1 000 milliards de dollars par an jusqu'en 2025, et du double jusqu'en 2030 pour répondre à leurs besoins en matière de développement.
Les dirigeants nationaux ont insisté sur la nécessité de réformer les institutions mondiales. Leurs principales cibles sont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui ont été créés par les pays avancés bien avant que la plupart des États africains n'aient réussi à se libérer du joug colonial. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a qualifié ces institutions de «système financier mondial moralement en faillite qui perpétue la pauvreté et les inégalités».
La présidence saoudienne du G20 en 2020 a joué un rôle majeur dans le domaine de la santé numérique en mettant l'accent sur l'infrastructure informatique, l’accès équitable, l'environnement politique et réglementaire, ainsi que sur le renforcement des compétences de la main-d'œuvre et des capacités institutionnelles.
Talmiz Ahmad
La présidence indienne du G20 s'est résolument orientée vers les intérêts du Sud global, en mettant principalement l'accent sur une croissance inclusive et résiliente, le développement durable et le financement climatique, l'autonomisation des femmes et la transformation technologique. Cette dernière dimension a particulièrement captivé l'attention. Les conférences technologiques en Inde ont mis l’accent sur l'exploitation des diverses applications de la technologie dans des domaines tels que la santé, la biotechnologie, la préparation aux pandémies, les devises numériques et les paiements transfrontaliers, ainsi que l'utilisation des données en général.
La présidence saoudienne du G20 en 2020 a joué un rôle majeur dans le domaine de la santé numérique en mettant l'accent sur l'infrastructure informatique, l’accès équitable, l'environnement politique et réglementaire, ainsi que sur le renforcement des compétences de la main-d'œuvre et des capacités institutionnelles.
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les États-Unis ont tenté de mobiliser un soutien pour imposer des sanctions contre la Russie. Cependant, peu de pays en Asie, en Afrique et en Amérique latine ont imposé des sanctions ou soutenu la démarche des États-Unis visant à créer une polarisation mondiale qui raviverait la perspective d'une nouvelle guerre froide. La plupart des nations préfèrent éviter la confrontation et le conflit, privilégiant plutôt le développement dans un ordre multipolaire.
Afin de gagner en influence et de renforcer les liens avec les nations en développement en prévision du sommet du G20, le président américain, Joe Biden, a annoncé un engagement envers le développement du Sud global, avec un financement substantiel de la part des États-Unis et de la Banque mondiale pour les infrastructures et le climat. Cependant, certains considèrent que cet engagement est davantage orienté vers la compétition avec la Chine que vers la satisfaction des besoins réels des pays en développement.
L'éloignement progressif des nations du G7 des préoccupations du monde en développement offre des opportunités aux grandes économies émergentes de renforcer leur collaboration, en élaborant une nouvelle vision de la transformation mondiale axée sur les intérêts du Sud global, tout en proposant des initiatives pratiques à mettre en œuvre dans des délais concrets.
Ce défi peut être relevé efficacement si l'Arabie saoudite et l'Inde travaillent de concert avec les pays partageant des objectifs similaires. Il s'agit d'une question qui devrait figurer en haut de l'ordre du jour lors de la rencontre entre le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, et Modi à New Delhi après le sommet. Ensemble, ces deux dirigeants ont le potentiel de façonner un nouvel ordre économique mondial.
Talmiz Ahmad est un ancien diplomate indien.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com