Netanyahou affaiblit ses opposants avant le dernier vote israélien

En ayant préalablement séduit la moitié de l'alliance Bleu Blanc dirigée par Benny Gantz afin qu'elle rejoigne le gouvernement grâce une fausse promesse de rotation du poste de Premier ministre, Netanyahou a non seulement divisé le parti, mais l'a détruit. (AFP/Archive)
En ayant préalablement séduit la moitié de l'alliance Bleu Blanc dirigée par Benny Gantz afin qu'elle rejoigne le gouvernement grâce une fausse promesse de rotation du poste de Premier ministre, Netanyahou a non seulement divisé le parti, mais l'a détruit. (AFP/Archive)
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Publié le Vendredi 12 février 2021

Netanyahou affaiblit ses opposants avant le dernier vote israélien

 Netanyahou affaiblit ses opposants avant le dernier vote israélien
  • Une nouvelle étape importante sur la voie des élections israéliennes pour la 24e Knesset du mois prochain a été franchie jeudi dernier
  • Le dépôt de listes de candidats pour l'élection du 23 mars lance officiellement la campagne et dissipe le flou à propos de ceux qui ont présenté leur candidature, sur les nouvelles alliances formées, ou les anciennes dissoutes

Une nouvelle étape importante sur la voie des élections israéliennes pour la 24e Knesset du mois prochain a été franchie jeudi dernier, lorsque les mouvements politiques qui y participent ont soumis leurs listes à la Commission électorale centrale.

Il est assez difficile d’être euphorique devant cette démonstration de démocratie, car c'est la quatrième fois en deux ans que l'électorat est invité à choisir ses représentants, les trois derniers efforts n'ayant pas abouti à un résultat concluant. Les prochains résultats devraient être aussi indécis que lors des précédents scrutins, qui ont conduit à de longues négociations de coalition ne débouchant sur aucun résultat satisfaisant ou, pire, à un gouvernement incapable de servir les intérêts de ses citoyens.

Le dépôt de listes de candidats pour l'élection du 23 mars lance officiellement la campagne et dissipe le flou à propos de ceux qui ont présenté leur candidature, sur les nouvelles alliances formées, ou les anciennes dissoutes. Cela permet d’en savoir un peu plus sur l’issue du scrutin. Et avec ce système multipartite complexe d’Israël, dans lequel aucun parti n’a jamais obtenu une majorité absolue, cela nous permet d’évaluer la composition possible du prochain gouvernement de coalition.

La classification traditionnelle droite-gauche de la carte politique israélienne n'est pas nécessairement pertinente pour analyser les résultats de cette élection, même si elle affectera naturellement la direction du pays si un gouvernement est formé et au moment où il le sera. Pour l'instant, la vraie bataille se situe entre deux partis: l'un soutient un nouveau mandat de Benjamin Netanyahou en tant que Premier ministre, et l'autre rejette cette option et promet de ne pas siéger dans le même gouvernement que celui de Netanyahou. Idéologiquement, certains partis, de part et d'autre de ce clivage, ont très peu de choses en commun, mais ils pourraient coopérer au lendemain du vote, ne serait-ce que pour se débarrasser de l'actuel Premier ministre.

Il s’agit essentiellement d’un schisme entre ceux qui sont personnellement et politiquement investis dans le gouvernement Netanyahou et ceux qui considèrent catégoriquement que chaque jour supplémentaire de Netanyahou au pouvoir nuit davantage au pays, au système démocratique et à l'État de droit.

Ceux qui s’opposent à Netanyahou en tant que Premier ministre, au-delà du fait qu’il soit accusé dans trois affaires très graves de corruption, dénoncent la manière affreuse dont le gouvernement actuel a géré la crise du coronavirus, échouant dans sa mission, la pandémie ayant jusqu’à présent coûté la vie à plus de 5 000 Israéliens.

Comme c'est la coutume en Israël, les semaines qui précèdent le dépôt des listes par les partis sont entièrement consacrées au positionnement stratégique dont le but est de créer de nouveaux partenariats et de nouvelles alliances, et de parvenir à occuper une position viable sur l'une de ces listes, ce qui signifie que la vision et les idées sont mises de côté. Toutefois, maintenant que cette saga préliminaire est terminée, les Israéliens espèrent toujours que, d’ici au jour du scrutin, chaque candidat aura à cœur de définir ce qui distingue sa politique de celle de ses opposants – mais n’y comptez pas trop…

Tout indique qu'il s'agira d'une nouvelle campagne de diffamation et d'insultes plutôt que d'un véritable débat national portant sur les véritables préoccupations des gens. C’est Netanyahou qui, en grande partie, orchestre cette campagne. Il sait que plus cette dernière est sale et moins il y a de discussions sur son bilan ou sur son aptitude à occuper le poste le plus élevé du pays, plus il a de chances de conserver le pouvoir.

Il s'agira d'une nouvelle campagne de diffamation et d'insultes plutôt que d'un véritable débat national portant sur les véritables préoccupations des gens

Yossi Mekelberg 

Il serait imprudent de faire confiance à la manière dont Netanyahou composera et dirigera la prochaine coalition. Il a déjà fait ce qu'il fait de mieux: porter gravement atteinte à ses opposants politiques et les détruire – en particulier ceux qui représentent une menace sérieuse pour son poste de Premier ministre.

Il manie de manière cynique la tactique qui consiste à diviser pour régner, exploitant impitoyablement la naïveté, l'ego surdimensionné et la rigidité de ceux qui cherchent à le défier, que ce soit de l'intérieur de son propre parti ou de l'extérieur.

En ayant préalablement séduit la moitié de l'alliance Bleu Blanc dirigée par Benny Gantz afin qu'elle rejoigne le gouvernement grâce une fausse promesse de rotation du poste de Premier ministre, il a non seulement divisé le parti, mais l'a détruit. Les dirigeants d’un groupe, qui, au mois de mars dernier seulement, ont fini au coude à coude avec le Likoud de Netanyahou, ne se parlent plus aujourd’hui, ou ont totalement abandonné la politique et ne sont plus considérés comme des prétendants au pouvoir.

De même, la manière dont Netanyahou a réussi à briser la Liste arabe commune, une alliance de quatre partis palestiniens qui, en se présentant ensemble, a réussi à obtenir quinze députés – un record – lors des dernières élections, est tout aussi trompeuse. Netanyahou a identifié le maillon le plus faible de cette alliance, le parti Ra’am, dirigé par Mansour Abbas qui – comme tant d’autres avant lui – a succombé aux flatteries et aux promesses du Premier ministre. Si l'on se fie aux récents sondages d'opinion, la représentation des citoyens palestiniens d'Israël à la prochaine Knesset sera considérablement réduite, du fait qu'il y aura deux listes en compétition pour leurs votes.

La gauche et le centre-gauche poursuivent leur lutte d'arrière-garde pour garder leur légitimité et même, pour certains, réussir à franchir le seuil électoral de 3,25%. Le Parti travailliste, avec sa nouvelle cheffe impressionnante, Merav Michaeli, montre un certain dynamisme; mais son incapacité à unir ses forces avec certains partis qui partagent les mêmes idées, et sa méthode consistant à persuader les principales personnalités qui composent ce parti de rester à l'écart et de ne pas se présenter aux élections pourrait lui coûter un bon nombre de sièges.

Le principal dilemme émergera après les élections du mois prochain, lorsque la gauche devra choisir entre le fait de soutenir un gouvernement sans Netanyahou, mais auquel elle s'oppose idéologiquement, ou le fait de rester dans l'opposition et de trouver un nouveau gouvernement Netanyahou soutenu par d'autres partis qui ne tiendront peut-être pas leurs promesses de ne pas se joindre à lui.

Dans ce monde à l'envers qu’est la politique israélienne, avec son chaos sans fin et l'insistance avec laquelle l'électorat reproduit des modèles de vote qui échouent toujours à faire naître un gouvernement stable, nous ne pouvons que nous attendre à ce que l’histoire se répète le mois prochain, comme lors de n’importe quelle autre élection avant longtemps.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent’s University de Londres, où il dirige le programme des relations internationales et des sciences sociales. Il est également membre associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux écrits et électroniques.

Twitter: @YMekelberg

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com