Israël réveillé en sursaut par le discours plus virulent des partisans de Netanyahu

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu (à droite), apparaît à l'intérieur d'une salle du tribunal de district de Jérusalem, le 24 mai 2020, lors du premier jour de son procès pour corruption. (Photo, AFP)
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu (à droite), apparaît à l'intérieur d'une salle du tribunal de district de Jérusalem, le 24 mai 2020, lors du premier jour de son procès pour corruption. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 15 avril 2021

Israël réveillé en sursaut par le discours plus virulent des partisans de Netanyahu

Israël réveillé en sursaut par le discours plus virulent des partisans de Netanyahu
  • La semaine dernière, deux pièces politiques se sont jouées simultanément, à quelques rues d’intervalle, dans la ville de Jérusalem
  • La première semaine du procès de M. Netanyahu fut aussi intéressante qu’inquiétante

Sur la scène politique israélienne, les rebondissements dramatiques ne font jamais défaut. Cependant, au moment où une grande partie du pays était encore dans l’émotion des célébrations de la Pâque juive, la semaine dernière, deux pièces politiques se sont jouées simultanément, à quelques rues d’intervalle, dans la ville de Jérusalem.

Dans l'une de ces rues, un cortège de membres de la Knesset se dirigeait vers la résidence du président israélien. Chacun d’entre eux représentait son parti et réclamait la nomination de Reuven Rivlin au poste de Premier ministre désigné dans le but de former une coalition.

L'autre pièce concernait la première phase du procès pour corruption du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, poursuivi pour des affaires de corruption, de fraude et d'abus de confiance. Si elles sont confirmées, ces accusations risquent de le conduire en prison. Bien que distinctes, ces deux pièces sont étroitement liées et pourraient avoir une incidence extrêmement lourde sur l'avenir du système politique, de la société et de la nature même de la démocratie israélienne.

La première semaine du procès de M. Netanyahu fut aussi intéressante qu’inquiétante. En effet, dans le tribunal de district de Jérusalem, dès les premiers débats, la chorégraphie présentée et le discours d'ouverture prononcé par la procureure principale, Liat Ben-Ari, avaient de quoi faire peur. Vint ensuite la déposition de l'un des témoins vedettes de l'accusation, Ilan Yeshua, ancien PDG de Walla, un site d'information réputé. Tous deux ont fait état de ce qu’on suppose être un réseau de relations corrompues entre Netanyahou et les propriétaires de Walla, Iris et Shaul Elovitch.

Cette affaire, qui fut baptisée «affaire 4000», n’est que l'une des trois accusations de corruption auxquelles Netanyahou se trouve confronté. Son procès ne fait que commencer et, certes, comme toute personne accusée, le Premier ministre israélien a droit à la présomption d'innocence. Mais il a profité, tout au long de la procédure judiciaire, d'une série de privilèges qui ne furent accordés à aucun autre suspect, encore moins à une personne soupçonnée de délits aussi lourds.

Pourtant, en proférant des menaces vis-à-vis des procureurs et des juges, M. Netanyahu et sa cabale politique adoptent le comportement d’une organisation criminelle et non de représentants élus dont la mission est de faire respecter la loi et l'ordre. Cette affaire est loin d'être un procès ordinaire. Que l'on soit un fervent partisan ou un opposant acharné de Netanyahu, le fait de voir le dirigeant israélien sur le banc des accusés est une épreuve douloureuse pour tout le pays.

Même si, d’habitude, on espère que tous ceux qui sont accusés d'un crime pourront bénéficier d’un procès équitable, le comportement de Netanyahou, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Cour, ne lui vaut aucune compassion, et moins encore le désir de le voir au pouvoir, ne serait-ce qu’une journée de plus.

La procureure Ben-Ari semblait tout à fait convaincue de la culpabilité de Netanyahu. Elle a exposé dans le détail comment le Premier ministre, élu par le peuple afin de servir au mieux ses intérêts, a préféré aider l'entreprise familiale Elovitch à conclure des accords à hauteur de plusieurs centaines de millions de shekels (1 shekel = 0,25 euro) en échange d’une couverture avantageuse sur son site d'information en ligne.

Si ces propos renferment une part de vérité, même infime, ils ont de quoi alerter quiconque se soucie de la liberté et de l'objectivité des médias. Liat Ben-Ari a explicitement déclaré devant les juges: «La relation entre Netanyahu et les (co)accusés était devenue une devise, une chose que l'on pouvait échanger... Cette devise était susceptible de fausser le jugement d'un employé du service public.»

Son procès ne fait que commencer et, certes, comme toute personne accusée, le Premier ministre israélien a droit à la présomption d'innocence.
Yossi Mekelberg

Après les remarques préliminaires faites par la procureure générale, les preuves apportées par Ilan Yeshua pendant plusieurs jours ont mis en cause l'intégrité du Premier ministre israélien, mais elles ont également jeté le doute sur son discernement, pour ne pas dire plus. Que le dirigeant d'un pays submergé par des problèmes existentiels soit à ce point obsédé par chaque message mis en ligne concernant sa famille ou sa personne a de quoi susciter l'inquiétude de ceux dont la vie est influencée par ses décisions.

Selon le témoignage de Yeshua, des personnes qui disposent de grandes fortunes auraient exploité la vulnérabilité et la fragilité de la famille Netanyahu. En contrepartie, ce dernier a exploité la cupidité des magnats des médias pour son intérêt personnel en abusant de sa position de Premier ministre. Cette affaire devrait priver de sommeil tous les Israéliens car, si elle est avérée – ce témoignage a été exprimé sous serment –, elle sapera la crédibilité et la sincérité du secteur des affaires et de celui des médias.

Si le procès pour corruption du Premier ministre israélien n'en est encore qu'à son début, il convient néanmoins de retirer à Netanyahu tout statut officiel pendant toute la procédure, voire à vie, puisqu’il a abusé de sa position dans le but d'attaquer et de saper le système judiciaire de manière vicieuse et venimeuse, créant ainsi des divisions et des perturbations au sein de la population.

La gestuelle méprisante qu'il a adoptée au tribunal est surtout interprétée comme un manque de respect et comme de l'arrogance. Cependant, le pire, c’est que le jour même où le premier témoin s'est présenté à la barre, Netanyahou a livré un discours en direct aux médias nationaux et internationaux dans lequel il a affirmé sans aucune honte: «Tout le procès intenté contre moi constitue un abus du pouvoir destructeur de la part de l'accusation.» Il est allé jusqu'à qualifier son procès de «mascarade». Et, comme si cela ne suffisait pas à provoquer les personnes chargées de défendre l'État de droit, il a accusé le parquet de mener une «tentative de coup d'État».

En outre, des protestations contre la procureure générale ont eu lieu devant le tribunal. Parmi les manifestants, un député du Likoud nouvellement élu, sélectionné par le Premier ministre, a affirmé haut et fort que ce n'était pas Netanyahu qui était accusé, mais la procureure générale. Tous ces aspects réunis donnent l'image d'un groupe antidémocratique qui prépare le terrain pour empêcher le procès, prêt à déclencher un soulèvement si Netanyahu est condamné.

Au fil de ces quatre longues années d'enquêtes et de procédures judiciaires, Netanyahu, sa famille et son cercle restreint de partisans ont tout fait pour saper le système judiciaire. Ils ont ainsi perdu toute intégrité et tout sens de la réalité. De toute évidence, ce sont eux qui orchestrent un coup d'État interminable contre une institution étatique légitime. Leurs actions pourraient entraîner un dangereux effondrement de la société et inciter à la violence contre ceux qui s'opposent au Premier ministre. Si ce scénario se concrétise, Netanyahu endossera la responsabilité d'un crime bien plus grave que les délits pour lesquels il est poursuivi aujourd'hui.

 

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et chercheur associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux écrits et électroniques. Twitter: @YMekelberg

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com