La guerre d'Israël contre Gaza entre dans une nouvelle phase périlleuse

La reprise de la guerre a servi de bouée de sauvetage pour la stabilité de la coalition gouvernementale de Netanyahou. (AFP)
La reprise de la guerre a servi de bouée de sauvetage pour la stabilité de la coalition gouvernementale de Netanyahou. (AFP)
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Publié le Mercredi 09 avril 2025

La guerre d'Israël contre Gaza entre dans une nouvelle phase périlleuse

La guerre d'Israël contre Gaza entre dans une nouvelle phase périlleuse
  • Du côté israélien, il n'y a jamais eu de véritable désir de mettre fin à la guerre
  • La fragilité de la politique intérieure du pays a enhardi l'extrême droite en Israël, y compris ceux qui font partie de la coalition gouvernementale. 

Depuis qu'Israël a unilatéralement mis fin au cessez-le-feu avec le Hamas à Gaza le 18 mars, plus de 1 000 Palestiniens ont été tués, et ce bilan tragique continue d'augmenter. Les bombardements ont frappé des écoles et des centres médicaux, entraînant à nouveau des scènes de Palestiniens déplacés, dont la plupart ont déjà été déplacés à plusieurs reprises.

La reprise du conflit par Israël, avec une telle intensité, soulève des questions: pourquoi maintenant et dans quel but? La réponse semble être davantage liée à la politique intérieure d'Israël et à la volonté du Premier ministre Benjamin Netanyahou de conserver son pouvoir, plutôt qu'à la sécurité ou aux intérêts stratégiques du pays.

Dès le début de l'accord de cessez-le-feu en janvier, largement influencé par les encouragements du président américain de l'époque, Donald Trump, des inquiétudes ont émergé quant à la durabilité de cet accord, qui risquait de ne pas dépasser la première phase à moins que les médiateurs continuent de faire pression sur les deux parties. Pour Israël, c'est principalement Washington qui a pu jouer un rôle persuasif.

Malgré quelques revers et contretemps au cours des six semaines de la première phase, les deux parties ont respecté leurs principaux engagements, même si elles n'ont pas toujours agi dans l'esprit de désamorcer les tensions et d'instaurer la confiance. Les combats ont cessé, ce qui a permis de sauver de nombreuses vies, l'aide humanitaire a été autorisée à entrer à Gaza, 33 des otages israéliens et étrangers détenus à Gaza sont rentrés chez eux en échange de la libération de près de 2 000 prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, et de nombreuses personnes déplacées à Gaza ont regagné ce qui restait de leurs maisons dans le nord de la bande de Gaza.

Du côté israélien, il n'y a jamais eu de véritable désir de mettre fin à la guerre. En réalité, c'est exactement le contraire qui s'est produit.    Yossi Mekelberg

Une conclusion positive de la première phase ne pouvait garantir le passage à la seconde, ni même l'ouverture de négociations sérieuses à ce sujet, sans lesquelles la libération des 59 otages restants à Gaza ne pouvait être garantie et la reprise des hostilités n'était qu'une question de temps.

Du côté israélien, il n'y a jamais eu de véritable désir de mettre fin à la guerre. En réalité, c'est exactement le contraire qui s'est produit. Son gouvernement s'est fixé comme priorité absolue l'élimination complète du Hamas avant d'accepter de mettre fin à la guerre. Et le fait que ce mouvement islamiste palestinien joue toujours un rôle dans la société et la politique palestiniennes démontre clairement que cet objectif – fixé par le gouvernement israélien après l'attentat meurtrier du 7 octobre 2023 – n'est pas réaliste. De plus, si les otages restants devaient être libérés par un accord, cela contredirait également l'affirmation du gouvernement selon laquelle seule la pression militaire peut permettre d'atteindre un tel résultat.

Le Hamas pourrait bien vouloir mettre fin à la guerre, mais il sait aussi que cela n'empêcherait pas Israël de poursuivre les personnes impliquées dans l'attentat du 7 octobre, et cette fois-ci, le Hamas n'aurait pas l'avantage de détenir des otages. Il y a également des signes de colère croissante parmi les Palestiniens qui considèrent que le groupe est aussi responsable qu'Israël des souffrances actuelles. Le moment est peut-être venu pour la société palestinienne de lui demander des comptes, comme c'est le cas pour la société israélienne à l'égard de son propre gouvernement.

Pendant un court laps de temps, le cessez-le-feu a tenu, malgré l'achèvement de la première phase sans accord sur la seconde. Néanmoins, la fragilité de la politique intérieure du pays, ainsi que l'idée contestable de Washington de vider la bande de Gaza de ses habitants palestiniens, ont enhardi l'extrême droite en Israël, y compris ceux qui font partie de la coalition gouvernementale. Ils ont fait pression sur Netanyahou pour qu'il reprenne la guerre afin qu'ils puissent réaliser leur fantasme de crime de guerre: occuper en permanence une bande de Gaza sans Palestiniens et y construire des colonies juives. Entre-temps, le cynisme de Netanyahou, qui abuse de sa position pour rester indéfiniment au pouvoir, atteint un nouveau seuil chaque semaine, tout comme son insouciance à l'égard des vies humaines, qu'il s'agisse de Palestiniens ou d'Israéliens.

La reprise de la guerre a été une bouée de sauvetage pour la stabilité de la coalition gouvernementale de Netanyahou. Lorsqu'il a initialement accepté l'accord de cessez-le-feu, la faction religieuse ultranationaliste du gouvernement, dirigée par Itamar Ben-Gvir et le parti Otzma Yehudit, a quitté le gouvernement, lui laissant une majorité très courte à la Knesset. Dans le même temps, le parti ultranationaliste religieux de Bezalel Smotrich, le Sionisme religieux, a mis Netanyahou en demeure, n'acceptant de rester au gouvernement qu'à la condition que la deuxième phase ne se concrétise jamais.

La fragilité de la politique intérieure du pays a enhardi l'extrême droite en Israël, y compris ceux qui font partie de la coalition gouvernementale.          Yossi Mekelberg

En reprenant le bombardement de Gaza, Netanyahou a été immédiatement récompensé par le retour d'Otzma Yehudit au gouvernement, tandis que la menace du sionisme religieux n'a pas été mise à l'épreuve. La grande tragédie, bien sûr, est que le maintien de Netanyahou au pouvoir et l'utilisation de tous les moyens possibles pour tourner en dérision son procès pour corruption et l'État de droit en général se sont traduits, dès la première nuit du retour d'Israël à la guerre, par la mort de plus de 400 Palestiniens. Les chiffres n'ont cessé d'augmenter depuis, avec 322 enfants tués à ce jour.

Si nous ne sommes plus choqués par le mépris total de Netanyahou et de sa coalition de droite pour la vie des Palestiniens, la plupart des Israéliens n'arrivent pas à comprendre son indifférence totale à l'égard de la vie de son propre peuple et, dans ce cas, des otages également. Netanyahou et ses partenaires politiques insultent l'intelligence du public israélien et de tous les autres en prétendant que la pression militaire ramènera les otages.

Si vous voulez la vérité, il vous suffit d'écouter le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, qui a déclaré la semaine dernière que Tel-Aviv envisageait une expansion majeure de l'opération militaire à Gaza afin de s'emparer de vastes étendues de terre qui seraient «incorporées dans les zones de sécurité d'Israël». Dans sa déclaration, Katz a précisé que l'opération impliquerait également une «évacuation à grande échelle de la population de Gaza des zones de combat».

À moins d'une intervention, avant tout de Washington, il existe un risque réel que la guerre à Gaza entre dans une nouvelle phase au cours de laquelle Israël rendra la vie de ses habitants totalement impossible, croyant pouvoir atteindre le double objectif de la victoire sur le Hamas et de l'expulsion des Palestiniens. Cependant, le résultat le plus probable d'une telle approche est une guerre sans fin et coûteuse.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House

X: @YMekelberg

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com