L'administration Biden aussi bien que le régime iranien semblent espérer relancer l'accord nucléaire de 2015 avant la tenue de l'élection présidentielle iranienne en juin. Cette période consacrée à la renégociation portera probablement les tensions entre l'Iran et Israël à un nouveau sommet.
Dans le sillage de la création de la République islamique en 1979, Israël est devenu l'un des grands ennemis du régime. Cela fait des décennies que Téhéran et Tel-Aviv se visent de manière indirecte, notamment à travers des guerres asymétriques et des cyberattaques, et refusent souvent de revendiquer ouvertement leur responsabilité.
En effet, c’est par le biais de mandataires, tels que le Hezbollah, que l'establishment théocratique attaque Israël. Tel-Aviv, de son côté, inflige au programme nucléaire iranien des pertes considérables par différents moyens, dont le Stuxnet – un ver informatique – et les attaques contre les chercheurs nucléaires iraniens.
Dans la foulée, c'est l'arrivée de Barack Obama à la présidence des États-Unis qui a fait exploser les tensions. Jusqu'alors, ce qui opposait toutes les administrations américaines à l'Iran, c'était principalement l'hostilité de ce dernier à l'égard d'Israël, l'allié inconditionnel de Washington au Moyen-Orient. Ainsi, Israël estimait qu'il pouvait toujours compter sur le soutien des États-Unis lorsqu'il s'agissait du régime iranien.
Cependant, la Maison-Blanche d'Obama a rompu avec cette tradition en fermant les yeux sur la position de l'Iran à l'égard d'Israël. En forgeant le Plan d'action global conjoint (PAGC), elle a contribué à supprimer l'ensemble des sanctions des Nations unies et quelques-unes des sanctions américaines contre Téhéran. Cet accord a conféré à l'Iran une légitimité internationale, a renforcé les milices et les groupes terroristes iraniens et a consolidé le régime sur le plan économique, compte tenu des milliards de dollars injectés dans son Trésor public.
Alors que le second mandat de l'administration Obama touchait à sa fin, Téhéran a contribué à la survie du président syrien, Bachar al-Assad, a étendu son influence en Syrie et a entrepris d'implanter des bases militaires dans ce pays, ce qui menace sérieusement la sécurité nationale d'Israël.
L'administration Obama a donc donné une dure leçon aux dirigeants israéliens. Se sentant abandonnée par son allié, Tel-Aviv a constaté que rien ne garantissait que chaque président américain considérerait l'Iran à travers le prisme de sa position à l'égard d'Israël, ou qu’il façonnerait ses relations avec Téhéran en fonction des préoccupations d'Israël.
À nouveau abandonné par son allié américain, Israël éprouve un sentiment bien différent cette fois-ci.
Dr Majid Rafizadeh
En effet, cette leçon a influencé de manière significative la politique d'Israël à l'égard de l'Iran après l'entrée en fonction de l'administration Trump. Ce dernier a exprimé un soutien inconditionnel à Tel-Aviv en infligeant à Téhéran des sanctions et une pression maximale, et en retirant les États-Unis de l'accord nucléaire.
Israël a donc saisi cette opportunité en ciblant l'Iran et en affaiblissant son régime, car Tel-Aviv ignorait si la prochaine administration américaine serait indulgente à l'égard des religieux au pouvoir. Ainsi, Israël a entrepris des attaques dirigées contre les bases militaires iraniennes en Syrie et en Irak. En novembre dernier, par exemple, l'Armée de l'air israélienne a procédé à des raids aériens contre huit cibles contrôlées par la Force Al-Qods en Syrie. Au mois de juillet 2019, Israël a également tiré des missiles de croisière en direction de postes militaires iraniens et syriens installés à Homs et non loin de Damas. La même année aussi, l'armée israélienne a attaqué des dizaines d'autres cibles iraniennes en Syrie, sans compter les frappes aériennes qu'elle a menées dans le nord de Bagdad.
Le discours qui prévaut au sein de l'establishment iranien veut qu'Israël, durant les dernières semaines du mandat de l'administration Trump, cherchait à entraîner Téhéran dans la guerre, et que le régime devait éviter de tomber dans ce piège. En novembre dernier, le journal contrôlé par l'État, Arman-e Melli, a titré: Le piège des tensions: Assassinat d'un nouveau chercheur nucléaire. On pouvait lire dans ce quotidien qu'il incombait à l'Iran de se montrer prudent et patient à la veille du départ de Donald Trump de la Maison-Blanche et de neutraliser les tensions avec Israël et les États-Unis.
En fin de compte, quatre années d’administration Trump ont pris fin et le régime iranien a réussi à survivre. Lorsque l’ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden, a pris ses fonctions en janvier, son administration s'est dite disposée à lever les sanctions contre l'Iran en vue de retourner à l'accord sur le nucléaire.
Abandonné une fois de plus par son allié, Israël éprouve cette fois-ci un sentiment bien différent, étant convaincu que l'Iran poursuit des activités nucléaires clandestines qui lui permettront de se doter prochainement de l'arme nucléaire. Le PAGC n'empêchera pas l'Iran d'obtenir des armes nucléaires; au contraire, il conférera davantage de pouvoir au régime. Ce raisonnement a porté les tensions Iran-Israël à un nouveau seuil particulièrement inquiétant, comme en témoigne la frappe israélienne de la semaine dernière contre un navire de commandement iranien en mer Rouge.
Les tensions entre Israël et l'Iran ne cesseront de grimper tout au long de la renégociation de l'accord nucléaire. Il incombe désormais à l'administration Biden de les contenir.
• Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com