Déclenché par une guerre civile qui a éclaté en 2011, le conflit a déplacé plus de 13 millions de Syriens, soit la moitié de la population du pays avant la guerre. Parmi eux, environ 6,8 millions ont cherché refuge à l'étranger, principalement dans les pays voisins tels que la Turquie, le Liban et la Jordanie, ainsi qu'en Europe et au-delà. Leur sort est devenu un symbole de la souffrance humaine, de la résilience et des défis de la solidarité mondiale.
Aujourd'hui, avec la chute de Bachar Assad, certains pays occidentaux ont entamé des efforts pour rapatrier les réfugiés syriens, invoquant l'évolution des conditions sur le terrain. Toutefois, la complexité de l'économie dévastée de la Syrie, l'effritement de ses infrastructures et les cicatrices sociales justifient une approche plus prudente du rapatriement.
Pendant la guerre civile, de nombreux Syriens ont risqué des voyages périlleux à travers la Méditerranée pour trouver refuge en Europe. Les images de bateaux surchargés et de noyades tragiques ont attiré l'attention du monde entier, mais les réactions ont été très diverses. Certains pays ont ouvert leurs portes, tandis que d'autres ont fermé leurs frontières ou érigé des barrières pour limiter l'afflux.
La crise des réfugiés a mis en évidence de profonds défis : la pression exercée sur les ressources des pays d'accueil, la difficulté d'intégrer d'importantes populations de réfugiés et le traumatisme durable subi par ceux qui ont fui. Les Syriens ont lutté pour trouver un emploi stable, accéder aux soins de santé et assurer l'éducation de leurs enfants. Malgré ces difficultés, beaucoup s'accrochent à l'espoir de rentrer chez eux.
Si la chute d'Assad marque un tournant important, la Syrie est loin d'être prête à accueillir le retour de millions de ses citoyens déplacés. Le bilan de la guerre sur l'économie et les infrastructures du pays est stupéfiant. Des villes entières sont en ruine et les services essentiels comme l'eau, l'électricité et les soins de santé sont gravement compromis. Selon les estimations, la reconstruction de la Syrie pourrait nécessiter des centaines de milliards de dollars et des décennies d'efforts. Les routes, les écoles, les hôpitaux et les maisons doivent être reconstruits avant que les retours à grande échelle ne soient viables.
Le paysage économique est tout aussi désastreux. Le PIB de la Syrie s'est fortement contracté depuis le début de la guerre, et les industries qui faisaient vivre des millions de personnes se sont effondrées. L'agriculture, pierre angulaire de l'économie d'avant-guerre, a été dévastée par le conflit et le changement climatique. De nombreuses usines et entreprises ont été détruites ou abandonnées, laissant un vide de possibilités d'emploi. L'inflation et la dévaluation de la monnaie ont rendu les produits de base inabordables pour une grande partie de la population.
Pour ceux qui reviennent, les défis sont considérables. Le logement est l'un des problèmes les plus immédiats et les plus pressants. Les maisons de nombreux réfugiés ont été détruites, saisies ou occupées par d'autres. Les litiges juridiques concernant les droits de propriété risquent d'être nombreux, en particulier dans un pays où les documents ont été perdus ou détruits pendant la guerre.
La réintégration économique constitue un autre obstacle majeur. Avec un taux de chômage élevé et des possibilités d'emploi limitées, les rapatriés peuvent avoir du mal à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Les travailleurs qualifiés peuvent constater que leur profession n'est plus viable en raison de la destruction des infrastructures ou de l'évolution de l'économie. Les agriculteurs qui retournent dans les zones rurales peuvent être confrontés à des terres rendues infertiles par la négligence ou les conflits. Dans les zones urbaines, les petites entreprises autrefois florissantes peuvent ne plus avoir de clientèle ou les ressources nécessaires pour redémarrer leurs activités.
L'accès aux services de base est un autre problème important. Les établissements de santé sont rares et débordés, avec des pénuries de personnel, d'équipement et de médicaments. Les écoles ont été détruites ou réaffectées. Les réfugiés qui retournent dans ces conditions peuvent constater que leur qualité de vie n'est pas meilleure - voire pire - que dans les pays où ils ont demandé l'asile.
En outre, il ne faut pas négliger les conséquences psychologiques du retour. De nombreux réfugiés ont subi de profonds traumatismes, qu'il s'agisse d'avoir été témoins de violences ou d'avoir perdu des êtres chers. Le retour dans un pays qui porte encore les cicatrices de la guerre peut exacerber ces problèmes de santé mentale. Les systèmes de soutien, tels que les conseils et les réseaux communautaires, sont limités ou inexistants dans de nombreuses régions de la Syrie.
Malgré ces difficultés, de nombreux Syriens espèrent que la Syrie pourra un jour retrouver la stabilité, la sécurité et la prospérité. Après 13 ans de conflit incessant, la perspective de la paix peut offrir une lueur d'espoir à des millions de Syriens qui aspirent à la normalité. Avec le temps, la reconstruction des infrastructures, la relance de l'économie et l'apaisement des divisions sociales peuvent, espérons-le, ouvrir la voie à un avenir plus radieux.
La reconstruction des infrastructures syriennes sera une tâche monumentale, mais elle est essentielle pour permettre aux réfugiés de rentrer chez eux et de reconstruire leur vie. Les routes, les ponts et les services publics doivent être restaurés pour relier les communautés et faciliter l'activité économique. Les écoles et les hôpitaux doivent être reconstruits pour assurer l'éducation et les soins de santé, jetant ainsi les bases d'une société plus saine et plus prospère. Les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies modernes pourraient aider la Syrie à surmonter certains problèmes de développement, en créant des opportunités d'innovation et de croissance.
À mesure que la stabilité s'installe, l'économie syrienne a le potentiel de se redresser et même de prospérer. L'agriculture peut être revitalisée grâce à des investissements dans l'irrigation et les pratiques durables. Les industries telles que l'industrie manufacturière et la construction peuvent créer des emplois et stimuler la croissance économique. Le tourisme, qui a déjà été l'un des principaux moteurs de l'économie syrienne, pourrait reprendre progressivement au fur et à mesure que les sites historiques seront restaurés et que la sécurité s'améliorera. L'esprit d'entreprise du peuple syrien, évident dans la diaspora, peut jouer un rôle crucial dans la reconstruction de la nation.
L'apaisement social sera tout aussi important. Les programmes de réconciliation et de renforcement des communautés peuvent contribuer à combler les fossés et à favoriser un sentiment d'unité. L'éducation sera essentielle pour doter la prochaine génération des compétences et des connaissances nécessaires à la reconstruction du pays. Les initiatives culturelles et artistiques peuvent célébrer le riche héritage de la Syrie et inspirer un sentiment d'identité partagée.
Si le chemin à parcourir est long et semé d'embûches, la résilience du peuple syrien est porteuse d'espoir. Pour ceux qui ont enduré des épreuves inimaginables, le rêve de retrouver une patrie sûre et prospère est une puissante source de motivation. Avec patience et persévérance, de nombreux Syriens espèrent que leur pays pourra renaître des cendres de la guerre et offrir à ses citoyens la sécurité, la stabilité et les opportunités qu'ils méritent. La communauté internationale observera sans aucun doute les efforts déployés par les Syriens pour concrétiser leur espoir d'un avenir meilleur, déterminés à reconstruire leur vie et leur nation.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
X: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com