Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a publié cette semaine un rapport accablant qui révèle qu’assez d’éléments sont disponibles pour enquêter sur les potentiels crimes de guerre commis par les autorités israéliennes contre les Palestiniens à Gaza pendant les hostilités de 2014. Selon la CPI, tous les critères du Statut de Rome nécessaires pour déclencher l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre ont été remplis.
Le rapport a également conclu que les membres du Hamas étaient susceptibles d'avoir commis des crimes de guerre. Mais cette conclusion n'a pas le même poids parce qu'Israël est un gouvernement souverain qui dispose d’une armée professionnelle lourdement armée, tandis que le Hamas est un groupe de militants et d'extrémistes qui n'ont pas le même statut qu’un gouvernement. Il existe une différence significative entre les deux.
Cela fait penser à l’argumentation concernant les adolescents tués par la police dans les rues de plusieurs villes américaines. Dans ces affaires, des policiers lourdement armés auraient réagi de manière excessive à des infractions mineures en tuant leurs auteurs plutôt qu'en les arrêtant. Cette force excessive contre des civils souvent non armés est un crime immoral.
Israël a tenté d’infléchir l’enquête de la CPI, avec le soutien du président américain Donald Trump et du secrétaire d’État Mike Pompeo. En juin, Pompeo a critiqué la Cour sur son projet d’enquêter sur les accusations de crimes de guerre déférées par le gouvernement palestinien en 2018. Il a même affirmé que la CPI était un «tribunal kangourou».
CPI et État d’Israël: destins liés
Mais la CPI a été créée en 1948, la même année que l'État d'Israël, et est née de la même organisation internationale, l’ONU. C’est à peu près à cette époque que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Elle commence ainsi: «Les parties contractantes, reconnaissant qu’à toutes les périodes de l’histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité, sont convaincues que pour libérer l’humanité d’un fléau odieux, une coopération internationale est nécessaire.»
L'article 1er de cette Convention qualifie le génocide de «crime au regard du droit international», et l'article VI stipule que les personnes accusées de génocide «seront jugées devant les tribunaux compétents de l’État sur le territoire duquel l'acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l’égard de celles des parties contraignantes qui en auront reconnu la juridiction». L'Assemblée générale de l’ONU a également invité la Commission du droit International «à étudier l'opportunité et la possibilité de créer un organe judiciaire international pour le jugement des personnes accusées de génocide.»
Aucune propagande politique n'empêchera la Cour de s'acquitter de son devoir d'enquêter sur les crimes contre l'humanité les plus odieux. Ray Hanania
Aucune propagande d'un secrétaire d'État affaibli ni aucun tweet d'un président américain sortant, canard boiteux, n'empêchera la CPI de s'acquitter de son devoir d'enquêter sur les crimes contre l'humanité les plus odieux.
Qu'a donc fait Israël à Gaza en 2014? Au cours d’une invasion militaire qui a duré sept semaines, l’armée israélienne, répondant aux provocations du Hamas, a saccagé la ville, pilonnant une population civile ravagée par la pauvreté. Plus de 2 300 Palestiniens ont été tués et près de 11 000 ont été blessés au cours de cette offensive. La grande majorité des morts et des blessés étaient des civils. Israël a défendu ses actions en affirmant que les militants du Hamas avaient utilisé les civils comme «boucliers humains».
«Crimes de guerre»
Israël a justifié son invasion en affirmant que les extrémistes du Hamas étaient responsables du meurtre de trois adolescents israéliens, en dépit d’un manque de preuves. Israël a imputé toute la violence au Hamas et aux Palestiniens en général, admettant rarement sa propre violence ou ses propres crimes. Avec le soutien d'un puissant média d'information totalement partial, et des millions de dollars consacrés à une propagande abreuvant l’opinion publique, Israël a imposé ses arguments malgré la réalité des faits. Vidéos, photos et témoignages oculaires ont contredit la version officielle, démontrant que des soldats israéliens avaient tué intentionnellement des civils.
Mais la CPI n’a pas été influencée par Israël ou par le discours des politiciens. Le rapport de son procureur déclarait ainsi: «Le Bureau a estimé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que des membres des Forces de défense israéliennes ont commis les crimes de guerre suivants: mener intentionnellement des attaques disproportionnées en relation avec au moins trois incidents sur lesquels le Bureau s’est concentré; tuer intentionnellement et causer intentionnellement des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé; et diriger intentionnellement une attaque contre des objets ou des personnes utilisant les signes distinctifs des Conventions de Genève.»
Le rapport a également pointé du doigt le Hamas. «En outre, le Bureau a estimé qu'il existait des motifs raisonnables de croire que des membres du Hamas et des groupes armés palestiniens ont commis les crimes de guerre suivants : diriger intentionnellement des attaques contre des civils et des biens à caractère civil; utiliser des personnes protégées comme boucliers; priver volontairement les personnes protégées du droit à un procès équitable et régulier; commettre des meurtres, de la torture intentionnellement ou des traitements inhumains et/ou des atteintes à la dignité personnelle.»
Chaque accusation est étayée par un article du Statut de Rome, qui est la base juridique de l’existence même et du mandat de la CPI. Israël peut enfoncer sa tête dans le sable autant qu’il le veut, il ne pourra pas éviter les poursuites, quel que soit celui qui siège à la Maison Blanche.
Ray Hanania est un éditorialiste et ancien journaliste politique primé auprès de l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter :@RayHanania
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com