Une collaboration entre le monde arabe et les États-Unis pourrait changer la donne

Des Palestiniens se déplacent en calèche au milieu des ravages de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, le 12 février 2025. (AP)
Des Palestiniens se déplacent en calèche au milieu des ravages de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, le 12 février 2025. (AP)
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Publié le Samedi 15 février 2025

Une collaboration entre le monde arabe et les États-Unis pourrait changer la donne

Une collaboration entre le monde arabe et les États-Unis pourrait changer la donne

La politique étrangère des États-Unis, en collaboration avec certains de leurs alliés, est la force motrice derrière presque tous les conflits majeurs dans le monde arabe et musulman, de la Syrie à l’Irak, et de l’Afghanistan au Soudan.

Washington exerce son influence sur les mondes arabe et musulman par le biais de milliards de dollars d’aide étrangère versée annuellement, et ce par le biais du commerce, notamment le pétrole, et par la manipulation des médias pro-américains qui ont une certaine influence dans le Moyen-Orient.

L’aide étrangère est fournie depuis longtemps à plusieurs pays arabes, notamment 1,3 milliard de dollars par an à l’Égypte, 1,5 milliard de dollars à la Jordanie, entre 200 millions et 1 milliard de dollars à l’Irak et plus d’un milliard de dollars au peuple syrien, parmi d'autres exemples.

En effet, les principaux médias américains, dont plusieurs bénéficient d'une aide directe du gouvernement à travers des abonnements et de centaines de millions de dollars de publicité, jouent un rôle important dans la promotion des intérêts des États-Unis par le biais d'une propagande qui dessine les politiques du pays à l'égard du monde.

Un seul pays du Moyen-Orient a favorisé la création d’une stratégie sophistiquée à plusieurs niveaux pour gérer toute cette influence, manipuler la couverture médiatique en fonction de ses intérêts et garantir un soutien indéfectible des États-Unis. Ce pays, c’est Israël, qui détient le triste record des pertes humaines parmi les Arabes et les musulmans.

Mais, pourquoi les mondes arabe et musulman ne suivent-ils pas le même chemin qu'Israël, qui a utilisé son appareil de lobbying pour renforcer le soutien américain à ses intérêts ? Pourquoi ne se sont-ils pas tournés vers les Américains d'origine arabe pour sensibiliser les politiciens américains à leurs préoccupations, leurs politiques et leurs besoins ?

Il est temps que les Arabes d’Amérique et du Moyen-Orient s’unissent et mettent de côté leurs divergences.

                                                       Ray Hanania

Les Américains d'origine arabe et musulmane ont joué un rôle clé dans la victoire électorale de Donald Trump l'année dernière, un fait reconnu par le président lui-même. Dans les médias américains de gauche et fortement pro-israéliens, ces électeurs sont souvent accusés d'avoir contribué à l'élection de Trump, dont les récentes déclarations politiques ont agacé l'establishment politique.

Les critiques des médias négligent généralement le fait que, bien que Trump fasse souvent des déclarations politiques spontanées qui suscitent leur colère, son prédécesseur a financé, armé et défendu, devant l'ONU, le génocide israélien de 15 mois qui a coûté la vie à près de 50 000 Palestiniens à Gaza.

À première vue, la politique étrangère américaine et son double standard quant à la mise en application des principes et de la justice de manière équitable sont déconcertants. Mais, cela ne s’explique que par le fait que le monde arabe et les Américains d'origine arabe ne travaillent pas ensemble.

La réponse immorale et excessive d’Israël à l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 et l’adhésion aveugle des États-Unis au faux récit de propagande qu’Israël utilise pour justifier ses actions violentes, que la Cour pénale internationale prétend pouvoir décrire comme des «crimes de guerre», ont créé une opportunité pour refonder les relations.

Il est temps que les Arabes d’Amérique et du Moyen-Orient s’unissent, mettent de côté leurs divergences, parlent d’une seule voix et renversent le modèle destructeur qui a englouti tant de pays arabes. Cette union pourrait recentrer la responsabilité des troubles de la région sur le seul pays qui prétend vouloir être « accepté » au Moyen-Orient, tout en cherchant à le redéfinir et à le contrôler : Israël.

Israël est particulièrement vulnérable à une puissante contre-campagne visant à influencer la compréhension américaine des événements au Moyen-Orient.

En 1973, l’Arabie saoudite a démontré la puissance du monde arabe lorsqu’elle a pris la tête de l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPEP) en imposant un embargo pétrolier aux États-Unis en réponse à leur partialité en faveur de la violence israélienne. Israël a prétendu être la victime, mais en fait c’était le provocateur, initiant la violence qu’il a ensuite redéfinie par le biais de la propagande médiatique américaine.

Quelques millions de dollars pourraient faire basculer le vote au Congrès des intérêts étroits d’Israël vers ceux du monde arabe.

                                                  Ray Hanania

Ce moment a marqué un tournant majeur dans les relations entre l'Occident et le monde arabe. L'Amérique a traversé une crise. Depuis lors, les prix du pétrole en provenance du monde arabe sont régulés dans une relation unilatérale avec l’Amérique, permettant aux Américains de bénéficier des prix les plus bas, ne payant en moyenne un peu plus de 3 dollars le gallon, soit moins de la moitié du prix dans de nombreux autres pays.

Israël a une puissance pétrolière équivalente à celle du monde arabe, mais elle est bien moins chère. Au cours du dernier cycle électoral national, les comités d’action politique pro-israéliens ont fait don de près de 5 millions de dollars aux caisses de campagne des candidats à certains des postes politiques américains les plus influents, des gouverneurs d’État aux membres du Congrès. Ces dons ont aidé les candidats pro-israéliens à remporter les élections, donnant ainsi à Tel-Aviv une influence énorme.

Au lieu d’alimenter la colère des Américains en imposant des prix du pétrole plus élevés, la campagne d’Israël répond à un besoin politique de manière positive, en renforçant la dévotion politique à ses besoins.

Le monde arabe pourrait facilement adopter une démarche similaire avec l'aide de véritables militants arabo-américains. Quelques millions de dollars suffiraient à faire basculer le vote du Congrès, des intérêts étroits d'Israël vers ceux du monde arabe. Aussi, quelques millions supplémentaires pour financer une campagne de relations publiques pro-arabe dans les médias pourraient modifier considérablement l’opinion du public américain.

Nous évoquons une campagne menée par des militants arabo-américains qui coûterait peut-être 10 à 20 millions de dollars pour modifier les politiques intrinsèquement anti-arabes et anti-musulmanes des États-Unis.

Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Mais la dynamique du monde d’aujourd’hui et la violence croissante au Moyen-Orient créent une opportunité qu’il faut saisir afin de mettre un terme à la propagation destructrice de la violence soutenue par l’Occident dans tout le Moyen-Orient et de saper le racisme anti-arabe et l’islamophobie croissants qui se répandent aux États-Unis.

Le coût serait minime, alors pourquoi ne pas tenter ?


Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site web personnel à l'adresse suivante: www.Hanania.com. 

X: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com