Les Américains d'origine arabe et le deuxième mandat de Trump

Biden et son secrétaire d'État pro-israélien Antony Blinken ont ignoré les violences commises par les colons israéliens à l'encontre des chrétiens et des musulmans palestiniens et n'ont prêté attention au conflit que lorsque des extrémistes palestiniens ont attaqué Israël le 7 octobre 2023. (AFP)
Biden et son secrétaire d'État pro-israélien Antony Blinken ont ignoré les violences commises par les colons israéliens à l'encontre des chrétiens et des musulmans palestiniens et n'ont prêté attention au conflit que lorsque des extrémistes palestiniens ont attaqué Israël le 7 octobre 2023. (AFP)
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Publié le Jeudi 30 janvier 2025

Les Américains d'origine arabe et le deuxième mandat de Trump

Les Américains d'origine arabe et le deuxième mandat de Trump
  •  De nombreux Arabo-Américains sont convaincus que les décisions politiques sont prises sur la base du bien et du mal
  •  Beaucoup d'Arabo-Américains pensent à tort que les hommes politiques américains soutiendront à 100% leurs objectifs et leurs besoins

De nombreux Arabo-Américains ont loupé le coche il y a huit ans, lorsque Donald Trump est entré pour la première fois à la Maison Blanche, car, au lieu de se concentrer sur leurs propres besoins, ils se sont enfermés dans une polarisation politique amère. Leur erreur a été de croire qu'un camp, celui des démocrates, se souciait davantage d'eux que l'autre, celui des républicains. Il a fallu la défaite de Trump en 2020 face à Joe Biden, puis la présidence de ce dernier, pour qu'ils se rendent compte qu'aucun des deux camps ne prenait leurs préoccupations au sérieux.

Sous la présidence de Joe Biden, dont de nombreux Américains d'origine arabe ont célébré l'élection, la cause palestinienne a été tenue à l'écart de manière à répondre aux besoins d'Israël. Biden a parlé de paix et d'équité, mais n'a rien fait pour y parvenir. Il a parlé d'ouvrir les portes du gouvernement aux Arabo-Américains et de leur donner une voix, mais, en réalité, il les a réduits au silence.

Biden et son secrétaire d'État pro-israélien Antony Blinken ont ignoré les violences commises par les colons israéliens à l'encontre des chrétiens et des musulmans palestiniens et n'ont prêté attention au conflit que lorsque des extrémistes palestiniens ont attaqué Israël le 7 octobre 2023.

Les Arabes pensent à tort que l'Amérique n'a qu'une seule norme en ce qui concerne la violence au Moyen-Orient et en particulier en Palestine. Ce n'est pas le cas. Il s'agit en fait de deux normes: une pour Israël et une autre pour la Palestine et les Arabes.

Les besoins d'Israël sont la priorité absolue des politiciens américains. Cette priorité éclipse les préoccupations que les politiciens prétendent avoir pour les citoyens américains qui ont des besoins, tels que les personnes âgées, les sans-abri et les vétérans de l'armée, et même pour la lutte contre la criminalité.

Comment cela est-il possible? Le lobby pro-israélien possède l'un des comités d'action politique les plus puissants d'Amérique et verse des millions de dollars dans les caisses de campagne des membres du Congrès.

Les personnes âgées, les sans-abri, les anciens combattants et les victimes de la criminalité n'ont pas ce pouvoir, ni un lobby qui se bat pour leurs droits avec autant de succès que le lobby pro-israélien qui se bat pour faire d'Israël la principale préoccupation de l'Amérique en matière de politique étrangère.

J'explique tout cela parce que, malheureusement, de nombreux Américains d'origine arabe pensent à tort que les décisions politiques sont prises sur la base du bien et du mal ou de la Constitution américaine et de l'État de droit. Désolé de vous décevoir, mais ce n'est pas le cas.

Le fait est que, si vous pensez qu'il existe une différence entre Biden et les démocrates d'une part, et Trump et les républicains de l'autre, vous vous trompez gravement. Et cette erreur ne fera qu'aggraver la situation à laquelle sont confrontés les Arabo-Américains et les questions qui leur tiennent à cœur.

La semaine dernière, Trump a publié un décret visant les extrémistes qui tentent d'entrer aux États-Unis. Certains groupes arabes ont immédiatement dénoncé ce décret comme étant une restauration de la soi-disant interdiction des musulmans lors de son premier mandat.

De nombreux Arabo-Américains sont convaincus que les décisions politiques sont prises sur la base du bien et du mal.

-Ray Hanania

En 2017, Donald Trump a décrété une interdiction de visa visant sept pays à majorité musulmane. Cette mesure s'inscrivait dans le prolongement d'une loi approuvée par le président Barack Obama deux ans plus tôt. En 2015, le Congrès a adopté une loi imposant des restrictions en matière d'immigration aux voyageurs originaires ou ayant récemment visité l'Iran, l'Irak, le Soudan ou la Syrie. Deux mois plus tard, le ministère de la Sécurité intérieure a étendu cette mesure à trois autres pays à majorité musulmane: la Libye, la Somalie et le Yémen. L'administration a invoqué «la menace croissante que représentent les combattants terroristes étrangers» en provenance de ces pays, et les grands médias se sont contentés d'ignorer cette décision.

Le nouveau décret de Trump vise à empêcher les personnes qui n'ont pas été correctement contrôlées d'entrer aux États-Unis. Il vise tout pays en proie à des troubles ou à des conflits, ou qui ne dispose pas de contrôles frontaliers rigoureux.

Alors, au lieu d'exagérer l'intention et d'essayer de combattre Trump sur ce point, pourquoi ne pas reconnaître le décret pour ce qu'il est et en discuter de manière respectueuse?

Trump réagit bien mieux au respect qu'à la confrontation. Il est le président. Les Arabo-Américains peuvent relancer la même confrontation qui a fait des ravages pendant les quatre premières années de Trump, tout en prétendant que Biden et les démocrates étaient en quelque sorte meilleurs. Mais les démocrates n'étaient pas meilleurs. Ils ont juste été plus rusés dans leur rhétorique. Il suffit de demander aux habitants de Gaza qui ont subi des violences et des souffrances incommensurables financées par l'administration précédente.

Les Américains d'origine arabe peuvent au contraire poursuivre une nouvelle stratégie, axée sur la réalisation d'objectifs qui reconnaissent et renforcent les droits des Arabes et des musulmans. Cela vaudrait mieux que des stratégies fondées sur les émotions plutôt que sur les faits.

Beaucoup d'Arabo-Américains pensent à tort que les hommes politiques américains soutiendront à 100% leurs objectifs et leurs besoins. Ce n'est pas le cas. La politique américaine repose sur le compromis. Si un homme politique soutient 70% de vos priorités, cela devrait constituer une base acceptable et positive à partir de laquelle construire.

Les Américains d'origine arabe veulent souvent tout à la fois et évitent les compromis. S'ils n'obtiennent pas 100%, ils se sentent lésés. Ils ont même honte. Les Israéliens, en revanche, ont généralement toujours pris ce qu'ils pouvaient obtenir – même si c'était bien moins que ce qu'ils pensaient mériter – et l'ont développé. Les Américains d'origine arabe devraient faire de même. L'objectif est de parvenir à un changement, lentement, régulièrement et par le biais d'un compromis.

Le choix est simple. Continuer à critiquer et à attaquer Trump et le pousser encore plus dans les griffes du bulldozer israélien. Ou bien être stratégique. Garder les portes ouvertes au président, qui est l'une des personnes les plus puissantes au monde. Flatter son ego et comprendre les intentions derrière ses propos plutôt que d'en interpréter le sens.

La politique américaine est malléable. Vous pouvez la changer en travaillant le système, en étant intelligent.

Biden nous a montré que croire en la parole d'un visage politique amical n'a pas de sens. Au moment le plus critique et le plus important, il faut être en mesure d'exercer une influence et ne pas être un outsider en raison de son propre choix de conflit.

Les Arabo-Américains qui se soucient de la Palestine feront fonctionner le système, quel que soit le président de la Maison Blanche. Ceux qui ne le font pas et qui fomentent une réaction émotionnelle ne se soucient en réalité que d'eux-mêmes.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.

X: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com