Il ne fait aucun doute qu'Israël a été privilégié ces quatre dernières années, en ce qui concerne son opposition au régime iranien. La politique iranienne de l’administration Trump était conforme aux objectifs d’Israël.
La politique de pression maximale a servi les intérêts d’Israël en affaiblissant considérablement l’establishment théocratique iranien sur plusieurs fronts. Dès le début, les dirigeants israéliens se sont opposés au Plan d'action global conjoint (JCPOA), communément appelé Accord sur le nucléaire iranien, et ont fait pression contre lui, en partie en raison du fait qu'il fournissait aux religieux au pouvoir en Iran des revenus supplémentaires. Les principaux bénéficiaires de l'Accord n'étaient pas le peuple iranien ordinaire, mais le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), la Force Al-Qods, le Bureau du guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, les fidèles au régime et les intermédiaires, ainsi que les milices qui y sont affiliées au Moyen-Orient. Israël estimait que l'Accord sur le nucléaire stimulerait et renforcerait ses adversaires, le Hezbollah, le Hamas et le régime syrien.
En outre, l'Accord a ouvert la voie à la levée des sanctions contre Téhéran. Ainsi, alors qu’elles étaient levées sous l'administration Obama, il est rapidement devenu clair que ces actions donnaient à l'Iran une légitimité mondiale aux yeux de la communauté internationale. Cette légitimité retrouvée et la levée des sanctions ont généré des milliards de dollars de revenus pour les institutions militaires iraniennes – le CGRI, les milices et groupes terroristes iraniens. Comme Israël le redoutait, Téhéran a utilisé cet afflux de revenus pour étendre son influence dans toute la région, notamment en Syrie, en Irak, au Yémen et au Liban. Et la campagne d'expansion s'est avérée un immense succès.
L’équilibre des pouvoirs était en faveur de l’Iran jusqu’à ce que l’administration actuelle prenne ses fonctions. L'une des premières actions de l'administration Trump a été de retirer les États-Unis de l'Accord sur le nucléaire. Ce fut un véritable choc pour le régime iranien et une victoire majeure pour Israël. Un an après le début des pressions, le journal syrien Al-Watan, contrôlé par l'État, a rapporté que l'Iran avait suspendu sa ligne de crédit au gouvernement syrien. Certaines autorités iraniennes ont annoncé publiquement qu’elles n’avaient pas d’argent pour payer leurs mercenaires à l’étranger.
À titre d’exemple, dans une interview accordée au réseau de télévision étatique Ofogh, Parviz Fattah, l'actuel directeur de la Fondation pour les défavorisés (Mostazafan Foundation) raconte: «J'étais à la coopérative de la Fondation du CGRI. Haj Qassem (Soleimani, commandant de la Force Al-Qods, du CGRI qui a été tué par une frappe de drone américain) est venu me dire qu'il n'avait pas d'argent pour payer les salaires des Fatemiyoun («Fatimides», mercenaires afghans). Il a dit qu'ils étaient nos frères afghans, et a demandé l'aide de gens comme nous.»
Par ailleurs, la diminution des ressources de Téhéran a également poussé les dirigeants iraniens à réduire les fonds alloués au groupe palestinien Hamas et à la milice libanaise Hezbollah. Le Hamas a été contraint d’introduire des «plans d’austérité», tandis que Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah affilié à l’Iran, a également appelé la branche de collecte de fonds de son parti «à fournir de l’argent au djihad et à contribuer à l’aide de cette bataille continue.»
Israël a remporté une autre victoire alors que la situation économique intérieure de l'Iran devenait si désastreuse que le président iranien, Hassan Rohani, a admis que le régime traversait la pire crise économique depuis sa création en 1979. Le député de la province de Bushehr, le gouverneur Majid Khorshidi, a déclaré lors d’une réunion le 14 juillet qu’ils ne devraient pas ignorer les sanctions américaines. «Nous avions l'habitude de constater cette approche (ignorer les sanctions américaines) de la part de l'administration précédente (Ahmadinejad) et malheureusement, elle continue, a-t-il expliqué. Mais je me dois de dire que les sanctions ont brisé l’économie.»
La monnaie iranienne, le rial, est également en chute libre depuis trois ans. Au 19 novembre 2020, un dollar américain vaut environ 42 105 rials. Avant que l'actuelle administration américaine n'impose une politique de «pression maximale» contre Téhéran, un dollar américain équivalait à près de 30 000 rials. Au cours de l’année écoulée, les exportations iraniennes de pétrole ont également chuté à un niveau record. Le budget du pays est fortement tributaire de la vente du pétrole.
L'équilibre des pouvoirs s'est tellement déplacé en faveur d'Israël qu'il a été en mesure d’infliger directement plusieurs chocs au régime iranien au cours des dernières années. Cette semaine, par exemple, l'armée de l'air israélienne a mené des frappes aériennes contre huit cibles et installations de stockage qui seraient contrôlées par les forces iraniennes Al-Qods et les forces du régime syrien stationnées en Syrie.
En 2019, Israël a lancé des missiles de croisière vers des positions militaires iraniennes et syriennes près de la capitale syrienne, Damas. En août et en novembre 2019, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont frappé des dizaines de cibles iraniennes en Syrie. Elles avaient mené une série de frappes aériennes dans le nord de Bagdad quelques mois auparavant. Selon certaines informations, plusieurs Iraniens ont été tués et d’autres blessés lors de ces frappes aériennes. Le régime iranien, connu pour ses représailles immédiates, est resté silencieux en raison de sa position affaiblie. La seule réponse qui est venue de Téhéran a consisté en des déclarations accrues.
Israël craint cependant maintenant que l'équilibre des forces ne se déplace en faveur de l'Iran lorsque l'administration Biden prendra le relais.
En résumé, alors qu'Israël a été privilégié sous l'administration Trump dans son opposition au régime iranien ainsi que dans l’affaiblissement de ce dernier, l'équilibre des pouvoirs entre Israël et l'Iran pourrait effectivement se déplacer en faveur de l'Iran avec la prochaine administration américaine.
Le Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.
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Ce texte est la traduction d'une tribune parue sur www.Arabnews.com