La victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle américaine a de nouveau suscité un débat houleux sur l’avenir du Plan global d’action conjoint (JCPOA), communément appelé «accord nucléaire iranien».
Pour commencer, il est essentiel d’examiner la position du régime iranien à l’égard de cet accord. De manière générale, si Téhéran souhaite un accord, cela implique qu'il sert les intérêts du régime. La position des autorités iraniennes est claire: elles veulent désespérément revenir à l’accord nucléaire. Le président Hassan Rohani a déjà exhorté Joe Biden à revenir au JCPOA lorsqu'il prendra ses fonctions. L'agence de presse officielle IRNA (Agence de presse de la République islamique) a relaté ses propos: «Une opportunité s'est présentée pour la prochaine administration américaine de compenser les erreurs du passé et de revenir sur la voie du respect des accords internationaux par le respect des normes internationales.» Le ministre des Affaires étrangères, Djavad Zarif, a relayé le message sur Twitter, conseillant à Joe Biden d'abandonner la politique iranienne du président Donald Trump et de rechercher une coopération internationale.
Le désir du président iranien et du ministre des Affaires étrangères de revenir sur l'accord de 2015 suggère que le Guide suprême, Ali Khamenei, soit également d'accord. C’est dû au fait que Khamenei a le dernier mot sur la politique étrangère de l’Iran. Rohani et Zarif n’auraient pas signalé qu’ils voulaient revenir à l’accord sur le nucléaire sans la bénédiction du Guide suprême.
Les dirigeants iraniens ont la chance que Biden soit également favorable à la réintégration de l'accord nucléaire. Après tout, l'accord a été conclu lorsque Biden était vice-président de l'administration Obama. En outre, ses remarques sur l'accord nucléaire indiquent que la réintégration sera une priorité absolue une fois qu'il entrera à la Maison Blanche. Au mois de septembre, dans un article d'opinion pour CNN, il écrit: «J’offrirai à Téhéran une voie crédible vers la diplomatie. Si l'Iran revient au strict respect de l'accord nucléaire, les États-Unis rejoindront l'accord comme point de départ pour le suivi des négociations. Avec nos alliés, nous travaillerons pour renforcer et étendre les dispositions de l’accord sur le nucléaire, tout en abordant d’autres questions préoccupantes.»
Néanmoins, le retour des États-Unis au JCPOA aurait de graves répercussions sur la stabilité et la paix régionales. Tout d'abord, il signifierait que bon nombre des sanctions actuelles contre Téhéran seraient levées et que le régime serait en mesure de rejoindre le système financier mondial. Grâce à l'accord sur le nucléaire, il recevra de nouveau un chèque en blanc pour faire progresser ses agressives «politiques à somme nulle» (zero-sum policies) à travers le Moyen-Orient, tout comme il l'avait fait après la signature de l'accord en 2015.
L’accord sur le nucléaire a permis le flux de milliards de dollars dans le trésor du régime iranien, fournissant les revenus dont Téhéran avait besoin pour intensifier son aventurisme militaire et financer, armer et soutenir ses groupes terroristes et miliciens dans la région. Après la signature de l’accord, l’ingérence de l’Iran, les interventions dans la région et le financement des milices se sont intensifiés. Il a également augmenté ses livraisons d’armes à ses milices mandataires, le nombre de missiles balistiques qu’ils ont déployés atteignant un niveau sans précédent.
Deuxièmement, avec le retour de l'accord sur le nucléaire, le régime gagnerait en légitimité mondiale, rendant les dirigeants mondiaux plus réticents à tenir les Iraniens responsables de leur comportement malveillant et destructeur ainsi que de leurs activités terroristes dans le monde.
Troisièmement, l’accord sur le nucléaire contient des défauts fondamentaux, notamment les clauses d’extinction qui supprimeront les restrictions sur le programme nucléaire iranien après l’expiration de l’accord. Les sites militaires iraniens, tels que Partchine, où se déroulent le développement et la recherche nucléaires, seront également hors de la portée des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En outre, l’accord sur le nucléaire ne contient aucune référence au programme de missiles balistiques de l’Iran, qui est un pilier central de sa politique étrangère et semble lié au programme nucléaire.
Après la signature de l’accord, l’ingérence de l’Iran, les interventions dans la région et le financement des milices se sont intensifiés.
Enfin, le retour de l'accord sur le nucléaire aliénera de nouveau d'autres pays du Moyen-Orient et conduira inévitablement à une détérioration des relations avec les alliés traditionnels des États-Unis. Lorsque le JCPOA était en cours de négociation, les voisins de l’Iran ont été inutilement exclus, bien qu’ils vivent aux portes du pays et subissent les conséquences de l’action par procuration de l’Iran plus vivement que n’importe quels signataires de l’accord. Cela a donné lieu à un accord défectueux, qui n'a pas reconnu leurs préoccupations légitimes concernant la prolifération des missiles, et le financement de mandataires violents à l'intérieur et à proximité de leurs territoires.
L'accord sur le nucléaire iranien a été un désastre politique. La réintégration des États-Unis constituerait une menace sérieuse pour la paix et la stabilité régionales et ne ferait qu'encourager et renforcer le régime iranien, ses mercenaires ainsi que son réseau de milices et de groupes terroristes dans toute la région.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh.
NDLR: Les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com