L'approche «douce» de l'UE à l'égard de l’Iran a échoué sur le nucléaire

Le drapeau de l’Iran et le drapeau de l’Union Européenne (Photo fournie).
Le drapeau de l’Iran et le drapeau de l’Union Européenne (Photo fournie).
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Publié le Lundi 01 août 2022

L'approche «douce» de l'UE à l'égard de l’Iran a échoué sur le nucléaire

L'approche «douce» de l'UE à l'égard de l’Iran a échoué sur le nucléaire
  • Même pendant l'accord nucléaire, l’organisme de surveillance des Nations unies, l'Agence internationale de l'énergie atomique, a averti que la République islamique avait violé l'accord à deux reprises
  • L'échec de la politique de l'UE à l'égard de l'Iran est devenu évident, car le régime iranien est plus proche que jamais de devenir un État doté de l'arme nucléaire

Les puissances européennes mènent principalement la même politique à l'égard du gouvernement iranien depuis 2015. Cela pourrait avoir de graves répercussions sur la paix et la sécurité régionales et mondiales si l'UE ne change pas rapidement sa stratégie.

En 2015, afin de parvenir à un accord nucléaire avec la République islamique, les puissances européennes —  la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni —  ont changé leur politique à l'égard de l'Iran, passant de l’exercice de la pression à l'adoption de la diplomatie. La voie diplomatique comprenait la levée des sanctions sur le pétrole et le gaz en Iran, ainsi que le retrait de certains individus et entités iraniens de la liste des sanctions.

Le plan d'action global conjoint (JCPOA), ou l’accord nucléaire, a abouti à «la levée complète de toutes les sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que des sanctions multilatérales et nationales liées au programme nucléaire iranien, notamment des mesures d'accès dans les domaines du commerce, de la technologie, des finances et de l'énergie».

L'UE a immédiatement autorisé les transferts de fonds entre des particuliers et des entités de l'UE et l'Iran, a permis la reprise des relations bancaires entre les banques iraniennes et les institutions financières de l'UE et a apporté un soutien financier au commerce avec la République islamique, ainsi qu'une aide financière et des prêts à des conditions favorables au gouvernement iranien.

Bruxelles a également autorisé l'importation et le transport de pétrole, de produits pétroliers, de gaz et de produits pétrochimiques iraniens. Elle a de même permis les investissements dans les secteurs pétrolier, gazier et pétrochimique, ainsi que l'exportation d'or, de métaux précieux et de diamants.

L'UE a maintenu cette politique même s'il s'est avéré que le régime iranien avait violé l'accord. Par exemple, l'agence de renseignement allemande, l'Office fédéral de protection de la Constitution, a révélé dans son rapport annuel, un an après l'accord nucléaire, que le gouvernement iranien poursuivait une voie «clandestine» pour obtenir des technologies et des équipements nucléaires illicites auprès d'entreprises allemandes «à un niveau quantitativement élevé, même selon les normes internationales».

«L'UE tente toujours de relancer l'accord nucléaire qui a échoué et poursuit les négociations avec la République islamique.»

Dr. Majid Rafizadeh

L'agence allemande a également indiqué qu'«on peut s'attendre à ce que l'Iran poursuive ses activités intensives d'approvisionnement en Allemagne en utilisant des méthodes clandestines afin d’atteindre ses objectifs». Même pendant l'accord nucléaire, l’organisme de surveillance des Nations unies, l'Agence internationale de l'énergie atomique, a averti que la République islamique avait violé l'accord à deux reprises.

Après que l'ancienne administration de Trump a retiré les États-Unis de l'accord nucléaire, l'UE n'a pas changé de voie. Au contraire, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont renforcé leur politique. Les trois pays ont mis en place un mécanisme appelé Instrument d'appui aux échanges commerciaux, qui a été créé principalement pour contourner les sanctions américaines. Comme l'a souligné Heiko Maas, l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères: «Nous montrons clairement que nous ne nous sommes pas contentés de parler du maintien de l'accord nucléaire avec l'Iran, mais que nous créons maintenant une possibilité de mener des transactions commerciales.»

Selon l'AIEA, les autorités iraniennes n'ont pas rendu la faveur de l'UE. Au contraire, elles ont progressivement réduit leur respect de l'accord nucléaire au point de violer toutes les conditions et restrictions. Plus tard, le gouvernement iranien a, par défi, éteint plusieurs caméras de surveillance installées par l'agence.

L’Iran a également enrichi une quantité substantielle d'uranium — jusqu'à 60 % de pureté, ce qui n'est pas loin du niveau de pureté de 90 % nécessaire pour fabriquer une arme nucléaire. 

L'approche douce de l'UE à l'égard de l'Iran est restée intacte même après que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont averti que la dernière action de Téhéran «réduit encore le temps que mettrait l'Iran à se doter d'une première arme nucléaire et alimente la méfiance quant aux intentions de ce pays».

La République islamique a récemment déclaré qu'elle était capable de fabriquer une bombe nucléaire. Dans une révélation rare, Kamal Kharrazi, un conseiller principal du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a affirmé à la chaîne de télévision Al-Jazeera: «En quelques jours, nous avons pu enrichir de l'uranium jusqu'à 60 % et nous pouvons facilement produire de l'uranium enrichi à 90 %. L'Iran possède les moyens techniques pour produire une bombe nucléaire, mais il n'a pas pris la décision d'en fabriquer une.»

Malgré ces développements, l'UE tente toujours de relancer l'accord nucléaire qui a échoué et poursuit les négociations avec la République islamique. Selon le Tehran Times, la valeur des échanges entre l'Iran et l'UE a atteint 4,863 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 9 % par rapport à l'année précédente. La Chambre de commerce, d'industrie, des mines et d'agriculture de Téhéran a déclaré que l'Iran avait exporté 554 millions d'euros de marchandises vers l'Union européenne au cours des neuf premiers mois de la même année, tandis que les importations étaient évaluées à 2,7 milliards d'euros. 

En un mot, l'échec de la politique de l'UE à l'égard de l'Iran est devenu évident, car le régime iranien est plus proche que jamais de devenir un État doté de l'arme nucléaire. Bruxelles doit rapidement changer sa politique douce de longue date à l'égard de la République islamique, sous peine de mettre en danger la paix et la sécurité régionales et mondiales.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.

 

Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com