La visite officielle à Paris du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, cette semaine, a été l’occasion, pour son hôte, le président français, Emmanuel Macron, et pour lui-même, de reprendre les discussions au plus haut niveau entre Riyad et Paris. La marche à suivre sur le dossier libanais était à l’ordre du jour. En effet, ce dossier reste un sujet de préoccupation commune du fait de l’aggravation de la situation économique et financière du pays du Cèdre. En outre, la crise politique aiguë que traverse le Liban, d’une intensité sans précédent, complique les efforts de la communauté internationale pour sauver ce pays.
Les deux dirigeants avaient conclu, lors de la visite de M. Macron au Royaume au mois de décembre dernier, un accord qui prévoyait la mise en place d’un fonds commun d’aide à caractère humanitaire. Selon ses termes, il serait impossible de traiter avec un État libanais dirigé par une classe politique jugée corrompue et accusée d’avoir dilapidé des dizaines de milliards de dollars (1 dollar = 0,98 euro) au cours des trois dernières décennies.
Ce fonds d’aide de 72 millions d’euros avait été le fruit d’une coopération étroite entre les deux dirigeants, qui s’étaient accordés à aider les Libanais en détresse, sans pour autant baisser la pression sur la classe dirigeante. Cette dernière était sommée de mener à bien les réformes exigées par le Fonds monétaire international (FMI) afin de lancer le programme de restructuration et de sauvetage tant attendu.
Mais le couple franco-saoudien avait également proposé une feuille de route politique. Elle réclamait que l’État libanais prenne ses responsabilités pour que ce dernier soit la seule entité à détenir des armes sur le sol libanais et représentait les exigences de la communauté internationale ainsi que celles des pays arabes. Ces derniers étaient en effet excédés par le fait que le Liban soit devenu une plate-forme active de la contrebande de drogue, un phénomène qui concerne plusieurs pays arabes.
Le sauvetage du pays du Cèdre ne se fera pas en un jour, il prendra des années. Mais il faut commencer par un changement radical à la tête de l’État en élisant un nouveau président souverainiste et réformateur afin de rétablir un équilibre qui avait été rompu en 2016 et de remettre le pays sur pied.
Ali Hamade
Il va sans dire que le volet politique de ce document qui avait été remis aux trois principaux dirigeants de l’État libanais exigeait que ce dernier prenne toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher que le territoire libanais ne continue à être utilisé pour nuire à la sécurité nationale des pays arabes. La feuille de route franco-saoudienne représentait un début de retour arabe au Liban.
Ce retour à petits pas devait ouvrir la voie, en 2022, à des élections parlementaires qui marqueraient le début d’une transformation. En coordination avec la France et l’Union européenne, il avait pour objectif de favoriser un changement à l’occasion de l’élection présidentielle d’octobre. Une façon d’envoyer un signe qui indique que le Liban est bien sur le bon chemin.
La visite du prince héritier saoudien à Paris intervient presque cent jours avant l’échéance présidentielle. Le Liban est toujours un sujet phare dans l’agenda des relations bilatérales. L’action coordonnée des deux pays au Liban reflète le désir de venir en aide au pays du Cèdre et à leurs habitants. Néanmoins, cette volonté demeure relative, car l’époque où les communautés internationale et arabe déboursaient des milliards de dollars sans vraiment poser de questions au dirigeants libanais est révolue.
Dorénavant, toute aide devra être justifiée et contrôlée de très près, car les cleptocrates qui détiennent toujours le pouvoir réel ne sont pas dignes de la moindre confiance. Il est donc capital que les deux dirigeants – qui, aux yeux d’une majorité de Libanais, incarnent une forme d’espoir pour l’avenir de leur pays – entendent la voix d’une opinion publique locale qui considère que le Liban devrait avoir à sa tête un nouveau président. Ce dernier symboliserait l’avènement d’une nouvelle ère.
En effet, l’élection présidentielle est prévue pour le mois d’octobre. L’actuel président, Michel Aoun, termine un mandat jugé catastrophique. Son héritier désigné, M. Gebran Bassil, peine à se forger des alliances en dehors du Hezbollah afin d’assurer son élection à la première magistrature. Il est considéré comme un allié indéfectible du parti pro-iranien, ce qui complique singulièrement sa tâche. En 2016, cette alliance avait constitué une chance pour son beau-père, Michel Aoun, qui avait fini par se faire élire président.
Aujourd’hui, le fait d’être si proche de la milice pro-iranienne n’est plus une condition suffisante. Même son principal rival, l’ancien ministre Sleiman Frangié, qui fait partie du même cercle politique pro-Hezbollah, peine à convaincre, avec la conjoncture régionale et internationale ainsi que les effets désastreux de la crise. Le Liban se retrouve à la recherche d’un nouveau chef d’État qui marquerait une coupure nette avec le mandat de l’actuel président.
On le voit, un président à la solde de la milice pro-iranienne ne sera jamais en mesure de recoller les morceaux du puzzle libanais. Il sera toujours accusé de favoriser l’État de non-droit au détriment de l’État de droit indépendant et souverain. Aucune réforme ne pourra se concrétiser avant que l’État libanais ne recouvre sa pleine souveraineté. D’où la nécessité de soutenir un candidat à la présidence qui serait d’une tout autre trempe et représenterait un changement véritable.
Le sauvetage du pays du Cèdre ne se fera pas en un jour, il prendra des années. Mais il faut commencer par un changement radical à la tête de l’État en élisant un nouveau président souverainiste et réformateur afin de rétablir un équilibre qui avait été rompu en 2016 et de remettre le pays sur pied.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. Twitter: @AliNahar
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