Une chose est sûre, l’Iran, ainsi que le Hezbollah, découvrent, jour après jour, les limites du jeu de confrontation meurtrière contre Israël. Ce jeu se pratique au prix du sang des Libanais, des Palestiniens, des Irakiens, des Syriens et des Yéménites. Mais le danger a atteint son paroxysme pour les Iraniens et leur principal bras armé dans la région, à savoir le Hezbollah au Liban.
La riposte fracassante promise à Israël ne s’est pas produite dans les premiers jours qui ont suivi l’assassinat du défunt président du Bureau politique du mouvement Hamas, Ismaïl Haniyeh. De même, la réponse promise n’est pas venue du Hezbollah qui a perdu en même temps son commandant en chef.
L’escalade pourrait décliner au fur et à mesure de l’intensification des tractations diplomatiques américaines et occidentales avec Téhéran dans le but d’ouvrir une brèche qui permettrait aux iraniens, ainsi qu’à leur bras armé au Liban, de descendre de l’arbre où ils sont suspendus.
- Ali Hamadé
Seules les dizaines de vidéos qui ont rempli l’espace virtuel sont restées actives pour peaufiner l’image de « l’axe de la résistance » après les frappes sur Téhéran et la banlieue sud de Beyrouth. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une réalité qui semble fluide. L’escalade pourrait décliner à la lumière de l’intensification des tractations diplomatiques américaines et occidentales avec Téhéran dans le but d’ouvrir une brèche qui permettrait aux Iraniens, ainsi qu’à leur bras armé au Liban, de descendre de l’arbre auquel ils sont suspendus depuis les menaces transmises via les réseaux sociaux et les écrans de télévision.
Pourquoi ? Tout simplement parce que la partie qui aspire à riposter à une insulte essuyée à Téhéran et à une perte énorme infligée dans la banlieue sud de Beyrouth ne se lance pas dans un bazar diplomatique directement avec les Américains et, indirectement, avec les Israéliens. On est bien loin de ce qui s’est passé les 13 et 14 avril dernier, lors de la riposte iranienne au bombardement du 1er avril dernier de leur consulat à Damas.
Toutes les parties concernées se sont mises d’accord, d’abord pour sauver la face de Téhéran et, ensuite, pour épargner à Israël des pertes majeures. Cette journée s'est bien passée, comme on dit. Mais aujourd’hui, l’enjeu est différent car Israël cherche les ennuis, comme on dit. Autrement dit, une nouvelle guerre qui éclipserait d’une manière ou d’une autre le désastre de Gaza
Selon un diplomate occidental à Beyrouth, Israël ne craint pas d’encaisser des frappes qui causeraient de graves dommages, à Tel-Aviv ou dans d'autres grandes zones résidentielles. De quoi justifier une riposte encore plus dure au cœur de Téhéran, d'Ispahan ou même de Qom, capitale religieuse de l’Iran. Cela s'applique aussi au Hezbollah, dont le secrétaire général s’efforçait, lors de sa dernière apparition télévisée, mardi soir, de détailler à son auditoire chiite tout acquis, la liste des cibles industrielles dans le nord d'Israël qui pourraient subir les frappes de la milice pro-iranienne.
Tandis que Benjamin Netanyahou tend piège après piège pour entraîner le Hezbollah sur un terrain glissant. De quoi le pousser à commettre une erreur fatale, qui justifierait une campagne militaire et des attaques sur Beyrouth et des cibles vitales dans d'autres régions. Cela voudrait dire que les Israéliens sont peut-être prêts à se lancer dans une confrontation de grande envergure et à plus long terme au Liban.
Quiconque suit de près le ballet diplomatique avec l’Iran se rendra vite compte qu’un travail sérieux est en cours pour aider l’Iran à opter pour la désescalade.
- Ali Hamadé
Quiconque suit de près le ballet diplomatique avec l’Iran se rendra vite compte qu’un travail sérieux est en cours pour aider l’Iran a opter pour la désescalade. Et pour cause la mise en œuvre des menaces de Téhéran pourrait coûter cher à Israël, mais elle coûterait très cher à l’Iran lui-même. C'est le contenu des messages que le Hezbollah reçoit des Britanniques et des Américains à travers le gouvernement libanais qui s'est complètement soumis à la volonté de la milice. Les messages parlent d'un Israël attendant avec impatience que le Hezbollah mette à exécution les menaces proférées par son secrétaire général dans des discours ou sur les réseaux sociaux pour étendre la guerre à l'extrême.
Cela contraste bien avec la position qui prévalait au cours des dix premiers mois de la guerre d’usure contre Israël, dans laquelle le Hezbollah s’était impliqué.
La phase actuelle est très dangereuse. L’Iran doit répondre à Israël pour laver l’affront à la suite de l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh sur son territoire. De même, le Hezbollah doit répondre à l’assassinat de son chef militaire et compenser la frappe très dure au cœur de la banlieue sud qui a coûté la vie au numéro deux de la hiérarchie au sien de la milice pro-iranienne.
En d’autres termes, la recherche est en cours d’une « formule » intelligente grâce à laquelle les deux parties, les Iraniens et les Israéliens, sortiront de la situation difficile, plus exactement d’une guerre potentielle, dévastatrice qui est devenue plus proche que jamais.
Reste la question clé : Les Américains, en particulier l’administration du président Joe Biden, parviendront-ils à réaliser un exploit dont tirera inévitablement profit la candidate démocrate à la présidentielle, Kamala Harris, le 5 novembre ?
En bref, l’Iran, qui maîtrise parfaitement le jeu avec le feu, a peut-être commencé à se rendre compte que le feu brûle aussi les pyromanes.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. X: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.