Liban-Israël : Une course contre la montre

Des incendies brûlent à la suite de roquettes lancées depuis le Liban vers le nord d'Israël, à côté de la ville de Kiryat Shmona, près de la frontière libanaise, le 3 juin 2024 (Photo, AFP).
Des incendies brûlent à la suite de roquettes lancées depuis le Liban vers le nord d'Israël, à côté de la ville de Kiryat Shmona, près de la frontière libanaise, le 3 juin 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 10 juin 2024

Liban-Israël : Une course contre la montre

Liban-Israël : Une course contre la montre
  • Au fil des jours, la situation a dégénéré en une véritable guerre qui a augmenté en violence et en intensité
  • La guerre à Gaza est une véritable guerre. Mais une guerre au Liban est réelle et elle menace de devenir aussi sanglante et terrible que la guerre à Gaza

La question au Liban n’est plus de savoir si la guerre éclatera, mais plutôt quand elle éclatera. Tous les indicateurs, et tous les événements et développements qui se sont suivis ces deux cent quarante-cinq derniers jours, indiquent que le Liban est devenu prisonnier d'une course effrénée entre les efforts de règlement,qui ont échoué à maintes reprises, et l'escalade progressive vers une guerre à grande échelle attendue au cours de cet été.

Rappelons qu’au début de la guerre, plus précisément le 8 octobre 2023, le Hezbollah a déclenché sa «mini-guerre»appelée «Guerre de soutien à Gaza». C'est-à-dire qu'il en a défini le cadre et les limites, annonçant à l'avance qu'il ne s'agissait pas d'une guerre ouverte. Mais au fil des jours, la situation a dégénéré en une véritable guerre qui a augmenté en violence et en intensité, jusqu'à ce que les Israéliens se rapprochent de laphase sensible et la plus dangereuse de la guerre à Gaza, avec le début de l'incursion dans la ville de Rafah, dernier bastion du mouvement Hamas et des autres factions combattantes palestiniennes à Gaza.

Cela a automatiquement accru les tensions à travers la région.D’autant plus depuis que les représentants de «l'axe de la résistance» dirigé par Téhéran ont pris la décision, lors d'une réunion tenue en marge des funérailles du défunt président iranien Ibrahim Raïssi, de lancer une série d’attaques à partir de toutes les parties contrôlées par l'Iran, y compris le Liban.

Il va sans dire que le Liban est sous le contrôle presque total du Hezbollah, milice pro-iranienne. Or, deux cent quarante-cinq jours après le déclenchement des affrontements avec l'armée israélienne, le pays du Cèdre est devenu une tête de pontiranienne aux portes d’Israël. Et la bataille que l'Iran semble mener serait une bataille à long terme et de bas niveau. Maiscela s'est transformé en combats qui ont atteint un niveau de violence extrêmement inquiétant. 

Tout cela se passe au moment où nous assistons aux campagnes de «propagande» en Israël. Celles-ci seraient liées à la situation à la frontière nord avec le Liban et au fait que la population civile là-bas – plus de 100 000 personnes – a été forcée de fuir vers le centre d’Israël. Cela s'est accompagné d'une intensification accrue par le Hezbollah de ses frappes contre les installations militaires israéliennes à la frontière. Le parti pro-iranien a fait fi de toutes les médiations avancées par les États-Unis et la France pour réduire l'escalade.

Mais l’ironie après deux cent quarante-cinq jours est que lerésultat escompté par le Hezbollah et l’Iran ne correspond pas à la réalité. Leurs tentatives d’imposer des règles précises et limitées d’engagement avec Israël ont été vaines car ce dernier a dépassé les règles en termes d’élargissement du champ de bataille, ainsi que d’intensité et de violence. D’où le danger qui se profile à l’horizon pour le Liban. Ce dernier semble de plus en plus poussé vers une guerre dont la majorité des Libanais ne veut pas. 

Le Hezbollah a pris un gros risque en s'impliquant seul dans une guerre contre Israël, et en impliquant avec lui tout le Liban dans un cycle de violence qui ne s'est pas arrêté pendant sept mois consécutifs. Le problème est que le pays entier est impuissant à empêcher la milice iranienne de continuer à jouer avec le sort de six millions de Libanais. En effet, le Hezbollah est déterminé à adhérer à la politique iranienne de «l’unité des arènes».

Quant à la classe politique libanaise, elle est soit incapable, soit complice, soit négligente. La plupart des dirigeants politiques ont choisi de regarder ailleurs le jour où la milice iranienne aenvahi l’État libanais, brisé sa Constitution, ses lois et ses institutions. Cette classe politique impotente a détourné le regardpeut-être par crainte pour les intérêts étriqués que leur garantitleur alliance implicite avec le Hezbollah. Seules quelques forcespolitiques et dirigeants courageux s’opposent encore à cette tendance destructrice pour le pays. Mais les marges se rétrécissent. Le jeu devient chaque jour plus dangereux avec l’imposition de l’équation de l’État de force au détriment de l’État de droit au Liban. 

La guerre à Gaza est une véritable guerre. Mais une guerre au Liban est réelle et elle menace de devenir aussi sanglante et terrible que la guerre à Gaza. La prochaine grande guerre sera-t-elle la guerre du Liban?
 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. X: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.