Le 22 janvier 2022, un événement a été remarqué dans la bande de Gaza : une manifestation, organisée par le Hamas scandait des slogans en faveur de la milice houthie et hostiles à la famille royale saoudienne. Ce n’est certes pas la première fois que le Hamas manifeste son animosité envers le gouvernement saoudien, mais le fait de le revendiquer de façon aussi directe semble assez inédit.
Il ne fait pas de doute que la main de l’Iran, financeur historique du Hamas, est derrière ces manifestations, qui ressemblent davantage à des happenings militants organisés pour faire parler d’eux plus que le reflet d’une quelconque aspiration populaire. Toutefois, en termes de communication, cela montre clairement un début de renversement d’image.
En effet, pendant longtemps, tout a été fait pour donner dans les médias le mauvais rôle à la coalition arabe et cette stratégie, encouragée par des puissances qui voyaient d’un bon œil la déstabilisation du Yémen, avait commencé à infuser, y compris dans les opinions publiques occidentales.
Ainsi, et de façon extrêmement surprenante, les attaques fréquentes subies par les civils saoudiens de la région de Jizan n’étaient tout simplement pas couvertes par les médias occidentaux. Comme si elles n’existaient pas. Il a fallu les attentats du 14 septembre 2019 sur des installations pétrolières et l’inquiétude du monde occidental sur ses répercussions en termes de coût du pétrole pour que les attentats terroristes des Houthis soient enfin évoqués.
Depuis, la présentation du conflit yéménite est devenue de plus en plus équilibrée en Occident et l’image de l’Arabie saoudite s’en est trouvée améliorée. Les émissaires de l’ONU expliquent d’ailleurs de plus en plus que le problème semble davantage venir de la milice, qui ne souhaite pas vraiment la fin du conflit, et surtout de leur sponsor et soutien principal, l’Iran, qui trouve un intérêt à financer une guerre civile meurtrière sans se soucier du désastre humanitaire que cela occasionne.
Par ailleurs, des journalistes occidentaux ont commencé à être accrédités pour se rendre au Yémen et observer directement la situation. Ce fut le cas très récemment avec le journaliste Quentin Müller, de l’hebdomadaire Marianne, qui a pu vivre le conflit à Marib, et dont les reportages ont fortement remis en cause les idées préconçues du public occidental.
Alors que les tentatives d’attentats sur le sol saoudien n’avaient pas eu le retentissement qu’elles auraient mérité, celles qui ont eu lieu aux EAU vont faire la une de la presse occidentale
- Arnaud Lacheret
Désormais, on ne trouve plus de mentions des Houthis dans la presse occidentale, qui ne précise pas que cette milice est soutenue et armée par l’Iran. Il y a quelques jours, l’ancien ambassadeur israélien aux États-Unis, Michael Oren, désignait en anglais les Houthis comme «Iranian backed rebels» («rebelles soutenus par l’Iran», NDLR), ce qui montre que le crédit que pouvaient avoir les Houthis dans l’opinion est désormais bien entamé.
Les diverses attaques de drones et de missiles sur le territoire des Émirats arabes unis (EAU) ont également permis au monde entier de découvrir les méthodes terroristes des Houthis. Même si les EAU avaient eu précédemment quelques alertes, des attaques terroristes revendiquées par les Houthis ont eu lieu ces dernières semaines et n’ont fort heureusement pas fait de victimes.
Alors que les tentatives d’attentats sur le sol saoudien n’avaient pas eu le retentissement qu’elles auraient mérité, celles qui ont eu lieu aux EAU vont faire la une de la presse occidentale. Ce coup de projecteur sur les agissements terroristes des Houthis va ainsi permettre aux médias de «découvrir» que les attaques sur des cibles civiles ne sont pas rares dans certaines provinces saoudiennes.
Le 3 février dernier, la visite du ministre israélien de la Défense au Bahreïn fut également l’occasion pour les commentateurs internationaux de présenter la guerre civile au Yémen sous un angle beaucoup plus conforme à la réalité du terrain, à savoir que l’une des deux parties mène une guerre d’usure et refuse toute négociation et tout compromis, poussée par l’Iran dans cette posture qui, en définitive, ne mène qu’à un pourrissement du conflit.
Sans chercher à aller au fond du sujet de la guerre civile au Yémen, qui est beaucoup trop complexe, force est de constater que la façon dont les médias occidentaux le présentent montre que le monde commence à avoir une vision beaucoup plus équilibrée du conflit. Cela pourrait être un point important en vue de sa future et souhaitable résolution.
Arnaud Lacheret est docteur en science politique, Associate Professor à l’université du golfe Arabique de Bahreïn, où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe.
Ses derniers livres, Femmes, musulmanes, cadres – Une intégration à la française et La Femme est l’avenir du Golfe, sont parus aux éditions Le Bord de l’Eau.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.