Arab News en français: trois années à bâtir des ponts

Le Burj Khalifa de Dubaï drapé des couleurs d’Arab News en français, pour célébrer le lancement du média  le 14 juillet 2020 (Photo, AFP).
Le Burj Khalifa de Dubaï drapé des couleurs d’Arab News en français, pour célébrer le lancement du média le 14 juillet 2020 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 14 juillet 2023

Arab News en français: trois années à bâtir des ponts

Arab News en français: trois années à bâtir des ponts
  • En trois années, Arab News en français a permis à des milliers de lecteurs francophones de rencontrer les Saoudiens
  • L’opinion francophone prend désormais plus de distances avec les clichés traditionnels sur les pays arabo-musulmans et nous y contribuons

Cela fait maintenant trois ans qu’Arab News a ouvert son édition en français, et trois années que j’écris régulièrement dans ces colonnes. En ce 14 juillet, on me demande si l’existence de l’édition en français a contribué à changer la perception de l’Arabie saoudite et des pays arabes en général dans l’opinion des Français et des francophones.

J’ai écrit plus d’une centaine d’articles et de tribunes dans ce journal en ligne sur des sujets très variés, mais ma mission initiale était de présenter le changement dans les pays du Golfe et en Arabie saoudite en particulier. La plupart des papiers que j’ai écrits portent sur cette dynamique du changement, abordant méthodiquement les sujets quels qu’ils soient et tentant de faire partager cette évolution au fur et à mesure que celle-ci survenait.

Peut-on dire que ce que mes collègues et moi avons écrit a permis à l’opinion publique d’évoluer sur le sujet du monde arabe? Je pense en tout cas que l’opinion francophone prend désormais plus de distances avec les clichés traditionnels sur les pays arabo-musulmans et que nous contribuons à cela. On peut parler d’un travail de communication, d’une stratégie d’influence, mais je n’ai pas le sentiment d’agir en ce sens. J’essaie simplement de décrire ce qui est et ce que je vois, en y appliquant une grille de lecture qui est celle du politologue, du sociologue que je suis.

Force est de constater que la perception des Français sur le monde arabe évolue et que nous, qui contribuons régulièrement sur Arab News en français, en sommes les premiers témoins. Beaucoup de mes papiers évoquent la société saoudienne, son évolution, ses questionnements, le bouleversement dont elle a fait l’objet depuis plusieurs années et la façon dont les Saoudiens le vivent.

Je pense sincèrement que ces papiers, et ceux de mes collègues, marquent les esprits de ceux qui les lisent, car ils donnent à voir ceux dont trop souvent on ne parle pas: les habitants eux-mêmes. Trop souvent, les journaux évoquent les décisions politiques, les relations internationales, les rencontres au sommet… Et oublient d’évoquer les gens ordinaires. Or, le changement ne peut être perçu qu’en questionnant ceux qui en sont l’objet. 

En trois années, Arab News en français a permis à des milliers de lecteurs francophones de rencontrer les Saoudiens, de lire ce qu’ils devenaient, comment ils saisissaient les occasions favorables, comment ils faisaient évoluer la société et participaient au changement. Aujourd’hui, quand j’entends certains analystes, certains commentateurs, faire état de ces changements survenus au cœur des sociétés arabes, je sais qu’ils n’ont souvent pu les lire que chez nous, sur Arab News en français. Souvent, lors de discussions, notamment en ligne, on m’oppose des analyses critiques portant sur des cas particuliers, ou alors sur des sujets beaucoup plus vastes publiés dans d’autres types de médias. Il en est de même dans les débats télévisés où, souvent, de brillants analystes n’ont qu’une vision critique et souvent orientée de ce changement.

Ces analyses ne sont pas dénuées d’intérêt, mais, comme souvent, elles émanent de personnes n’ayant jamais pris la peine d’interroger les sociétés du Golfe ou d’y voyager dans une période récente. C’est une des forces d’Arab News en français: permettre à ces contributeurs de parler des gens et de leur vie, de proposer une vision ancrée sur le terrain. À ce titre, nous contribuons à changer la perception du public, car nous lui proposons une vision plus exigeante intellectuellement, moins caricaturale et, surtout, nous nous efforçons de ne pas cliver et de nous positionner depuis le terrain, en donnant la parole aux acteurs concernés par ce changement.

Parmi mes derniers articles, on retrouve deux femmes. L’une, Rayyanah, est allée dans l’espace et l’autre Reem, est devenue chauffeuse Uber. Rayyanah et Reem ne se rencontreront sans doute jamais, mais le public francophone les connaît désormais comme il connaît les dizaines d’autres Saoudiens dont Arab News en français m’a permis de raconter l’histoire.

En soi, l’irruption de ces Saoudiens, ordinaires ou non, dans les conversations de milliers de Français a forcément contribué au changement de perception. C’est, selon moi, le principal apport d’Arab News en français: humaniser la relation entre la France et les pays du Golfe. Si cette irruption a pu écorner certaines idées reçues tout en laissant la porte ouverte à une critique argumentée, alors oui, nous pouvons être fiers du travail accompli depuis trois ans.

Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School.

Ses derniers livres: Femmes, musulmanes, cadres… Une intégration à la française et La femme est l’avenir du Golfe, aux éditions Le Bord de l’Eau.

Twitter: @LacheretArnaud 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.