Est-il vrai qu’Israël a tourné dimanche la page du règne de Benjamin Netanyahou?
C'est en tout cas ce que voudraient faire croire les instigateurs du renversement politique opéré contre l’ancien chef du gouvernement israélien. À la tête de cette manœuvre politique, nous retrouvons le centriste et chef du parti Yesh Atid, Yaïr Lapid, ainsi que Naftali Bennett, chef du parti d’extrême droite Yamina, qui affirmaient dimanche dernier que le chapitre Netanyahou était bel est bien clos. Et, pour marquer la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère, Lapid utilise son compte Twitter dimanche en début de matinée, avant la réunion de la Knesset, pour proclamer «le matin du changement».
La session de la Knesset se présente comme un moment historique. Elle témoigne de la sortie de Netanyahou après douze ans passés au pouvoir (il s’agit du règne le plus long de l’histoire d’Israël) et de l’achèvement d’une période d’instabilité politique marquée par quatre scrutins législatifs dont aucun n’a abouti à la formation d’un gouvernement issu d’une majorité solide.
Toujours est-il que la nouvelle donne politique, qui s’est élaborée autour d’une coalition de partis allant de l’extrême droite aux islamistes en passant par le centre et la gauche, porte déjà les germes d’une implosion annoncée. Cette association politique n’est autre qu’un mélange hétéroclite qui manque cruellement d’homogénéité et de convergence sur les dossiers importants, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.
Ce gouvernement, qui ne repose que sur une faible majorité à la Knesset (60 voix sur 119), court le risque de voir naître entre ses membres des divergences idéologiques, culturelles et même ethniques ou religieuses (avec le parti islamiste arabe de la Liste arabe unifiée, que dirige Mansour Abbas). De ce fait, la coalition gouvernementale présidée pour les deux prochaines années par Naftali Bennett se verra confrontée à de dures échéances et sera amenée à trancher sur des sujets qui divisent profondément la classe politique et la société israélienne.
D’autre part, si Netanyahou a été évincé grâce au ralliement de tous ses opposants, indépendamment de leur appartenance et de leurs affiliations politiques contradictoires, il reste néanmoins un acteur politique puissant et incontournable. Il avait promis, lors du vote de confiance au nouveau gouvernement, de revenir très vite au pouvoir (à moins d’être poursuivi en justice, à la suite d’accusations de corruption). L’ancien chef de gouvernement n’entend pas sortir de l’arène politique et aspire à se présenter en tant que grand chef de l’opposition.
Netanyahou mise sur les faiblesses du gouvernement liées à son manque d’unité profonde ainsi qu’à ses divergences internes sur certains dossiers épineux qui seront amenés à être mis sur la table et viendront à bout de la coalition gouvernementale. Beaucoup d’observateurs considèrent que l’hostilité des principaux partis du gouvernement à l’égard du chef du Likoud est ce qui cimente leur alliance et renforce leur union.
Toutefois, cela ne suffira pas à résoudre les différents dossiers sulfureux qui divisent profondément les partis de la coalition. Les différends sont de taille en termes idéologiques, à l’instar du problème du financement des villes arabes ou des mesures de sécurité de la zone C en Cisjordanie, sans oublier les programmes de construction des colonies, notamment les colonies sauvages. Il est très probable que la coalition rencontre de grandes difficultés lors de l’élaboration du nouveau projet de loi du budget.
En contrepartie, il est très probable que la coalition gouvernementale puisse trouver une plate-forme commune autour des dossiers sur la relance de l’économie, la séparation des pouvoirs, la lutte contre la corruption, et surtout la tentative de calmer le jeu au niveau politique.
En conclusion, le nouveau gouvernement Bennett-Lapid a peu de temps devant lui pour s’affirmer, faisant face à une multitude de défis, à un Netanyahou plus combatif que jamais, et surtout à ses propres divisions et contradictions… Faisant face, en somme, à ses propres démons.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
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