Le superprédateur d'Israël, enfin dévoré par sa proie

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo, AP)   
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo, AP)  
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Publié le Dimanche 06 juin 2021

Le superprédateur d'Israël, enfin dévoré par sa proie

Le superprédateur d'Israël, enfin dévoré par sa proie
  • Après 12 ans au pouvoir, Netanyahou est vraiment convaincu que personne d'autre que lui n'est qualifié pour diriger le pays
  • Il est difficile d'imaginer Netanyahou accepter le nouvel accord de coalition avec grâce

Les apparitions publiques de Benjamin Netanyahou au cours des derniers jours sont allées d’alarmistes à hystériques puis pitoyables. Le Premier ministre israélien ressemble désormais à un prédateur vieillissant qui a perdu sa force d'attraper des proies et se plaint plutôt d'être lui-même transformé en proie par ceux qui veulent le remplacer.

Après 12 ans au pouvoir, Netanyahou est vraiment convaincu que personne d'autre que lui n'est qualifié pour diriger le pays. Malgré qu’il n’a pas été en mesure d’imiter son idole à Moscou et de modifier le règlement constitutionnel, il a habilement manipulé le système politique israélien et exploité les relations israéliennes avec les Palestiniens, ainsi que la rivalité avec l’Iran, pendant bien trop longtemps.

Maintenant, et sans justification, il accuse Naftali Bennett, qui se rapproche du poste convoité de Premier ministre, de volte-face et de tromperie. Bennett a appris ce comportement répugnant de nul autre que son ancien patron au cours des années où il a travaillé en étroite collaboration avec Netanyahou, et en était la victime lorsqu'il a rompu les rangs avec le Likoud en créant son propre parti. Les crises de colère habituelles de Netanyahou dans lesquelles il accuse tous ceux qui ne veulent pas se joindre à lui dans une coalition de trahir leur credo et leurs partisans, et se proclame le grand leader et le grand défenseur d'Israël contre tous les ennemis, reflète l'état d'esprit perturbé de l'actuel Premier ministre et souligne l'urgence de mettre immédiatement fin à son mandat de Premier ministre.

Netanyahou ne peut blâmer que lui-même pour la situation dans laquelle il se trouve. Si ce n'était pour sa soif du pouvoir absolu et de son intention de ne tolérer aucun successeur; si ce n'était pour son obsession de manipuler le système politique; s'il n'avait pas été corrompu par le pouvoir et s'était attendu à ce que les autres paient la facture de son style de vie somptueux; et s'il s'était comporté davantage en homme d'État et moins en homme politique, il aurait très bien pu présider un gouvernement de droite stable et voire pour une plus longue période. Au lieu de cela, une jeune génération l'a désormais battu dans son propre jeu et elle s’apprête maintenant à prendre les rênes du pouvoir.

On pourrait faire valoir que, quel que soit le bilan de Netanyahou après 12 années consécutives au pouvoir et 15 ans au total aux postes les plus élevés, il est temps pour un nouveau leadership avec de nouvelles idées et une nouvelle orientation de présider aux affaires du pays. Dans la nature paradoxale de la politique israélienne, qui reflète la diversité de la société israélienne, les dernières semaines de violents affrontements entre Israël et les Palestiniens sur presque tous les fronts ont presque évité à Netanyahou de devoir se rendre sur les bancs de l'opposition.

Il est difficile d'imaginer Netanyahou accepter le nouvel accord de coalition avec grâce.

– Yossi Mekelberg

Au contraire, le traitement cruel des Palestiniens à Cheikh Jarrah, le manque d'égards envers les habitants de Jérusalem-Est pendant le Ramadan et le déni de leur droit de vote, l'éruption de violence entre Juifs et Arabes dans les villes mixtes à l'intérieur de la Ligne verte, et les 11 jours d'effusion de sang entre Israël et le Hamas qui n'ont abouti qu'à la mort et à la destruction, tous témoignent du fait que Netanyahou n’est plus efficace et devrait partir. Cependant, dans l'atmosphère et le discours qui ont évolué au cours de ses années au pouvoir et ont été soutenus et encouragés par ses partisans très unis, chaque fois que la violence éclatait, le leader ne tolérait aucune remise en question de sa politique. C'est pourquoi, alors qu'à la veille des violents affrontements avec le Hamas, le soi-disant bloc du «changement» était sur le point de former un gouvernement qui, pour la première fois depuis 2009, n'aurait pas inclus le Likoud ni dirigé par Netanyahou, les négociations pour y parvenir ont été brusquement arrêtés. Cela était principalement dû à Bennett, qui avait trop peur de poursuivre les pourparlers pendant que les hostilités avec le Hamas faisaient rage. C'était la première de ses volte-face et il est revenu sur sa décision lorsqu'un cessez-le-feu a été déclaré.

En attendant, c'était à Yair Lapid, chef du parti centriste Yesh Atid, de jouer le rôle d’une personne digne de confiance. Bien qu'il ait remporté 17 sièges aux élections générales, 10 de plus que le Yamina de Bennett, il a accepté un gouvernement de rotation avec Bennett, dans lequel ce dernier sera Premier ministre pendant les deux premières années. Cela était un risque bien calculé par Lapid qui a porté ses fruits, et après le cessez-le-feu, il a incité Bennett à revenir à la table et de négocier pour un gouvernement sans Likoud et sans les partis ultra-orthodoxes.

Si cet accord de coalition est soutenu par une majorité à la Knesset, et il y a toujours un si, sachant à quel point Netanyahou est désespéré à ce stade, alors Bennett n’a pas grand-chose à perdre. D'une base électorale étroite, qui ne garantit pas que son parti franchira le seuil d'entrée à la Knesset si un nouveau gouvernement n'est pas formé et qu'une nouvelle élection est déclenchée en conséquence, il a la possibilité de se présenter comme un leader national et son parti comme le seul parti capable de diriger un gouvernement.

C'est Lapid qui prend le plus de risques. Dans la politique instable d'Israël, deux ans sont une éternité, et le gouvernement dans lequel il est censé servir en tant que ministre des Affaires étrangères comprendra des points de vue diamétralement opposés sur presque toutes les questions d'importance, et ne durera peut-être pas assez longtemps afin qu'il devient Premier ministre dans deux ans. Il peut quant même espérer que si le gouvernement ne parvient pas à suivre son cours, il sera quand même récompensé dans les urnes pour son comportement responsable et digne d'un homme d'État qui a placé le pays au-dessus de ses intérêts personnels.

Il est difficile d'imaginer Netanyahou accepter le nouvel accord de coalition avec grâce. Il est désormais comme un animal grièvement blessé qui lutte non seulement pour rester au pouvoir mais surtout pour interrompre son procès pour corruption et ainsi éviter une éventuelle peine de prison. De ce fait, pour l'instant, il s'agit d'atteindre la ligne d'arrivée et de s'assurer que, dans des conditions d'incitations épouvantables, de discours de haine et de campagnes de panique orchestrées par le Likoud et Netanyahou, un vote de confiance dans le nouveau gouvernement aura lieu à la Knesset, un vote qui permettra sans doute au pays de sortir de l'ère Netanyahou, une ère délibérée, conflictuelle et de plus en plus perturbatrice.

 

             Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House. Il contribue régulièrement à la presse écrite et électronique internationale.

Twitter: @YMekelberg

 

Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com