Israël devrait prendre exemple sur l’Afrique du Sud

Les habitants constatent les dégâts après une attaque à la roquette du Hamas sur la ville de Petah Tikva, dans le centre d’Israël, le 13 mai 2021 (Photo, AFP / Gil Cohen-Magen)
Les habitants constatent les dégâts après une attaque à la roquette du Hamas sur la ville de Petah Tikva, dans le centre d’Israël, le 13 mai 2021 (Photo, AFP / Gil Cohen-Magen)
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Publié le Samedi 15 mai 2021

Israël devrait prendre exemple sur l’Afrique du Sud

Israël devrait prendre exemple sur l’Afrique du Sud
  • Les Palestiniens ne se contenteront pas de retourner à la table des négociations. Ils n’ont pas besoin de négociations avec les Israéliens, mais de solutions définitives
  • Les Palestiniens ne compteront pas sur les Arabes et ne feront confiance à aucun médiateur

Plus tôt cette semaine, j’ai regardé une vidéo enregistrée par Roger Waters, le légendaire artiste anglais. Il s’adressait au président américain, Joe Biden, au sujet de Sheikh Jarrah et du soutien inconditionnel du président à Israël. La star de Pink Floyd y dit: «Vous vous souvenez quand nous avons dit que nous n’irions pas jouer à Sun City? Je pensais que nous avions quelque chose contre l’idée d’apartheid. Nous l’avons fait pour l’Afrique du Sud. Alors pourquoi ne réagissons-nous maintenant qu’il s’agit d’Israël? »

Israël, sous le gouvernement tumultueux du Premier ministre Benjamin Netanyahou, prévoit d’expulser les Palestiniens de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, alors même que la police a pris d’assaut la mosquée Al-Aqsa pendant l’une des nuits les plus saintes de l’année. Cela a abouti à des affrontements; mais cette fois, ils sont différents. L’occupation n’est plus «durable». Israël doit prendre des décisions audacieuses – sinon sa population juive connaîtra le même sort que les Blancs d’Afrique du Sud.

Une vague de violence a envahi le pays. Les Palestiniens ne se contenteront pas de retourner à la table des négociations. Ils n’ont pas besoin de négociations avec les Israéliens, mais de solutions définitives. Au cours des trente dernières années, les négociations ne leur ont rien apporté d’autre que le maintien de l’occupation. J’ai dit dans un article précédent que les Palestiniens n’ont personne d’autre qu’eux-mêmes pour s’occuper d’eux.

Vivre sous occupation n’est plus supportable. Pour les Palestiniens, c’est agir ou mourir. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une troisième Intifada, car il n’y a toujours pas de solution acceptable. Cependant, cette fois, les paramètres sont différents. Les Palestiniens ne compteront pas sur les Arabes et ne feront confiance à aucun médiateur. Les conditions générales favorisent les Palestiniens. L’opinion publique a changé dans le monde et Israël est affaibli sur le plan intérieur. La société israélienne est plus polarisée et divisée que jamais, comme l’ont montré les quatre élections récentes.

Il y a une vérité qu’Israël doit intégrer: il ne peut pas continuer à occuper des gens qui ont un si fort sentiment d’appartenance nationale. En empiétant sur les terres palestiniennes et en imposant des colonies aux Palestiniens, tout en essayant d’empêcher tout affrontement en séparant les deux peuples, Israël impose de facto une situation d’apartheid. B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme, a publié en janvier un rapport accusant Israël d’être un État d’apartheid. Human Rights Watch a fait de même le mois dernier. Israël ne peut plus maintenir cette situation d’apartheid.

«Le monde se penche maintenant sur la cause profonde de la violence et il n’est pas difficile de voir que l’occupation en est à l’origine.»

Dr Dania Koleilat Khatib

Il devient de plus en plus difficile pour Israël de défendre sa position. Malgré les roquettes du Hamas, le monde se penche maintenant sur la cause profonde de la violence et il n’est pas difficile de voir que l’occupation en est à l’origine. Même aux États-Unis, le soutien à Israël semble fragile. Il est sans précédent de voir des attaques de la part de parlementaires démocrates, alors qu’auparavant le soutien à Israël était considéré comme une question bipartite acquise. Même lors d’un point de presse du Département d’État cette semaine, le porte-parole Ned Price a été embarrassé lorsqu’un journaliste lui a demandé à plusieurs reprises si les Palestiniens avaient le droit de se défendre.

Il vaudrait mieux qu’Israël regarde vers l’avenir plutôt que d’essayer de défendre une position indéfendable. Quel est l’avenir d’Israël ? Quel est l’avenir des enfants d’Israël ? Le pays a une marge de manœuvre étroite pour préserver ce qu’il a construit au cours des soixante-treize dernières années. Cela passe par un accord décent avec son voisin pour mettre fin à l’occupation. Les Israéliens n’ont pas besoin de chercher plus loin que l’Afrique du Sud et la fin de l’apartheid là-bas pour prévoir leur avenir.

Ce qui a changé la situation en Afrique du Sud, ce sont les émeutes associées à la pression internationale. La pression internationale augmente maintenant sur Israël parce que la perception publique du conflit a changé. Les Israéliens juifs devraient penser à leurs enfants. Veulent-ils que leurs enfants vivent sous une pression généralisée de l’apartheid dans leur pays tout au long de leur vie ?

Les Israéliens doivent se rendre compte que le monde change, que le statu quo n’est plus durable et que le soutien dont ils disposaient n’est plus disponible. Le pays doit prendre des décisions audacieuses car les solutions temporaires ne fonctionneront plus. Les Palestiniens ont besoin d’une décision définitive des Israéliens – la reconnaissance d’un État palestinien et la fin de l’occupation. Bien sûr, Israël a des problèmes de sécurité, mais garder 4,6 millions de Palestiniens sous sa coupe ne les fera pas disparaître. Au contraire, l’occupation est un terreau fertile pour la violence contre les citoyens israéliens. La comparaison que Waters fait entre l’Afrique du Sud et Israël n’est pas à prendre à la légère. C’est plus qu’une référence énoncée par un artiste – elle prédit l’avenir. Israël peut épargner à ses enfants cet avenir s’il prend aujourd’hui des décisions correctes et audacieuses.

 

• La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes et du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise axée sur Track II. Elle est également chercheuse affiliée à l’Institut Issam-Farès pour les politiques publiques et les affaires internationales de l’Université américaine de Beyrouth.

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com