Jérusalem, pierre angulaire du conflit israélo-palestinien

Les Palestiniens ripostent aux grenades assourdissantes tirés par la police israélienne lors d'affrontements à la mosquée Al-Aqsa, dans la vieille ville de Jérusalem, le 7 mai 2021. (Photo, Reuters)
Les Palestiniens ripostent aux grenades assourdissantes tirés par la police israélienne lors d'affrontements à la mosquée Al-Aqsa, dans la vieille ville de Jérusalem, le 7 mai 2021. (Photo, Reuters)
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Publié le Jeudi 13 mai 2021

Jérusalem, pierre angulaire du conflit israélo-palestinien

Jérusalem, pierre angulaire du conflit israélo-palestinien
  • Se servir de Jérusalem pour naviguer hors des eaux électorales houleuses indique l’ampleur de la ville sainte dans la vie politique palestinienne
  • Les sirènes ont semblé exposer la cinquième colonne, ces espions qui se fondent dans la foule et espionnent les Palestiniens

Malgré l’échange d’attaques entre le Hamas et Israël, la leçon la plus importante à retenir des événements de la semaine dernière est que Jérusalem est au cœur du conflit israélo-palestinien, et qu’elle va le rester.

Les politiciens, tout comme les révolutionnaires et les militants, vont continuer à utiliser la ville comme un paratonnerre à des fins spécifiques, sans que ceci réduise de son importance. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a peut-être voulu se retirer d'une élection dont il n'a pas été en mesure de garantir les résultats, et a ainsi exploité le refus israélien de permettre aux habitants de Jérusalem de participer au scrutin. Mais le fait même se servir de Jérusalem pour naviguer hors des eaux électorales houleuses indique l’ampleur de la ville sainte dans la vie politique palestinienne.

Même le Hamas, dont les motivations peuvent diverger, ne pouvait s’empêcher de répondre aux appels à l’aide. Ce qui a forcé le premier barrage de roquettes, et qui a atteint pour la première fois la périphérie de Jérusalem-Ouest, sont les provocations israéliennes et le refus de Tel Aviv de respecter les Palestiniens et de tolérer leurs lieux saints, qui ont atteint des proportions inégalées. 

Les Israéliens sont entrés par effraction, de manière violente, dans la mosquée d’Al-Aqsa, où les fidèles musulmans passaient les derniers jours du mois sacré du Ramadan, sans respecter le caractère religieux du site ni les fidèles à l'intérieur. Tel est l’appel des Palestiniens assiégés et attaqués de toutes parts. Les citoyens palestiniens d'Israël ont été les premiers à répondre et, quand la police israélienne leur a interdit l’entrée à Jérusalem près du village d'Abou Ghosh, ils ont décidé de parcourir les 20 km restants jusqu'à la vieille ville à pied. 

Pendant que les nouvelles de ces restrictions se répandait en ligne, des centaines de Palestiniens se sont dirigés vers la ville. Les restaurants locaux ont pour leur part offert des repas d’iftar gratuits à ceux qui étaient venus en guise de solidarité.

Mais l’agression des forces de sécurité israéliennes, et leur insistance pour permettre aux juifs radicaux et anti-arabes d’effectuer leur visite provocante et d’agiter leur drapeau à Jérusalem, a fait des centaines de blessés parmi les palestiniens, et ont généré un nouvel appel à l’aide. C’est ainsi que le premier coup de sirène a retenti dans la région de Jérusalem pour annoncer des tirs de roquettes imminents, un acte qui semble, du moins temporairement, changer l'équilibre des pouvoirs. 

Alors que les Israéliens couraient pour se mettre à l'abri, les sirènes ont semblé exposer la cinquième colonne, ces espions qui se fondent dans la foule et espionnent les Palestiniens. Ils avaient préalablement cassé les centaines de caméras qui surveillaient chaque mouvement à l'intérieur et à l'extérieur de la vieille ville.

Un débat aura certainement lieu sur la sagesse d’introduire des roquettes du Hamas dans le conflit, et si ça a détourné l’attention des manifestations généralement non armées de Jérusalem, à la fois à Al-Aqsa et dans le quartier de Cheikh Jarrah, où des dizaines de familles palestiniennes sont menacées d’expulsion.

Quel que soit de tel ou tel argument, il ne fait aucun doute que la ville de Jérusalem et la préservation de son identité arabe continuent d’être l’aspect le plus important de tout le conflit israélo-palestinien. 

L’entrée provocante d’Ariel Sharon dans la mosquée d’Al-Aqsa à l’automne 2000 a provoqué une réaction similaire de la part des Palestiniens, qui ont été brutalement réprimée, laissant des dizaines de martyrs, un acte qui a déclenché ce qui est connu sous le nom de seconde intifada ou Intifada el-Aqsa. 

Désormais, Jérusalem et son site le plus important, la mosquée d’Al-Aqsa, sont à nouveau au cœur du conflit, et servent de détonateur de toutes les autres activités et actes de résistance.

Israël connait bien la réaction potentielle à ses actions violentes contre le peuple palestinien et son lieu saint, ses motivations d’escalade restent donc nébuleuses. Tel Aviv, et particulièrement le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la suite de son échec à former un gouvernement, ont-ils voulu déclencher un conflit afin d'obtenir le soutien du public grâce à leur traitement prévisible de ce dossier, et qui a la même signification émotionnelle et religieuse pour les fidèles juifs?

Netanyahu, qui n'est guère pieux, mais qui est politiquement dépendant des partis juifs politiques et religieux, avait besoin d'avoir ce drame autour de Jérusalem et de l'emplacement vénéré d'Al-Aqsa afin de gagner la sympathie des juifs. L’objectif serait de faire avorter les tentatives de ses adversaires de former un gouvernement qui pourrait le remplacer, lui et ses alliés de droite.

Quelles que soient les motivations, ou qu'il s'agisse d'Abbas ou du Hamas, la seule option à considérer reste celle du statut de Jérusalem et de son identité. De jeunes Palestiniens courageux ont réussi à tenir tête à la puissante machine militaire israélienne, et ont défendu leur mosquée d’Al-Aqsa avec des torses nus et une détermination à toute épreuve, et ils amènent de plus la nouvelle mode de sourire lors de leur arrestation, afin de montrer qu'ils n'ont aucunement peur des Israéliens.

La ville de Jérusalem a été revendiquée comme capitale par les Israéliens et les Palestiniens. 

La question reste de savoir si la partie israélienne sera autorisée à continuer à écraser l'autre camp, ou si un scénario sera élaboré de manière à permettre aux deux camps de partager la ville, et à ses habitants, qu'ils soient musulmans, chrétiens ou juifs, de vivre et de prier en paix, et sans peur ni intimidation.


 

Daoud Kuttab est un résident de Jérusalem. Twitter: @daoudkuttab

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com