PARIS : La crise des droits de douane, à l'instar de celle concernant l'Ukraine, réduit l'espace d'action de François Bayrou, tant le sujet est international et piloté de fait par Emmanuel Macron. Cela n'enlève rien à l'attente concernant le Premier ministre quant aux choix budgétaires à opérer pour y faire face.
Après la décision du président américain de finalement suspendre ces augmentations pendant trois mois, c'est encore le chef de l'État qui réagit sur X pour qualifier la pause de « fragile ». Le matin même, François Bayrou se rend à la foire aux fromages et aux vins de Coulommiers (Seine-et-Marne) pour apporter son soutien à des filières susceptibles d'être concernées.
Les droits de douane relèvent autant de la diplomatie, « domaine réservé » du président, que de l'économie, pilotée par Matignon, chargé de financer les politiques par le budget.
Et les finances publiques, dont le chef du gouvernement doit faire un état des lieux mardi, s'annoncent triplement contraintes : par le dérapage du déficit public, par l'effort militaire envisagé pour aider l'Ukraine et réarmer l'Europe, et par les taxes décrétées par Donald Trump.
Le tout sur fond d'absence de majorité à l'Assemblée nationale, où le Premier ministre « n'a pas intérêt à trop bouger (…) sachant que la situation internationale capte l'actualité », note un ancien locataire de Matignon.
« Le président est le garant de l'équilibre, le Premier ministre de l'action », résume cet ancien chef du gouvernement. « Là, c'est quand même très difficile. Notre système est assez factice. On va voir combien de temps ça peut durer », prévient-il, alors que François Bayrou n'a toujours pas présenté ses choix budgétaires.
Sans entretenir de proximité excessive avec le président, auquel il avait imposé sa nomination, François Bayrou semble expérimenter « une certaine solitude », d'autant que le ministre de l'Économie, Éric Lombard, « doit travailler directement avec Macron sur pas mal de sujets », comme les droits de douane, pointe-t-il.
Jeudi, le chef du gouvernement a néanmoins tenté de rassurer sur les capacités d'investissement de la France, en promettant d'engager les 15 milliards d'euros restants du programme France 2030 dans l'innovation, en dépit des « inquiétudes » mondiales.
Emmanuel Macron a « une forme de leadership mondial » et est « respecté comme un interlocuteur », mais, selon l'ancien Premier ministre, François Bayrou « ne semble pas très actif lorsqu'il s'agit de sauter sur tous les sujets ». « Il faut prendre des risques. Matignon n'est pas une planque. »
Mardi, lors d'une conférence du gouvernement sur les finances publiques, le Premier ministre entend exposer les « pathologies » françaises et les « risques » pesant sur le budget. « La vérité est décisive pour qu'on puisse prendre les décisions qui s'imposent », a-t-il expliqué.
« Je sens le coup du président qui lui a dû dire : “Monsieur le Premier ministre, il faut que les Français le sachent” », sourit un membre du gouvernement, pointant ainsi l'impatience du chef de l'État envers le locataire de Matignon.
Après s'être sorti du piège des budgets 2025, qu'il a fait adopter en début d'année alors que son prédécesseur Michel Barnier avait échoué, François Bayrou cherche à durer.
« Depuis le début, son objectif est de survivre. Et de ce point de vue-là, c'est une réussite », explique un député du groupe macroniste Renaissance, même si cela implique parfois de « naviguer à vue ». Il a même déjà planté son arbre dans les jardins de Matignon, un chêne selon Le Parisien, connu pour sa longévité.
Pourtant, dans les sondages, François Bayrou décroche, avec une confiance au plus bas pour un Premier ministre depuis dix ans, selon Elabe début avril.
Venu tester son aura entre verres de vin et morceaux de brie à Coulommiers vendredi, l'intéressé avance qu'à ce niveau de « responsabilité », il ne faut pas s'attendre à être « populaire ».