Le mois de Ramadan a une saveur particulière à Jérusalem, en particulier dans les cours et les mosquées qui composent Al-Haram Al-Sharif, où se trouve la mosquée Al-Aqsa. Lorsque l’on parle d’Al-Aqsa, la plupart des gens ne réalisent pas qu’il s’agit en réalité de toute une zone clairement délimitée par des portes, contenant diverses institutions et lieux de culte.
Le lieu de culte le plus important de cette zone est la mosquée Al-Qibli, reconnaissable à son dôme argenté, située à l’extrémité nord. Le deuxième en importance est le Dôme du Rocher, recouvert d’or. En raison de sa taille et de l’affluence des fidèles, la mosquée Al-Qibli est réservée aux hommes, tandis que le Dôme du Rocher est partiellement ou entièrement (selon l’affluence) réservé aux femmes. En outre, on y trouve le Musée islamique, d’autres institutions et lieux d’enseignement, ainsi que les salles de prière de Bab Al-Rahmeh.
Outre les bâtiments, l’enceinte de 144 dunams comprend également de vastes espaces ouverts, permettant d’accueillir l’afflux de fidèles. Jusqu’à un demi-million de personnes peuvent s’y rassembler. Les prières du vendredi, en particulier pendant le Ramadan, attirent un nombre croissant de fidèles, souvent des centaines de milliers.
L’occupation israélienne tente souvent de limiter l’accès à Al-Aqsa, mais les vendredis du Ramadan, ses forces de sécurité ne peuvent pas contenir les immenses foules. Les restrictions sont donc appliquées aux points de contrôle situés aux différentes entrées de la ville sainte, au nord, à l’est et au sud. Israël tente également parfois de restreindre l’accès à la vieille ville elle-même, obligeant ainsi les fidèles à prier au point le plus proche d’Al-Aqsa, les empêchant d’écouter les sermons du vendredi.
Avant les élections israéliennes de 2022, qui ont porté au pouvoir des dirigeants d’extrême droite racistes, Israël interdisait à toute personne non musulmane d’accéder à la mosquée sainte, même en dehors des heures de prière. Mais après la nomination d’Itamar Ben-Gvir au poste de ministre de la Sécurité nationale, la revendication du droit des juifs à visiter la mosquée s’est intensifiée, suscitant la colère et le rejet du Waqf jordanien, qui administre le site. Cette année, avec le départ de Ben-Gvir du gouvernement, le nouvel ordre de la police est de limiter ces "visites" à de petits groupes, une seule fois par jour.
« La motivation pour empêcher la prière n’est pas liée à la sécurité, mais constitue plutôt une punition de représailles contre d’anciens prisonniers. »
- Daoud Kuttab
Mais tout en faisant certaines concessions, le gouvernement israélien a également augmenté le nombre de Palestiniens interdits d’entrée à la mosquée Al-Aqsa. La police israélienne a recommandé, et les tribunaux ont approuvé sans contestation, des ordonnances interdisant à des dizaines de Palestiniens de prier dans leur mosquée pendant six mois, sur la base d’accusations non documentées liées à des considérations sécuritaires. Cependant, un examen plus approfondi des personnes concernées révèle qu’il s’agit de tous les prisonniers palestiniens originaires de Jérusalem récemment libérés dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu à Gaza.
L’absurdité de considérer automatiquement chaque Palestinien libéré comme une menace sécuritaire a été mise en évidence lorsque l’interdiction de prier à la mosquée Al-Aqsa a été étendue à Khaled El-Halabi. El-Halabi, qui a purgé 20 ans sur une peine de 28 ans de prison, est un chrétien palestinien qui ne participe normalement pas aux prières dans ce lieu de culte islamique, prouvant ainsi que la motivation pour empêcher la prière n’est pas liée à la sécurité, mais constitue plutôt une punition de représailles contre d’anciens prisonniers.
Malgré ces restrictions, qui constituent une violation du droit de culte, on s’attend à ce que des dizaines, voire des centaines de milliers de fidèles se rendent à la mosquée pendant le Ramadan. Cependant, un point d’intérêt particulier concerne les 10 dernières nuits du mois sacré, durant lesquelles les musulmans veillent toute la nuit à la mosquée, car c’est au cours de l’une de ces nuits que le Coran a été révélé au prophète Muhammad. Parmi ces 10 dernières nuits, la 27ᵉ nuit du Ramadan revêt une importance particulière : elle est appelée Laylat Al-Qadr (la nuit du destin), moment où le Coran a été révélé.
Les années précédentes, les forces de sécurité israéliennes ont tenté physiquement d’empêcher les fidèles de passer la nuit à la mosquée lors de ces journées spéciales. On ignore encore ce qui se passera durant ce Ramadan, alors que la région demeure marquée par une instabilité persistante, alimentant les craintes que le moindre prétexte soit utilisé pour provoquer des troubles et satisfaire les souhaits des politiciens radicaux.
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien primé.
X : @daoudkuttab
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.