Accord de cessez-le-feu à Gaza: Israël doit rendre des comptes

Un cessez-le-feu à Gaza doit entrer en vigueur dimanche et tout le monde se réjouit que ce cauchemar puisse enfin prendre fin. Mais à l'approche du jour d'après, il est important de souligner les responsabilités d'Israël et de la communauté internationale à l'égard de la population de Gaza.

Tout le monde est sceptique quant à la capacité d'Israël à respecter ses engagements. L'extrême droite israélienne ne veut absolument pas d'un accord et ne se soucie pas des otages. Les médias du pays (à l'exception de Haaretz) ont été pris d'assaut par la droite et ne cessent de diffuser des informations erronées, affirmant que le Hamas a bloqué l'accord.

Un accord a été conclu, mais il n'est pas clair si Israël se retirera de Gaza, raison pour laquelle le Hamas a demandé à voir les cartes. Par ailleurs, les négociations de la phase 2 commenceront au 16e jour du cessez-le-feu. Les Palestiniens s'engagent donc dans un processus sans savoir exactement où il les mènera. Néanmoins, les Palestiniens veulent simplement un cessez-le-feu. Ils estiment que tout vaut mieux que ce qu'ils vivent.

Quels que soient les détails politiques et militaires de l'accord, la population de Gaza a besoin d'une attention urgente. La société de Gaza est décimée. Bien que le nombre de morts annoncé soit d'environ 47 000, le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé. Une étude de la revue médicale britannique The Lancet estime que le nombre final de morts sera probablement supérieur de 40%. La plupart des habitants de Gaza qui ont survécu ont perdu des membres de leur famille au cours des 15 mois de guerre. Toute la communauté souffre de malnutrition et de traumatismes.

L'aide humanitaire devrait pouvoir être distribuée librement et être protégée par une force internationale.

-Dr Dania Koleilat Khatib

La communauté internationale, complice d'Israël, doit faire pression sur Tel-Aviv pour qu'il obtempère sur plusieurs fronts. Le premier point est d'autoriser l'aide humanitaire. Tout au long de la guerre, Israël a utilisé la faim comme une arme. Il ne doit plus être autorisé à le faire. Pendant la guerre, il a fait tout ce qu'il pouvait pour empêcher l'aide d'atteindre Gaza, en commençant par permettre aux fanatiques israéliens de confisquer l'aide et de la détruire à la frontière. Il a également permis à des gangs de voler l'aide à l'entrée de Gaza. Il se soustrait ainsi à toute responsabilité dans ces vols. Toutes ces pratiques malhonnêtes devraient être interdites. Qu'Israël se retire totalement ou non, l'aide humanitaire doit pouvoir être distribuée librement et être protégée par une force internationale.

Le deuxième point à faire respecter est de ne pas permettre à Israël de voler les fonds destinés aux Palestiniens. La semaine dernière, le journal israélien Israel Hayom a rapporté que Tel-Aviv avait réaffecté des fonds destinés à l'Autorité palestinienne. Le rapport affirme qu'Israël a utilisé l'argent du fonds norvégien pour régler une dette de l'Autorité palestinienne concernant la fourniture d'électricité. Ce n'est qu'une autre façon de dissimuler le vol des fonds destinés à Gaza. Après le cessez-le-feu, une aide financière considérable affluera dans la bande de Gaza pour répondre aux besoins urgents des habitants. Les fonds alloués à Gaza devraient faire l'objet d'un contrôle approprié. Israël ne devrait pas être autorisé à procéder à des coupes ou à détourner des fonds.

Israël devrait également être contraint de permettre la libre circulation de l'information. Le cessez-le-feu devrait être l'occasion de révéler au monde la vérité sur la guerre de Gaza. Israël ne doit pas être autorisé à restreindre les mouvements ou les activités des médias. Le monde doit voir ce qu'Israël a fait. Il a pris pour cible toutes les sources de vie des Palestiniens. Il s'en prend aux lieux de culte. Il s'en prend même aux zones de sécurité humanitaire désignées comme telles par l'armée israélienne.

Les médias devraient pouvoir rapporter librement les faits qu'ils n'ont pas pu couvrir pendant la guerre.

-Dania Koleilat Khatib

Par ailleurs, Israël s'en prend à tous les acteurs importants de la société: médecins, chercheurs, professeurs d'université, poètes, athlètes et journalistes. Il veut détruire la société. Il a essayé d'éradiquer toute personne qualifiée, tout talent, à Gaza. Les médias commencent tout juste à s'intéresser de plus près aux crimes d'Israël. La BBC a publié cette semaine un rapport dans lequel elle affirme qu'Israël a frappé une zone humanitaire près de 100 fois depuis le mois de mai. Les médias devraient être en mesure de rapporter librement les histoires qu'ils n'ont pas pu couvrir pendant la guerre.

Israël devrait également être tenu responsable de la gestion des deux millions de personnes qui sont sans logement et vivent sans installations sanitaires ni soins appropriés.

La communauté internationale, en particulier les pays arabes, qui seront chargés de financer la reconstruction de Gaza, doit être consciente et vigilante. Israël tentera de cacher ses crimes à la communauté internationale. C'est l'occasion de mettre au jour la situation honteuse de Gaza, comme l'a décrite le pape François la semaine dernière. Israël a jusqu'à présent prétendu que toutes les accusations portées contre lui étaient fausses. Il affirme que le nombre de victimes est gonflé par le Hamas. Il affirme qu'il n'a pas bloqué l'aide, mais que le Hamas la vole. Tous ces mensonges doivent être dissipés. Même les alliés de Tel-Aviv devraient faire pression en ce sens, car cela obligerait Israël à marcher sur le droit chemin. Si Israël estime qu'il n'y a aucune forme de responsabilisation pour ce qu'il a fait, il répétera les mêmes actes criminels dans quelques années.

Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com