Le 5 mars 2021, le pape François est devenu le premier chef de l’église catholique à se rendre en Irak. Bagdad, ville violentée, ville bombardée, mais ville toujours debout, accueille celui que des milliards de croyants appellent «le Très Saint-Père», lointain successeur de l’apôtre Pierre.
Outre le fait qu’un pays arabe accueille le pape, ce qui est en soi un symbole fort, François a une dimension peut-être plus politique que spirituelle. En effet, le Vatican porte clairement une image de paix, de concorde et de modération au plan mondial, une sorte de magistère moral qui permet de faire passer des messages. N’ayons aucun doute sur le fait que sa visite historique à Bagdad sera pleine de messages à portée spirituelle autant que politique.
Ce n’est certes pas la première fois que le pape François se rend en terre d’islam, on se souvient notamment de sa visite historique à Abu Dhabi en février 2019, mais aussi de déplacements au Maroc, en Turquie, en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine. À chaque fois, il a plaidé la coexistence pacifique des religions et dispensé un message d’ouverture et de dialogue.
Le symbole du pape est si fort que les autorités de Bahreïn se sont servies du cliché d’une poignée de main entre le prince héritier Salmane ben Hamad al-Khalifa et le pape François pour illustrer la journée de la diplomatie le 14 janvier. Sans conteste, la seule image du pape est un symbole de paix qui permet d’illustrer à merveille le triomphe du dialogue et de la tolérance.
Alors pourquoi ne pas imaginer, un jour, un pape François faisant escale à Riyad? Pourquoi ne pas imaginer le Protecteur des deux Saintes Mosquées accueillir le Très Saint-Père? Il y a quelques années, une telle idée aurait paru un peu saugrenue, voire provocatrice, mais le Royaume semble doucement évoluer vers une acceptation plus large des autres cultes. Ainsi, pour la première fois, il a été autorisé de fêter Noël en Arabie saoudite, des magasins vendant des décorations ont permis à des milliers d’expatriés accueillis dans le pays de célébrer cette fête chrétienne.
Cette ouverture timide est peut-être le prélude à quelque chose de plus ambitieux. L’islam de tolérance et de modération, prôné par le prince héritier, allié à la volonté d’attirer les touristes et les investisseurs étrangers pourrait – pourquoi pas – laisser penser à un rapprochement historique et symbolique dans un futur proche. Après tout, les contacts au plus haut niveau entre les représentants des chefs d’État des berceaux des deux religions monothéistes font espérer que les choses avancent, le dialogue interreligieux étant souvent un préalable à des progrès majeurs.
On sait en effet désormais que les accords d’Abraham, établissant des relations diplomatiques entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn, n’ont été possibles que parce que des années durant, des représentants musulmans et juifs avaient établi un dialogue et ont compris qu’ils avaient plus à gagner à discuter qu’à s’ignorer. La démarche d’ouverture du royaume saoudien passe aussi par le dialogue interreligieux: il ne saurait y avoir de meilleure image qu’une apparition du premier des catholiques sur la terre de la révélation de l’islam.
Bien plus qu’un message religieux, la visite du souverain pontife dans un pays arabe a d’abord une visée politique. N’oublions pas que nous parlons d’un chef d’État dont le rôle politique de ses prédécesseurs fut capital, notamment dans la lutte contre les régimes communistes. À l’heure où la modération, la tempérance et l’ouverture semblent devenir les piliers affichés de la gouvernance saoudienne – comme en attestent les réformes sociales et économiques menées depuis trois ans – peut-être que l’un des signes pour rassurer les investisseurs pourrait justement se manifester par un nouveau geste à destination des chrétiens du Royaume.