L'Irak semble résilient malgré les sérieux défis

Des manifestants anti-gouvernementaux affrontent la police anti-émeute devant le conseil municipal de Dhi Qar à Nasiriyah, dans le sud de l'Irak. (Photo, AFP)
Des manifestants anti-gouvernementaux affrontent la police anti-émeute devant le conseil municipal de Dhi Qar à Nasiriyah, dans le sud de l'Irak. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 28 février 2021

L'Irak semble résilient malgré les sérieux défis

L'Irak semble résilient malgré les sérieux défis
  • Le pays continue de faire face à de graves défis politiques et économiques
  • Ces tendances positives de la situation sécuritaire, politique et économique de l’Irak se reflètent dans ses relations extérieures

Au cours du mois dernier, l’ordre sécuritaire fragile de l’Irak a été mis à rude épreuve par des bombardements et des attaques à la roquette dans trois grandes villes.

Le 21 janvier, deux attentats suicides à la bombe à Bagdad ont tué 32 personnes et ont blessé environ 110 autres. Il s'agissait de la première attaque majeure dans la capitale depuis que les attentats à la bombe de janvier 2018 ont tué 27 personnes. Ces deux attaques ont été revendiquées par Daech.

Le 15 février, 14 roquettes ont été tirées sur une base militaire d'Erbil, au Kurdistan irakien, tuant un entrepreneur irakien et blessant huit autres entrepreneurs, dont quatre américains. Une unité militante peu connue, Saraya Awliya Al-Dam (la Brigade des Gardiens du Sang), a revendiqué la responsabilité. Il y a des spéculations selon lesquelles cela pourrait être une façade pour une grande équipe des Unités de mobilisation populaire (UMP), comme Asa’ib Ahl Al-Haq.

La troisième attaque a eu lieu le 20 février, lorsque quatre roquettes ont frappé la base aérienne de Balad, à 80 km au nord de Bagdad, blessant un ressortissant sud-africain travaillant dans une société américaine.

Ce qui a été différent dans ces attaques, c'est la riposte du système de sécurité. Un jour après les attentats à la bombe de Bagdad, le Premier ministre Mustafa Al-Kadhimi a accepté les échecs des services de renseignement, en promettant un plan de sécurité global et en limogeant les hauts responsables de la sécurité ainsi que ceux du renseignement.

En l'espace de quatre jours, le « wali » (« gouverneur ») de Daech en Irak, Abu Yasser Al-Issawi, a été tué par les forces irakiennes, suivi quelques jours plus tard par le meurtre de deux membres de Daech directement impliqués dans les attentats de Bagdad, ce qui témoigne d'une capacité de lutte contre le terrorisme améliorée d’une façon remarquable. En constatant la menace persistante de Daech, le secrétaire général de l'OTAN a annoncé qu'il assignerait 4 000 soldats en Irak pour une mission de formation et de conseil.

Il y a plus; en mi-février, Al-Kadhimi a annoncé que quatre personnes responsables du meurtre des militants politiques qui avaient manifesté en faveur des réformes à partir d'octobre 2019 avaient été arrêtées. Ces arrestations ont eu lieu parallèlement à la destitution du chef d'un groupe de renseignement secret pour avoir protégé les meurtriers.

Le pays continue de faire face à de graves défis politiques et économiques. Fin janvier, le Conseil des ministres a accepté de reporter les élections générales de juin à octobre.

Cela donnera certainement le temps soit de créer une nouvelle Cour suprême fédérale, soit de pourvoir les deux postes vacants dans la présente (il s'agit d'un organe constitutionnellement mandaté pour approuver les résultats des élections). L'autre tâche plus lourde consiste à faire dissoudre l'actuel Conseil des représentants afin que le processus électoral puisse commencer.

« La caractéristique positive de la scène électorale est que les militants qui cherchaient un ordre politique réformé sont en train de s'organiser de plus en plus ».

Talmiz Ahmad

La caractéristique positive de la scène électorale est que les militants qui cherchaient un ordre politique réformé sont en train de s'organiser de plus en plus. Sur 260 partis politiques qui se sont inscrits jusqu'à présent pour les élections, 60 ont été créés par des militants qui sont en faveur d’un ordre qui serait exempt du système actuel de butin ethnique et sectaire et de la culture omniprésente de la corruption.

Toutefois, le scénario économique reste toujours une source d'inquiétude, notamment en raison des effets de la pandémie. Le taux de pauvreté en Irak a atteint 31 pour cent, la pandémie a ajouté 2,7 millions de personnes supplémentaires aux 6,9 millions qui étaient déjà en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage est de 13,8 pour cent; un cinquième des jeunes manquent à la fois l'éducation et l'emploi.

Le budget du pays, estimé à 113 milliards de dollars, prévoit des dépenses importantes pour l’énergie, l’éducation, les services sociaux et les activités de développement dans les provinces. Le côté positif pour le pays est que les estimations ont été préparées sur la base de prix du pétrole se situant entre 42 et 44 dollars le baril, mais les prix ont récemment franchi le seuil de 60 dollars, ce qui entraînera à coup sûr un excédent pour le Trésor.

Ces tendances positives de la situation sécuritaire, politique et économique de l’Irak se reflètent dans ses relations extérieures. Au cours du mois dernier, le pays a ranimé les relations avec deux de ses voisins - la Turquie et l'Iran. Bagdad a obtenu des assurances de soutien pour régler ses problèmes sécuritaires et économiques urgents, tout en insistant sur le fait que sa souveraineté doit être respectée. Début février, les leaders irakiens ont également eu une interaction fructueuse avec le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe sur la lutte contre le terrorisme, l’élargissement du commerce et l’aide au développement ainsi que la promotion des relations logistiques et énergétiques.

Mais les engagements les plus importants de l’Irak ont été avec l’administration Biden. Contrairement à l'ère Trump, le nouveau président a offert une réaction mesurée aux récentes attaques à la roquette à Irbil en ordonnant une attaque contre une milice pro-iranienne dans l'Est de la Syrie le 25 février, au cours de laquelle plusieurs militants ont été tués - signalant que Washington ne tolérera jamais que ses partenaires ou leurs biens soient attaqués. Selon les rapports de presse américains, Joe Biden envisage d’élargir la présence diplomatique des États-Unis à Bagdad, d’accroître son aide humanitaire et d’être plus accommodant en ce qui concerne l’achat de l’énergie pour l’Irak de l’Iran.

Bien que les institutions irakiennes restent fragiles, pour la première fois depuis plusieurs années, les perspectives du pays semblent positives, en grande partie grâce au leadership discret mais efficace du Premier Ministre Al-Kadhimi.

Cependant, pour que cette situation favorable perdure, l'Irak devra contrôler les milices quasi indépendantes appartenant aux UMP, gérer l'économie raisonnablement et efficacement et, surtout, poursuivre réellement les réformes politiques. Telles devraient être les préoccupations prioritaires du Premier ministre pour les mois à venir.

 

Talmiz Ahmad est un auteur et ancien ambassadeur de l’Inde en Arabie saoudite, à Oman et aux Émirats arabes unis. Il est titulaire de la Chaire Ram Sathe d'études internationales de l’université internationale Symbiosis, Pune, Inde.

 

Les opinions exprimées par les écrivains dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com