Plusieurs articles de presse ont indiqué la semaine dernière que le secrétaire d'État américain Mike Pompeo avait mis en garde le Premier ministre irakien, Mustafa al-Kadhimi, prévenant que Washington pourrait fermer son ambassade à Bagdad et retirer son personnel, si les attaques répétées contre le siège de l’ambassade se poursuivaient. Dans le même temps, une porte-parole du département d'État américain a répété que Washington avait auparavant clairement indiqué que les groupes soutenus par l'Iran qui tirent des missiles sur l'ambassade « représentent un danger inacceptable pour tout le monde en Irak, des responsables et infrastructures diplomatiques aux activistes et familles irakiens ».
Suite à ces articles, et en observant les événements dans la région, il est déconcertant de voir ce qui se passe en Irak à un moment où les voisins arabes du pays commençaient à être rassurés par le soutien dont bénéficie l'actuel gouvernement irakien – un soutien qui n'a été offert à aucun autre gouvernement dans la région. Cet appui s’exprime de trois manières.
Le soutien du peuple irakien au gouvernement
Le premier facteur clé est que le gouvernement reçoit un soutien de l’intérieur du pays. Pendant une grande partie de l'année dernière, les Irakiens sont descendus dans les rues pour dénoncer et manifester contre les milices soutenues par l'Iran, et l'ingérence de Téhéran en Irak, mais également pour protester contre la dégradation des conditions de vie et la corruption que ces milices affiliées à l'Iran ont provoquée, en volant les richesses de l’Irak pour se retourner contre le peule, en finançant la paie et les armes de la coalition de milices chiites d’Al-Hashd Al-Shaabi, et en apportant un soutien à l’Iran.
Les rues irakiennes ont été inondées de manifestants, et cette fois, les zones chiites, qui couvraient autrefois les milices, se sont jointes aux manifestations, en raison des pratiques répressives de ces milices et de leur ingérence dans la politique et l’économie irakiennes. Les chiites irakiens sont descendus dans la rue car ils en avaient assez du terrorisme, de ces milices et de leurs pratiques inhumaines.
Aussi, le gouvernement d'al-Kadhimi reçoit-il aujourd’hui un fort soutien populaire de la population irakienne. S’il n’y avait pas la pandémie du coronavirus, les gens continueraient de manifester dans les rues de Bagdad et dans toutes les régions irakiennes afin de rétablir l'identité du pays, rejeter le sectarisme, et expulser les milices terroristes d'Ali Khamenei qui sont utilisées au détriment des intérêts de l'Irak et de la région, dans le but d'entrer en conflit avec les pays voisins et avec les États-Unis.
L'Amérique est le premier allié de l'Irak dans la guerre contre Daech, alors que l'Iran utilise ces milices terroristes pour attaquer les intérêts américains dans la région, notamment en ciblant sa mission diplomatique avec des roquettes Katioucha et d'autres armes, menaçant la vie de diplomates américains.
L’Arabie saoudite toujours prête à aider l’Irak
Le second facteur important est le soutien arabe à l’Irak qui n’a pas cessé. Les pays du Golfe ont fait de grands efforts, en particulier l'Arabie saoudite, qui - chaque fois qu'un nouveau gouvernement irakien entre en fonction – lui tend la main et invite le Premier ministre à visiter le Royaume. Cela s’est produit avec Ayad Allawi, Nouri Al-Maliki, Haider Abadi, Adel Abdul Mahdi et al-Kadhimi.
L'Arabie saoudite a également rouvert un consulat à Bagdad, ainsi que sa frontière terrestre avec l'Irak, cela afin de soutenir les frères du Royaume en Irak, dans l’espoir de les aider à sortir du bourbier iranien, et de les ramener dans le giron arabe. De nombreux autres pays arabes se sont également tournés vers l'Irak, notamment les Emirats arabes Unis, l'Égypte et la Jordanie. Il existe une grande volonté, parmi les peuples et les gouvernements arabes, de se tenir aux côtés de l'Irak et de le sortir des griffes des milices terroristes iraniennes et de sa subordination à Téhéran.
Le rôle crucial des Américains
Enfin, il ne faut pas oublier le soutien américain, qui est d'une grande importance, car il représente le soutien international, en particulier sous l'administration Trump, alors que les Etats-Unis cherchent à expulser l'Iran et ses milices terroristes de l'arène irakienne. Les assassinats en janvier de Qassem Soleimani, commandant des forces iraniennes Al-Qods, et du chef de la milice irakienne Abu Mahdi Al-Muhandis, sont une bonne manière d’affronter le terrorisme iranien en Irak et dans la région dans son ensemble. Cela a jusqu’ici été l’achèvement le plus réussi pour exercer une pression sur l'Iran, ses milices irakiennes, ainsi que ses autres milices dans la région, comme celles présentes au Liban ou même au Yémen, car ces dernières se réclament toutes de la même idéologie, celle de Khamenei.
Il existe une grande volonté, parmi les peuples et les gouvernements arabes, de se tenir aux côtés de l'Irak.
L’existence de chacun de ces trois facteurs renforce les autres et favorise une action conjointe pour vaincre le projet terroriste iranien dans la région et dans le monde. Si les États-Unis quittaient la scène et fermaient leur ambassade irakienne, ils donneraient davantage d'opportunités aux milices soutenues par l'Iran qui apparaîtraient alors comme la force la plus puissante du pays. Ils décevraient le peuple irakien et la région, à moins que de fortes frappes militaires ne soient préparées, de manière à éliminer ces milices terroristes, ciblant leurs dirigeants et les envoyant rejoindre Soleimani dans sa tombe.
La responsabilité incombe en fait tout d’abord aux États-Unis, car ce sont eux qui ont éliminé le régime précédent et remis l’Irak à l’Iran. Mais la responsabilité incombe également au gouvernement irakien actuel, car il reçoit ce qu’aucun autre gouvernement n’a reçu auparavant : un triple soutien interne, arabe et international.
La situation actuelle donne une occasion unique à l’Irak de se débarrasser de ce terrorisme iranien. Chacun doit être prêt à assumer ses responsabilités afin que le pays puisse être sauvé à jamais de ce terrorisme de Khamenei; sinon, ceux qui harcèlent les ambassades, les chefs de milices et les instigateurs du terrorisme seront sauvés, non parce qu’ils sont forts, mais parce que les autres, trop indolents, n’auront pas été capables de prendre les fermes décisions qui s’imposaient contre eux.
Dr Hamdan Al-Shehri est analyste politique et spécialiste des relations internationales.
Twitter: @DrHamsheri
NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Arab News.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com