La dévaluation du dinar irakien est l’une des mesures prises par le gouvernement irakien pour faire face à la grave crise économique du pays. Bien que les analystes blâment la chute des cours de pétrole et les réductions de la production du pétrole brut, cette dévaluation de 20, sans précédent, est le résultat d’années de souffrance sous contrôle des milices iraniennes et du détournement de fond vers Téhéran. D'une certaine manière, la situation est similaire à celle du Liban, un pays pris otage par ses voisins arabes et sur la scène internationale. Une étude sur le sujet pourrait être intitulée «Comment perdre des amis et repousser tous les pays», on pourrait même y ajouter: «… et plonger le pays dans le chaos total et la faillite».
La situation en Irak est véritablement alarmante, et résulte principalement de la corruption iranienne qui siphonne les richesses du pays. Dévaluer la monnaie est une bonne décision, il n'est en effet pas nécessaire de flamber les devises fortes pour protéger un taux de change qui ne reflète guère la situation économique. Malgré ses impacts sur les coûts d'importation, le libre jeu du marché améliore généralement la situation lorsque d'autres politiques et réformes judicieuses sont mises en place.
Pourtant, le vrai problème n’est pas d’ordre économique, que ce soit dans le cas de l’Iran ou celui du Liban. Le vrai problème est d’ordre politique. Il est inutile de tenter de résoudre les problèmes économiques du pays vu l’absence d’une vision politique transparente. Ceci ne fait que maintenir le cercle vicieux de la crise, ayant comme seul espoir une chute douce.
Par conséquent, il n’est pas nécessaire de se lancer dans une analyse économique. L'Irak, comme le Liban, se dirige vers un effondrement total. L'Irak bénéficie des réserves pétrolières, un avantage évident, mais même sur ce front, le pays est contraint de se faire payer d’avance pour honorer ses engagements. Le pays non seulement croule sous le poids de la dette, mais aussi les futures ventes sont entièrement englouties par le trou noir de la mauvaise gouvernance et la corruption.
L'Iran a entraîné l'Irak et le Liban au bord du gouffre par le biais de ses milices et de ses partis politiques. Cette semaine, l'Irak a accepté de débuter les exportations de carburant vers le Liban en 2021, une décision prise avant l'été, mais il reste à déterminer par quel moyen le Liban pourra financer cela. En Irak, comme au Liban, la corruption dans le secteur de l'électricité pèse des milliards de dollars par année. L'Irak en estime la valeur à 12 milliards de dollars, cette année seulement. Dans les deux pays, on peut se demander qui protège cette fraude et qui est dispensé de payer ses factures. Si cela est clair pour l'électricité, il l’est tout autant au ministère de la Santé. Le pouvoir exercé par Téhéran sur ce ministère va au-delà de l’aspect social pour influencer les affaires et les finances.
L'ingérence iranienne a en effet été un cas d'étude dans des pays leaders dans sa sphère de domination dans le chaos. Il éteint toute voix qui résiste à sa violence. Pourtant, s'agissant des intérêts économiques, il doit également y avoir un objectif sous-jacent réel pour éviter les sanctions et en tirer des avantages. Leurs leaders politiques désignés agissent comme un État esclave qui ne fait que rendre hommage au pouvoir suprême de Téhéran.
Il est inutile, sinon impossible, d'essayer de résoudre les problèmes économiques lorsqu'il n'y a pas de vision politique pour le pays
Khaled Abou Zahr
Le système bancaire libanais et l'énergie irakienne constituent de parfaits dispositifs pour éviter les sanctions et payer les tributs à Téhéran. Fondamentalement, ce que Téhéran donne au Hezbollah et à ses milices en Irak peut être acheminé à travers les institutions étatiques et le secteur privé, pour servir ses intérêts. En ce sens, on pourrait également se demander quelle quantité de pétrole vendue par l'Irak pourrait être du pétrole iranien trafiqué ou troqué.
Il est donc compréhensible que les manifestants appellent à des réformes anti-corruption et anti-fraude. Mais exiger des technocrates au gouvernement est une erreur, indicateur du manque de vision politique claire. Dans le cadre de l’hégémonie iranienne en cours, rien ne changera avant que la bataille politique ne soit tranchée.
En plus des armes et du rejet des institutions et de la souveraineté du pays, Téhéran et ses filiales satellites ont quelque chose en commun que leurs opposants politiques n’ont pas. Cela commence par une conviction politique suivie d’une stratégie, d’une planification et d’une cohérence dans l'exécution, et, surtout, d'une loyauté absolue. De nombreux autres facteurs jouent un rôle, comme les ressources financières. Si les mandataires de l’Iran sont capables d’atteindre un objectif, ils le feront même si les conséquences conduisent tout un pays vers le chaos. La fraude électrique, la corruption ou toute autre chose fonctionne à merveille s'ils prennent le contrôle et mettent en avant leurs objectifs.
Malheureusement, du côté opposé, il y a une absence totale de vision politique. Même si des foules de manifestants envahissent encore les rues, cela ne sera jamais suffisant pour effectuer le changement tant espéré. L'ennemi est impitoyable: les assassinats d'activistes et l’étouffement de toute voix sérieuse ou inspirante en sont la preuve. Sans organisation structurée, les militants vont sûrement être ciblés encore et encore.
Malgré la gravité de la situation et les risques de devenir un État en faillite, il existe certes des voies vers un avenir meilleur. Pourtant, cette voie de la reprise ne peut pas commencer si la souveraineté du pays est brisée et si les vrais problèmes ne sont pas abordés définitivement. Il est également important pour l’Irak de récupérer le Kurdistan et toutes les régions à l’État fédéral, ce qui reste la seule façon d’avancer.
Le Premier ministre irakien Mustafa Al-Kadhimi a fait preuve de volonté de rétablir l'ordre et de contenir les milices armées - une tâche sans aucun doute difficile. Néanmoins, avant cela, il devrait formuler une vision politique claire qui ralliera le peuple irakien à sa cause incontestable. Cela ne peut être qu'une vision de la liberté de croyance, d'une économie libre et d'un petit gouvernement de technocrates.
En d'autres termes, l'Irak a besoin d’une forme reaganomie locale, ou même de thatchérisme. Le président Ronald Reagan a vaincu l'URSS tandis que Thatcher a sauvé le Royaume-Uni économiquement. Pour sa part, l’Irak ne doit pas chercher à vaincre l’Iran, mais à plutôt tenter de rééquilibrer ses relations avec ce puissant voisin, car c’est le seul moyen d’entamer sa reprise. Ce serait un avantage net non seulement pour l’Iraq mais pour la région dans son intégralité.
Khaled Abou Zahr est PDG d'Eurabia, une société de médias et de technologie. Il est également l'éditeur d'Al-Watan Al-Arabi.
Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com