Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, il faut reconnaître que le président français Emmanuel Macron est implacable. Je dois admettre que j'ai toujours été sceptique quant à son approche et à sa stratégie pour le Liban, mais sa persévérance, sa cohérence et son souci constant d'aider Beyrouth m'ont convaincu. Il a notamment fait en sorte que le Liban reste en tête de l'actualité et, à l'heure où les superpuissances s'affrontent, c'est une aide précieuse.
Depuis que M. Macron a lancé son initiative en faveur du Liban, le pays a changé. Le Hezbollah n'est plus au même niveau de pouvoir qu'auparavant. Entre la punition israélienne et le changement politique en Syrie, le mandataire iranien est maintenant dans une situation désastreuse, qu'il l'admette ou non. Cela signifie qu'il existe désormais une voie vers un changement profond et réel au Liban. Et cela pourrait s'appliquer à l'ensemble de la Méditerranée.
La cohérence de Macron est également porteuse d'une stratégie plus large axée sur le littoral. Ce n'est pas nouveau, mais il a minutieusement ajouté les éléments constitutifs pour tenter d'apporter un changement. Dans ce contexte, le Liban ne peut être isolé de l'approche de Macron à l'égard de l'Égypte ou, dans une plus large mesure, de la Syrie ou même de l'Algérie. Il s'agit de construire la stabilité en donnant plus de pouvoir aux acteurs locaux.
Bien que ces efforts semblent isolés, il est logique de créer des partenariats entre le nord et le sud de la Méditerranée et d'instaurer la confiance entre les pays. Malgré la tempête commerciale et géopolitique qui sévit actuellement dans le monde, je voudrais souligner que les visites du président français au Liban en janvier et en Égypte cette semaine marquent le début d'une nouvelle page pour la Méditerranée.
Les visites du président français au Liban en janvier et en Égypte cette semaine marquent le début d'une nouvelle page pour la Méditerranée.
-Khaled Abou Zahr
En ce qui concerne l'Égypte, il y a eu une volonté réciproque d'améliorer et de renforcer les relations pour en faire un partenariat solide. Le Caire l'a bien compris au sortir du «printemps arabe», la France apparaissant comme le meilleur allié potentiel pour reconstruire et diversifier les forces armées égyptiennes.
Depuis 2015, la France et l'Égypte ont conclu d'importants accords militaires et navals pour un montant total de plus de 10 milliards d'euros. Les principaux accords comprennent l'achat de 30 avions de combat Rafale en 2021, à la suite d'un accord antérieur de 2015 portant sur 24 avions. La marine a également acquis deux navires d'assaut amphibie de classe Mistral (livrés en 2016) et quatre corvettes Gowind de 2 500 tonnes, une construite en France et trois en Égypte dans le cadre d'un accord de transfert de technologie. En outre, l'Égypte a acheté une frégate française multi-missions du futur en 2015.
Ces accords soulignent la position de la France en tant que l'un des principaux fournisseurs de défense de l'Égypte. Cette collaboration s'étend également aux infrastructures et à la culture, qui sont tout aussi importantes, avec une volonté claire de mettre en valeur le lien historique entre les deux pays. L'année 2019, qui marque le 150e anniversaire de l'ouverture du canal de Suez, a été nommée «Année culturelle France-Égypte».
En outre, l'Égypte et la France ont signé l'année dernière un accord visant à renforcer les partenariats internationaux entre leurs universités. C'est grâce à ce mélange qu'une plus grande agence pour la région est construite et que les piliers d'une véritable coopération géopolitique sont développés.
Il n'est pas surprenant non plus que la première visite occidentale du nouveau président libanais Joseph Aoun ait eu lieu à Paris. Il a rencontré M. Macron au palais de l'Élysée à la fin du mois dernier. Sans surprise, la réunion comprenait une vidéoconférence avec le président syrien par intérim Ahmad al-Charaa, car il ne peut y avoir de sécurité et de paix au Liban sans stabilité et sans relations équilibrées avec la Syrie.
L'approche était en fait encore plus large, puisqu'elle comprenait un sommet à cinq, axé sur la stabilité et la sécurité maritime en Méditerranée orientale, avec les dirigeants de la Grèce et de Chypre. Cette réunion a mis en évidence, pour tous les participants, l'importance de contenir les problèmes de sécurité à la frontière syro-libanaise, où les affrontements se sont récemment intensifiés.
C'est avec l'aide de pays comme l'Égypte et grâce à des propositions émanant de la région que des changements pourront être mis en œuvre.
-Khaled Abou Zahr
M. Macron s'est également engagé à accueillir une conférence internationale sur la reconstruction du Liban. Mais cela doit se faire tout en développant la stabilité politique du pays. Beyrouth doit donc inclure dans le processus de réforme du pays le désarmement du Hezbollah, comme stipulé dans l'accord de cessez-le-feu qui a mis fin au conflit de novembre 2024 avec Israël. Malgré le soutien continu de la France, il est de la responsabilité du Liban de réaliser de véritables réformes dans les secteurs financier, judiciaire et de la gouvernance. Ces mesures sont une condition préalable au déblocage de financements internationaux.
Il existe une vision claire de la manière dont l'autonomisation des alliés historiques en Méditerranée peut contribuer à résoudre les problèmes pour tous et à apporter la stabilité. Lors de la visite de trois jours de M. Macron en Égypte cette semaine, cette vision est apparue clairement. L'ordre du jour portait sur la sécurité régionale, l'aide humanitaire et le renforcement des liens, soulignant que c'est avec l'aide de pays comme l'Égypte et grâce à des propositions émanant de la région que le changement peut être mis en œuvre.
M. Macron a ainsi appelé à un cessez-le-feu urgent à Gaza et à la reprise de l'aide humanitaire lors de ses rencontres avec le président Abdel Fattah el-Sissi et le roi Abdallah de Jordanie. Il a également visité des installations d'aide et un hôpital à El-Arich, près de la frontière de Gaza. La visite a débouché sur de nouveaux accords de partenariat stratégique dans les secteurs des transports, de la santé et de l'éducation.
Il ne fait aucun doute que le fait que Macron implique des géants de la Méditerranée, tels que l'Égypte, dans la paix et la sécurité de la perle qu'est le Liban est un moyen positif d'accroître l'autonomie des pays de la Méditerranée. C'est une approche qui est également proche des gens. Les gestes symboliques de M. Macron – comme prendre le métro du Caire aux côtés de citoyens égyptiens et se promener dans un bazar historique, comme il l'a fait à Beyrouth en janvier – témoignent d'une réelle solidarité avec les habitants de la région et mettent en évidence des liens culturels de longue date. Son message selon lequel «on peut toujours compter sur la France» est sincère, mais c'est aussi aux pays eux-mêmes de faire pression pour que les choses changent.
Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plateforme d'investissement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan Al-Arabi.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com