Le désarmement pacifique du Hezbollah: un objectif réalisable?

La semaine dernière, le président Joseph Aoun a réaffirmé sa volonté de désarmer le Hezbollah cette année. (AFP)
La semaine dernière, le président Joseph Aoun a réaffirmé sa volonté de désarmer le Hezbollah cette année. (AFP)
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Publié le Vendredi 25 avril 2025

Le désarmement pacifique du Hezbollah: un objectif réalisable?

Le désarmement pacifique du Hezbollah: un objectif réalisable?
  • La décision ultime concernant le désarmement du Hezbollah ne sera pas prise à Beyrouth, mais bien à Téhéran
  • Le mouvement chiite demeure, aux yeux de nombreux observateurs, un bras armé du Corps des gardiens de la révolution islamique

Le Hezbollah acceptera-t-il de déposer les armes dans le cadre d’un dialogue pacifique? C’est la question qui hante aujourd’hui la scène politique libanaise. La semaine dernière, le président Joseph Aoun a réaffirmé son engagement à œuvrer au désarmement du Hezbollah avant la fin de l’année, exprimant sa préférence pour une solution issue d’un dialogue national inclusif.

Cette volonté s’inscrit toutefois dans un contexte régional en pleine mutation. Au cœur de ces bouleversements, le dialogue en cours entre l’Iran et les États-Unis revêt une importance cruciale, et place l’État libanais face à une équation délicate: comment avancer sans heurter des équilibres qui le dépassent?

Car il ne fait guère de doute que la décision ultime concernant le désarmement du Hezbollah ne sera pas prise à Beyrouth, mais bien à Téhéran. Le mouvement chiite demeure, aux yeux de nombreux observateurs, un bras armé du Corps des gardiens de la révolution islamique. Une réalité réaffirmée récemment par l’ambassadeur iranien au Liban qui, dans une déclaration publiée sur X, a qualifié le projet de désarmement – entre autres griefs – de «conspiration manifeste contre les nations».

Il est positif que l'ambassadeur iranien ait été convoqué pour ses propos, car ils représentent une ingérence flagrante dans les affaires de l'État. Mais qu'est-ce que le Hezbollah aujourd'hui, si ce n'est un outil d'ingérence au Liban?

Le fait que l'État libanais s'efforce de préserver sa souveraineté est un bon signe de sa volonté. Cela n'aurait pas été possible il y a seulement un an. La réalité est que le Hezbollah a été réduit à l'état de ruines par la campagne militaire d'Israël. Et avec le changement politique en Syrie, le mandataire iranien a perdu le soutien logistique de l'Iran qui était essentiel à ses opérations. Il s'agit là d'une différence considérable qui a aidé l'État libanais à renforcer sa voix souveraine. Mais cela ne signifie pas que le Hezbollah n'a plus la capacité et le pouvoir de détruire le Liban ou de cibler ses opposants dans le pays.

Si le régime de Téhéran devait inciter le Hezbollah à la confrontation, celle-ci ne pourrait avoir qu’une issue: la défaite du Hezbollah et l’humiliation de Téhéran. Tant l'Iran que le Hezbollah sont conscients de cette réalité. Les récents messages de l'ambassadeur iranien sur X ne font que souligner cette faiblesse. En effet, par le passé, un président libanais se serait vu contraint au silence par un simple officier de renseignement de bas niveau sur la question du désarmement.

Néanmoins, l'Iran se trouve aujourd'hui à un carrefour crucial. Il a l’opportunité de non seulement favoriser la prospérité du Liban, mais aussi de renforcer son propre pays et de stabiliser la région. Le désarmement du Hezbollah pourrait bien devenir un axe central dans les négociations avec les États-Unis sur le dossier nucléaire iranien, car il s'agit d'un outil similaire.

Le fait que l'État libanais s'efforce de préserver sa souveraineté est un bon signe de sa volonté. Cela n'aurait pas été possible il y a seulement un an.

                                                Khaled Abou Zahr

Mais j'appelle le peuple libanais à soutenir plus fermement ce désarmement. Il est important de montrer qu'au-delà de tout accord régional, c'est la volonté du peuple que l'État ait le monopole des armes. Aoun reste prudent dans son approche car il comprend très bien que le Hezbollah reste une puissance militaire qui peut être dangereuse pour l'avenir du Liban. C'est pourquoi cette transformation historique doit bénéficier d'un soutien populaire.

Le désarmement du Hezbollah pourrait être le point de départ d'un nouveau Liban. Le point de départ d'une reconstruction réelle et durable. Le point de départ d'une renaissance libanaise. Il s'agit d'une opportunité historique qui ne peut et ne doit pas être manquée. C'est pourquoi les Libanais doivent se rassembler et faire pression pour cette transformation, quelle que soit l'issue des dialogues régionaux plus larges.

Dans ce contexte, il est crucial de bâtir une confiance solide avec la communauté chiite, et de répéter sans relâche, jusqu’à épuisement de nos voix, que le Hezbollah ne doit pas être leur représentant. Jamais une milice armée n’a protégé une communauté. Le peuple doit trouver des moyens d'engager le dialogue et de promouvoir cette solidarité entre toutes les communautés libanaises. Cette démarche permettrait également de renforcer l'initiative du président et de lui apporter un soutien indispensable.

Il est essentiel que tout soutien populaire clarifie que le désarmement du Hezbollah ne constitue pas une attaque contre la communauté chiite, mais un acte de salut pour l’ensemble des Libanais. Nous avons besoin, plus que jamais, d’espoir et d’engagement sincère.

Il est important de faire comprendre que, tout comme il a été prouvé que le Hezbollah est une puissance artificielle anéantie par Israël en une fraction de seconde, il est également un protecteur artificiel, tout comme le régime de Téhéran. Aucune communauté au Liban ne devrait avoir besoin de la protection d'une puissance étrangère – la protection devrait être garantie. Les droits et les devoirs doivent être les mêmes pour tous. Je crois aussi, et je ne cesse de répéter que le fédéralisme est la meilleure façon d'aller de l'avant. Mais pour l'instant, nous avons besoin d'une plus grande confiance entre les communautés et cela devrait également se refléter dans les échanges sur les réseaux sociaux. Les voix rémunérées doivent être réduites au silence des deux côtés.

M. Aoun comprend très bien que le Hezbollah reste une puissance militaire qui peut être dangereuse pour l'avenir du Liban.

                                                     Khaled Abou Zahr

La solution proposée pour les membres du Hezbollah est de rejoindre l'armée libanaise, mais pas en tant qu'unité distincte. Cela ne se ferait qu'après un accord pacifique de désarmement, qui n'est pas encore garanti. Mais si cela devait se produire, il faudrait mettre en place un processus de contrôle sérieux et exclure de l'armée libanaise ceux qui sont idéologiquement fidèles au régime de Téhéran ou qui ont commis des crimes de terreur. Après toutes ses actions, le Hezbollah ne devrait pas non plus être autorisé à participer à des élections. La loyauté devrait être exclusive au Liban et aux forces armées libanaises. Je pense que le Liban peut s'inspirer d'autres pays qui sont passés par le même processus.

Un changement dans la manière dont Téhéran traite le Liban et ses voisins sera également crucial. Le respect d'un engagement de non-ingérence, l'abandon de toute perturbation militaire étrangère et l'adoption exclusive d'une collaboration d'État à État constitueraient la solution idéale. C'est ce que l'administration américaine devrait viser dans son dialogue. Mettre un terme aux activités offensives du régime iranien est aussi important que la question nucléaire, si ce n'est plus. Cela répondrait aux aspirations de la région et du peuple libanais, en faisant converger pour une fois les objectifs régionaux avec les objectifs nationaux.

Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plateforme d'investissement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan Al-Arabi.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com