Alors que l’année 2020 tire à sa fin, il est difficile de penser à une époque antérieure où l'expression juive pleine d'espoir: «Une année et ses malédictions se terminent alors qu’une nouvelle commence avec ses bénédictions», a résonné avec la plupart de l'humanité. En se concentrant sur les relations entre Israël et la Palestine, les choses ont commencé à paraître un peu plus positives vers la fin de l'année, mais principalement parce que, jusque-là, nous n'avions vu qu'une exacerbation régulière des relations déjà en phase de détérioration dans le triangle d'Israël, l'Autorité palestinienne (AP) contrôlée par le Fatah et Gaza contrôlée par le Hamas.
La fin de 2020 représente également la fin de l'administration Trump qui a eu un impact énorme, principalement négatif sur les affaires israélo-palestiniennes. L’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis fait naître l’espoir que la nouvelle direction à Washington jouera un rôle plus constructif dans l’amélioration des relations entre ces voisins, même si une paix globale ne semble pas être envisagée. Les interactions entre Israéliens et Palestiniens sont fortement affectées par la politique intérieure dans ce triangle d'Israël, de Cisjordanie et de Gaza, ainsi que les relations bilatérales entre chacun les uns et les autres.
L’année a commencé par un événement fastueux à la Maison Blanche: Donald Trump a dévoilé sa «vision» pour la paix au Moyen-Orient. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, se tenait aux côtés de Trump alors que le président américain annonçait un plan qui était mort-né, et dont on pourrait dire qu'il était conçu pour échouer, tandis que les Palestiniens, qui ont refusé de participer à la mascarade, pourraient être blâmés pour son échec. C'était une approche à courte vue qui allait presque entièrement avec la position israélienne. Même l'optique de cet événement, sans Palestinien en vue, n'a laissé aucune illusion sur des négociations de paix imminentes ou authentiques.
Non pas que le plan ait été entièrement soutenu par tous les Israéliens, mais, pour les Palestiniens, il comprenait presque tout ce avec quoi ils ne pouvaient pas être d'accord. Y compris la reconnaissance de l'occupation d'au moins une partie de la Cisjordanie avant même que les négociations ne commencent, et le fait de devoir accepter le diktat de leur État sans défense et à la merci de son voisin le plus puissant. Pourtant, pour ces politiciens israéliens plus belliqueux, la simple mention d'un État palestinien, quelles que soient les humiliantes conditions préalables, était inacceptable, alors ils ont également rejeté le plan.
Avant que l'encre ne sèche sur le plan de Trump, le monde a été englouti par la pandémie de Covid-19, qui a poussé le processus de paix israélo-palestinien encore plus loin dans l'agenda international. Les États-Unis sont devenus le pays le plus durement touché par la Covid-19 – et au cours d'une année électorale durant laquelle de profondes divisions, sur les relations raciales en particulier, ont également fait surface.
Il était également nécessaire qu'Israël, l'Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza détournent leur attention vers la maîtrise de la pandémie, et ils ont atteint ici divers niveaux d'échec. Le virus ne reconnaît ni frontières ni conflits politiques. Il a mis en évidence le fait que, dans le petit espace où les deux nations opèrent, avec le mouvement des populations entre Israël et les Territoires occupés, un manque de coopération est la recette du désastre. Malheureusement, bien que prévisible, un tel manque de coopération était évident et les cas dans toutes les communautés sont actuellement en plein essor, démontrant l'incompétence des autorités dans les trois territoires, leur incapacité à dépasser leur méfiance mutuelle et le fait que leurs intérêts personnels ont pris le pas sur le bien-être de leur peuple.
L'accord de normalisation avec les EAU a mis fin au plan d'annexion irresponsable et dommageable, sauvant Israël de sa propre folie. Yossi Mekelberg
Si la menace posée par la pandémie actuelle a détourné l'attention des zones de friction «normales» entre Israël et les Palestiniens, les accords de normalisation signés cet été par Israël, d'abord avec les Émirats arabes unis (EAU) puis avec Bahreïn et le Soudan, ont changé le calcul. Avec les plans d’Israël d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie et la campagne électorale américaine passant à la vitesse supérieure, alors que la marée commençait à se retourner contre Trump, les accords de normalisation devaient nécessairement avoir un impact sur les relations israélo-palestiniennes.
Pour Netanyahou, la promesse d'annexer près du tiers de la Cisjordanie n'était qu'un stratagème afin d’attirer les votes des colons juifs en Cisjordanie occupée et de leurs partisans, plutôt qu'une partie d'une stratégie globale pour de futures relations avec les Palestiniens. Cependant, la menace d'annexion a conduit l'Autorité palestinienne à tenir son avertissement de mettre fin à toute coopération avec Israël et, en particulier, à leur coordination sécuritaire, sachant que c'était sa carte la plus puissante, alors qu'elle cherchait à éloigner Netanyahou de ses plans d'annexion. Mais il est douteux que le président Mahmoud Abbas ait cru, ne serait-ce qu'une seconde, que Netanyahou et sa coalition de droite seraient convaincus par cette menace. Il savait que, comme dans le cas de l'Autorité palestinienne et de Gaza, il s’agit là d’un sujet de politique intérieure sur la question de la survie de l'élite, et pas grand-chose d'autre.
L'annexion n'aurait guère fait de différence sur le terrain, car la Cisjordanie est déjà sous le contrôle total d'Israël, qui, en tant que force d'occupation, la traite comme si elle avait déjà été annexée. Cependant, le message d'une décision unilatérale d'Israël avec le soutien des États-Unis sur l'avenir de la Cisjordanie aurait été clair. C'est l'accord de normalisation avec les EAU qui a mis fin au plan d'annexion irresponsable et dommageable, sauvant Israël de sa propre folie.
Les dirigeants palestiniens, se sentant abandonnés, auraient pu exprimer leur colère face aux accords de normalisation, mais l’arrêt de la légalisation bénie par Washington de l’occupation israélienne était une condition importante des relations diplomatiques complètes entre Israël et les EAU. De plus, la suppression de la menace d’annexion, ainsi que l’élection de Biden comme prochain président américain, a facilité le transfert par Israël des plus de 1 milliard de dollars d’impôts qu’il avait collectés au nom de l’Autorité palestinienne. Il semble maintenant qu'un dégel, aussi doux soit-il, ait lieu entre l'Autorité palestinienne et Israël.
Cependant, les principes fondamentaux des relations entre Israël et les Palestiniens restent les mêmes et ne changeront probablement pas de sitôt. Les trois dirigeants – d'Israël, du Fatah et du Hamas – souffrent d'une perte de confiance et de soutien. La politique israélienne a été détournée par les intérêts personnels d'un Premier ministre jugé pour corruption, qui consacre l'essentiel de son énergie à tenter d'éviter la justice. Aucun des dirigeants palestiniens n'a reçu la confiance de ses électeurs depuis plus de quatorze ans, alors que la question de la succession est constamment suspendue au(x) système(s) politique(s) palestinien(s), ce qui entraîne une paralysie politique quasi totale. Dans l'intervalle, Israël renforce son occupation de la Cisjordanie et son blocus de Gaza, sans fin en vue.
L’aspect primordial des relations entre Israël et les Palestiniens, ce sont l’occupation et le blocus israéliens, qui font de la vie des Palestiniens ordinaires une misère. La situation à Gaza continue de se détériorer, transformant deux millions de Palestiniens en prisonniers dans leurs propres maisons, tandis que les droits de l'homme de ceux qui se trouvent en Cisjordanie sont violés à volonté par les forces de sécurité israéliennes ou des colons juifs. Tant que cela perdure, que les colonies sont constamment élargies et que les systèmes politiques en Israël et en Palestine restent dans un état de mutation, la vision d'une coexistence pacifique et juste reste plus éloignée que jamais.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent’s University de Londres, où il dirige le programme des relations internationales et des sciences sociales. Il est également membre associé du programme MENA à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux écrits et électroniques.
Twitter: @YMekelberg
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com