Au cours des deux prochaines années, deux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord accueilleront les conférences annuelles des Nations Unies sur le réchauffement climatique. L’Égypte accueillera la COP27 ce mois-ci et les Émirats arabes unis devraient accueillir la COP28 en novembre prochain. Les sommets les plus importants au monde sur le réchauffement climatique permettront aux pays de la région de mettre en évidence les défis climatiques et l’importance du multilatéralisme pour restaurer l’écosystème MENA et de se concentrer sur les facteurs géopolitiques liés à la diplomatie climatique.
Ce n’est pas la première fois que les pays de cette région accueillent les conférences sur le réchauffement climatique. Les forums précédents ont eu lieu au Maroc en 2001 et 2016, et au Qatar en 2012. Cependant, aucune action sérieuse n’a été prise à l’époque concernant les problèmes liés au climat. Cela est dû à plusieurs facteurs, notamment le manque de sensibilisation sérieuse parmi les habitants de la région quant à la gravité du problème, le manque de recherche scientifique pertinente pour cette région, le manque de sérieux des gouvernements qui visent à minimiser le réchauffement climatique et surtout, le manque de coopération entre les pays de la région au sujet de résolution de problèmes futures communs, comme par exemple la migration liée au climat et la pénurie de nourriture et d’eau.
Bien qu’il s’agisse d’une région vulnérable à la sécheresse, aux inondations, aux incendies, à l’insécurité alimentaire et hydrique, elle a été un acteur relativement petit à la table de la diplomatie mondiale sur le réchauffement climatique. Cependant, à mesure que les menaces pesant sur l’alimentation, l’eau et la santé fassent désormais partie de la sécurité nationale, les pays de la région ont commencé à placer le réchauffement climatique au centre de la mise en œuvre de leurs politiques et à jouer un rôle mondial plus important en ce qui concerne la diplomatie climatique.
Les conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine sur la sécurité alimentaire et énergétique ont amplifié l’importance de la coopération multilatérale sur les problèmes climatiques. Les chocs sur la chaine d’approvisionnement alimentaire mondiale causés par la guerre russo-ukrainienne ont de nouveau mis en évidence les défis de la sécurité alimentaire de la région ainsi que son importance.
Cela fait des années que la région MENA est aux prises avec des problèmes d’eau et des températures extrêmes. La croissance démographique et les conflits ont braqué les projecteurs sur ces défis avec une plus grande urgence. Selon Aisha al-Sarihi, spécialiste du Golfe en problèmes liés au réchauffement climatique, les soulèvements arabes qui ont balayé la région étaient liés au changement climatique. Elle pense que les manifestations de 2011 en Tunisie étaient le résultat de la sécheresse qui a affecté les prix des denrées alimentaires et conduit à des conflits. Elle relie alors le réchauffement climatique à la sécurité nationale et à la stabilité des États, suggérant que les gouvernements incluent le réchauffement climatique dans leurs stratégies de mise en œuvre des politiques.
Cependant, à mesure que les menaces pesant sur l’alimentation, l’eau et la santé sont désormais partie de la sécurité nationale, les pays de la région ont commencé à placer le réchauffement climatique au centre de la mise en œuvre de leurs politique
Sinem Cengiz
Les problèmes liés au climat, notamment la rareté de l’eau, ont été une source de conflit entre les pays voisins de la région, notamment la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie qui envisagent la question sous l’angle de la sécurité nationale. L’eau transfrontalière joue un rôle essentiel dans le développement durable de ces pays et, par conséquent, induit d’énorme potentiels risques et avantages associés au développement.
L’Iraq est le plus vulnérable de ces pays suite au réchauffement climatique, y compris l’insécurité hydrique et alimentaire. Bien qu’il soit riche en pétrole, l’Irak est en proie à la pauvreté après des décennies de guerre. Il en va d’ailleurs de même pour la Syrie. La baisse des niveaux d’eau dans les fleuves Tigre et Euphrate est une préoccupation majeure pour la Syrie et l’Irak, tous les deux engloutis par une instabilité sans fin en vue.
La Turquie est également confrontée à des défis dans la gestion et le développement des ressources en eau, tout en travaillant au maintien de la qualité de l’eau. Elle devrait devenir un pays en situation de stress hydrique d’ici 2030. La croissance démographique et le développement économique sont les deux défis les plus sérieux en matière d’eau, d’énergie et de sécurité alimentaire.
Dans le passé, la question de l’eau transfrontalière a poussé la Turquie et les pays voisins au bord de la crise. Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de compréhension mutuelle à ce sujet. Ces pays sont désormais au bord de la catastrophe climatique. La coopération mutuelle n’est plus une question de marchandage mais une nécessité de survie. La rareté de l’eau et de la nourriture est une menace sérieuse pour la sécurité nationale, tout autant que les menaces conventionnelles. Plusieurs accords sur le réchauffement climatique ont été signés ces dernières années entre les pays des la région tels que les Émirats arabes unis, la Turquie, et l’Arabie saoudite qui se sont également engagés à atteindre des émissions nulles dans les 25 à 40 prochaines années.
Par conséquent, l’accueil par l’Égypte de la COP27 cette année arrive à un moment critique. Cela non seulement déplace le centre de gravité de la diplomatie climatique vers la région MENA, mais offre également aux pays la possibilité de jouer un rôle important dans l’adaptation ainsi que l’atténuation du réchauffement climatique. Cela permettra d’ailleurs à la Turquie, l’Irak et l’Iran de se concentrer davantage sur leurs problèmes communs liés au climat et de transformer le souci de l’eau en outil de coopération.
- Sinem Cengiz est une analyste politique turque spécialisée dans les relations de la Turquie avec le Moyen-Orient. Twitter : @SinemCNGZ
NDLR : L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com