La semaine prochaine, les dirigeants mondiaux se réuniront à nouveau lors d’un sommet mondial sur le climat pour ressasser les engagements non tenus et promettre des actions non spécifiques, tout en résistant simultanément aux efforts visant à garantir que la procédure prévue à Charm el-Cheikh ne soit contraignante, et encore moins exécutoire.
Même maintenant, dans sa 27e édition – la cinquième à se tenir en Afrique –, il est peu probable que la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, COP27, éloigne matériellement la planète de sa trajectoire actuelle vers de graves perturbations, même si elle parvient à se débarrasser de l’«ambiguïté constructive» du rassemblement de l’année précédente à Glasgow, en Écosse.
Néanmoins, dans notre monde multipolaire de plus en plus fragmenté, de telles possibilités de coopération et de collaboration continues sont les bienvenues et devraient, à juste titre, être saluées.
Après tout, rien que l’année dernière, plus de 150 pays ont réussi à proposer des plans pour décarboniser leurs économies. Et en mai de cette année, les pays du G7 ont signé un engagement à décarboniser essentiellement leurs secteurs de l’électricité d’ici à 2035. Cet engagement vient couronner une série de promesses très vantées pour réduire l’utilisation du charbon, mettre fin à la déforestation axée sur les produits de base, réduire d’un tiers les émissions de méthane et doubler le soutien financier aux efforts d’atténuation et d’adaptation dans le monde en développement.
Cependant, il existe toujours une probabilité de 42% que les températures mondiales moyennes augmentent plus que l’objectif de 1,5 °C au-dessus des niveaux pré-industriels. L’année dernière seulement, les émissions de carbone ont totalisé plus de 36 milliards de tonnes, une augmentation de 6% attribuable aux tentatives désespérées de reprise dans de nombreux pays au moment où la pandémie s’est atténuée.
L’inaptitude à parvenir à des accords constructifs et significatifs lors de la COP26 l’année dernière a également refroidi l’enthousiasme et alimenté la perception que ce sommet et les futurs sommets sur le climat sont peu susceptibles de favoriser une action mondiale indispensable.
Par exemple, l’Égypte, pays hôte de la réunion cette année, n’a pas encore déclaré ses propres objectifs d’émissions et ses plans climatiques sont jugés très insuffisants par les experts.
La guerre qui bat son plein en Ukraine a compliqué les objectifs climatiques mondiaux et attisé les tensions internationales qui entraveront probablement les niveaux de coopération plus approfondis, nécessaires pour transformer les ambitions en plans d’action concrets et exécutoires qui obligeront les plus grands émetteurs du monde à rendre des comptes.
Pendant ce temps, dans le monde arabe, les effets débilitants d’un changement climatique non atténué n’en sont que plus apparents, plus graves et plus fréquents, aggravant dans certains cas les effets négatifs des conflits, des déplacements, des inégalités sociales et de l’instabilité politique.
Les sécheresses, les incendies de forêt, les vagues de chaleur record, les inondations et les tempêtes de poussière continuent de frapper l’intérieur et les côtes de la région, aggravant l’insécurité alimentaire et hydrique et introduisant de nouveaux problèmes socio-économiques et politiques qui pourraient finalement bouleverser la dynamique prédominante déjà compliquée, en première ligne de la lutte contre les changements climatiques.
De plus, un paysage géopolitique troublé, des économies usées par la pandémie et aux prises avec une dette de plus en plus chère, une inflation alimentaire et énergétique, un chômage endémique et une fuite des capitaux en raison d’un dollar américain fort sont autant de facteurs qui peuvent mettre à l’écart les priorités climatiques, les transitions énergétiques et les transformations critiques au moment où les nations se concentrent plutôt sur des reprises alimentées par les combustibles fossiles.
En effet, les deux prochains événements de la COP se déroulent dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (après l’Égypte, les Émirats arabes unis accueilleront le sommet en 2023), ce qui présente une occasion rare de centrer les discussions sur les priorités et les perspectives éclairées dans la région la plus touchée par le changement climatique.
L’urgence du moment n’échappe pas aux sociétés et aux gouvernements de la région, pas plus que les avantages potentiels bien documentés d’interventions opportunes, financées de manière adéquate et exécutées efficacement.
Cependant, le chemin vers la neutralité carbone, une énergie propre et des transformations durables est incertain et très variable d’un pays arabe à l’autre. Cela signifie que les solutions imposées porteront atteinte aux transformations plus efficaces, réalistes et spécifiques au contexte, aggravant la situation des sociétés et des peuples déjà en difficulté.
Les COP27 et COP28 pourraient avoir des répercussions aussi importantes que la COP26 à Glasgow, voire plus, mais elles ne doivent pas devenir de simples voies pour les ambiguïtés de la diplomatie climatique ou des occasions toniques pour simplement repousser les problèmes.
Il convient de souligner que si l’énergie propre et renouvelable, ainsi que les technologies et innovations sous-jacentes deviennent indispensables pour les transformations de l’ensemble de la société qui déclenchent des stratégies d’atténuation et d’adaptation efficaces, il est très possible, voire probable, pour la majeure partie du monde arabe d’atteindre simultanément ses objectifs climatiques et de développement.
Les déserts riches en soleil de la région et les dotations massives en hydrocarbures (pour la production et l’exportation d’hydrogène bleu), par exemple, signifient que les interventions axées sur l’énergie propre sont déjà techniquement et économiquement réalisables.
De plus, elles présentent d’innombrables avantages, notamment la création d’emplois, le développement durable et la résilience, ainsi que la réduction des effets néfastes sur la santé et l’environnement.
Ensuite, il doit y avoir une plus grande reconnaissance des incertitudes et des différences dans les voies empruntées par la plupart des pays arabes pour respecter leurs engagements tout en essayant de débloquer des possibilités de développement, de croissance, de sophistication économique et de compétitivité accrue pendant la transition vers un monde post-pétrole.
Compte tenu de l’intensification des vents contraires économiques qui entravent les reprises post-pandémiques et de la nécessité tout aussi urgente d’accélérer les interventions ou les transformations liées au changement climatique – qui ont déjà pris beaucoup de retard –, la question est de savoir si les pays arabes doivent changer pour se redresser ou se redresser pour changer.
Pour les pays importateurs de pétrole, la réponse est relativement simple: se redresser pour changer, d’abord pour récupérer les pertes résultant de la pandémie, puis pour renforcer les économies avant les transformations douloureuses et politiquement coûteuses, compte tenu surtout de l’absence d’un soutien financier extérieur généreux qui serait très certainement assorti de conditions. Aussi ambitieux que soient les engagements, les pays ne pourront pas se permettre de subordonner les priorités urgentes à la prise en charge des risques et incertitudes technologiques, économiques, financiers et sociaux à grande échelle qui accompagnent le basculement vers des transformations vertes imposées de l’extérieur.
En outre, jusqu’à présent, la communauté internationale ne s’est montrée guère rassurante car, malgré des promesses allant jusqu’à 100 milliards de dollars (1 dollar = 1 euro) par an pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique dans le monde en développement, une grande partie de cet engagement reste gravement sous-financée. L’inaction continue ne fera que rendre les changements axés sur le climat dans les pays du Sud beaucoup plus coûteux à mesure que les crises humanitaires liées au changement climatique s’intensifient.
En conséquence, pour garantir facilement ces reprises avant les transformations urgentes, les pays les moins riches continueront simplement de brûler davantage de combustibles fossiles à court et à moyen terme, ce qui incitera les exportateurs de pétrole à ralentir leurs propres transformations coûteuses afin de pouvoir récupérer la manne financière provenant des exportations ininterrompues d’hydrocarbures.
Ainsi, les pays exportateurs de pétrole plus riches de la région peuvent réduire les effets sur les finances publiques, la dynamique sociopolitique et leurs économies, en prenant leur temps pour mener des interventions axées sur le climat.
Quoi qu’il en soit, la plupart des pays n’atteindront pas leurs propres objectifs et ne respecteront pas leurs engagements. La planète n’atteindra pas son objectif de 1,5 à 2 °C, avec des conséquences désastreuses pour tous.
Après tout, il existe de nombreuses preuves dans les archives paléo-climatiques de la planète qui montrent qu’une augmentation de la température mondiale de seulement 1,5 à 2 °C au-dessus des moyennes de l’ère préindustrielle entraînera une élévation du niveau de la mer de six à neuf mètres au cours des prochaines décennies.
Pour mettre ces données en perspective, une élévation de cinq mètres du niveau de la mer anéantirait 13% de la masse terrestre du Qatar. Même une hausse de seulement trois mètres pourrait réduire le produit intérieur brut de l’Égypte de 12%.
Le simple fait d’insister d’abord sur des transformations pour toutes les nations, dans la recherche d’idéaux nébuleux ou simplement pour rayer des éléments de la liste de tâches en lien avec le changement climatique, sera préjudiciable aux efforts visant à atteindre des objectifs à long terme, en particulier dans une région qui contient cinq des dix pays les plus vulnérables au changement climatique, dont l’Irak, le Maroc et l’Égypte.
En ignorant les préoccupations spécifiques à chaque pays, seul un avenir chaotique nous attend, même si les dirigeants mondiaux réaffirment leur engagement à défendre la planète sur laquelle nous vivons avec l’urgence nécessaire pour anticiper les hausses prévues des températures mondiales d’ici la fin du siècle.
Hafed al-Ghwell est chercheur principal non-résident au Foreign Policy Institute de la John Hopkins University School of Advanced International Studies. Il est également conseiller principal au sein du cabinet de conseil économique international Maxwell Stamp et de la société de conseil en risques géopolitiques Oxford Analytica, membre du groupe Strategic Advisory Solutions International à Washington DC et ancien conseiller du conseil d’administration du Groupe de la Banque mondiale.
Twitter: @HafedAlGhwell
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com