Pour la troisième semaine consécutive, des manifestations ont lieu à travers l'Iran à la suite du meurtre de Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans originaire du Kurdistan iranien, par ce qui est qualifié de «police des mœurs» à Téhéran. Mahsa Amini est décédée dans un centre de détention, où la police l'avait détenue pour avoir enfreint la loi stricte obligeant les femmes et les filles à se couvrir les cheveux avec un hijab ou un foulard.
À l’évidence, le monde entier est à présent au courant du rôle de la police des mœurs en Iran. Ses hommes parcourent les rues dans leurs véhicules, surveillant près de 40 millions de femmes et de filles et les punissant si elles violent ses règles oppressives. Peut-on imaginer un groupe d'hommes arrêtant de force des femmes et des filles au milieu de la route pour examiner leur tenue, leurs cheveux, la longueur de leurs vêtements et même la quantité de leur maquillage?
Dénonçant le meurtre de Mahsa Amini, des milliers de femmes et de filles en Iran ont fait preuve d'un courage sans précédent, brûlant leur foulard ou se coupant les cheveux pour exprimer leur colère.
Ce n'est pas la première fois que des femmes expriment leur rejet du régime oppressif qui impose un code vestimentaire spécifique et les punit d'emprisonnement, de torture ou même de mort si elles violent ces strictes réglementations.
Leur courage a impressionné le monde entier et poussé des millions de personnes à travers le monde à manifester, en solidarité avec leur mouvement. Des rassemblements aux quatre coins du globe ont été organisés en guise de soutien au peuple libre d'Iran dans sa lutte contre le régime autocratique. Les manifestations en faveur des femmes iraniennes se sont étendues des États-Unis à l'Angleterre, de la France à l'Allemagne et l'Australie. Même les femmes afghanes, qui souffrent d'un fascisme religieux similaire, ont exprimé leur solidarité avec les Iraniennes.
On peut voir en ligne des centaines de vidéos de personnes en Iran et à l'étranger brûlant des milliers de foulards comme symboles de l’oppression.
La Maison Blanche a rapidement imposé des sanctions à la police des mœurs du pays. Selon le New York Times, elle a également approuvé l'activation de liaisons satellites et d'autres services Internet pour aider les manifestants à communiquer, malgré les tentatives iraniennes de bloquer l'accès à Internet dans le pays.
Depuis le début des manifestations, les médias occidentaux ont salué la bravoure des manifestantes et ont cherché à prévoir quel sera le sort du régime iranien si les manifestations devaient se poursuivre.
Cependant, nombreux sont ceux en Occident qui ont affirmé que le foulard était un outil d'oppression islamique et ont décrit les événements comme une manifestation contre l'islam et les restrictions religieuses. C'est là qu'ils se sont trompés. Réduire la lutte et le soulèvement des femmes iraniennes au simple retrait de leur hijab est injuste envers elles.
L'Occident doit comprendre que ces femmes se battent pour leur liberté de choix, leur liberté de foi et celle de déterminer leur avenir et leur mode de vie. Ce discours pourrait inclure plusieurs pays à travers le monde.
Depuis 2014, les femmes iraniennes publient sur les réseaux sociaux des photos et des vidéos d'elles-mêmes ne portant pas de hijab. Cette pratique faisait partie d'une campagne de protestation en ligne intitulée «My Stolen Freedom» («Ma liberté volée»), qui a inspiré plusieurs autres mouvements, dont les «White Wednesdays» («Les mercredis blancs») et les «Revolutionary Street Girls» («Les filles de la rue de la révolution»).
Le concept des femmes couvrant leurs cheveux en portant un voile ou un hijab à des fins religieuses a été pratiqué par les trois principales religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l'islam, ainsi que par d'autres confessions et cultures.
Discuter de la question des femmes portant ou non le foulard est devenu un argument politique mondial, plutôt que de parler de gouvernements islamistes radicaux qui imposent leurs idéologies aux femmes.
Bien que je sois une femme musulmane non pratiquante, je ressens le besoin de défendre d'autres femmes qui choisissent de porter le foulard et d'expliquer pourquoi elles pourraient le faire.
J'ai passé toute ma vie d'adulte à me battre pour les droits des femmes: pour les libérer de l'emprise des hommes qui dictent leurs décisions, ceux qui pensent que l'éducation, les vêtements, l'avenir et la manière dont une femme devrait vivre appartiennent à un dirigeant de sexe masculin ou à un chef religieux, à un père ou à un mari.
«Réduire la lutte et le soulèvement des femmes au seul retrait de leur hijab est injuste envers les Iraniennes»
Dalia Al-Aqidi
Je m'attends à être respectée et acceptée pour mon choix de ne pas porter de hijab. Les autres femmes musulmanes devraient également être respectées et acceptées en Occident, quel que soit leur choix.
Ceci dit, la vraie question ici n'est pas de savoir si les femmes doivent se couvrir ou non les cheveux. Il devrait s'agir du droit des femmes de choisir, que ce soit en Iran, dans l’ensemble de la région du Moyen-Orient, ou même en Europe.
Je tiens à rappeler aux lecteurs ce que l'auteur et théoricien social américain Thomas Sowell a écrit un jour: «La liberté signifie en fin de compte le droit des autres de faire des choses que vous n'approuvez pas.»
Chère Mahsa, repose en paix, j'espère que toi et les autres héroïnes iraniennes ne serez pas mortes en vain.
• Dalia Al-Aqidi est Chercheure principale au Center for Security Policy.
Twitter: @DaliaAlAqidi
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com