L’Iran pourrait employer des mercenaires pour maintenir l’ordre

Les combattants de la brigade des Fatimides lors de l’offensive pour reprendre Palmyre, en Syrie, le 10 décembre 2016 (Photo, Wikimedia Commons).
Les combattants de la brigade des Fatimides lors de l’offensive pour reprendre Palmyre, en Syrie, le 10 décembre 2016 (Photo, Wikimedia Commons).
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Publié le Vendredi 07 octobre 2022

L’Iran pourrait employer des mercenaires pour maintenir l’ordre

L’Iran pourrait employer des mercenaires pour maintenir l’ordre
  • Les combattants des brigades des Fatimides et Zeinabiyoun sont plus efficaces dans le rétablissement de l’ordre public
  • Le Guide suprême, Ali Khamenei, et le CGRI n’épargneront aucune ressource pour tenir d’une main de fer le peuple iranien

Alors que les troubles en Syrie s’apaisent, les mercenaires pakistanais et afghans envoyés par l’Iran – les brigades des Fatimides et Zeinabiyoun, respectivement – semblent être rentrés subrepticement dans leurs pays respectifs. Ces combattants ne sont plus tous en état de se battre, revenant blessés et marqués par le conflit. Nombre d’entre eux le sont encore, cependant. Ceux qui ont été blessés sur les champs de bataille sont utilisés pour inspirer les autres à rejoindre les rangs en quête de gloire et de martyre.

Quelques dizaines d’entre eux sont détenus par les autorités pakistanaises. Faisant l’objet d’enquêtes, ils sont soumis à des interrogatoires. Ces militants servent les intérêts de l’Iran, avec ou sans armes. Comment réagiront-ils si la situation venait à s’aggraver pour le régime iranien face à la colère de son peuple ?

Le rappel de combattants étrangers de l’Afghanistan et du Pakistan pour maintenir la loi et l’ordre peut sembler utile pour le régime iranien. Les fantassins des brigades des Fatimides et Zeinabiyoun renonceraient-ils à tirer sur les manifestants iraniens? La réponse est sûrement non. Ces hommes sont prêts à sacrifier leur vie pour la préservation de la prétendue révolution islamique. A leurs yeux, les manifestants iraniens sont des agents des « impérialistes » ou au mieux, ils œuvrent pour les intérêts ennemis.

Ces fanatiques au chômage auraient certainement la gâchette facile.

Les combattants des brigades des Fatimides et Zeinabiyoun sont plus efficaces dans le rétablissement de l’ordre public interne, car les deux entités sont directement dirigées par des officiers du CGRI. En dépit de leur motivation et de leur engagement, ils auront toutefois de sérieux handicaps. Le manque de maîtrise du persan constituera un obstacle à la communication et limitera les capacités, en particulier pour les combattants de Zeinabiyoun. La chasse aux combattants de la guérilla en Syrie est différente de la surveillance des rues iraniennes et de la recherche de manifestants pacifiques qui disparaissent dans leurs propres rues et maisons. Leur ignorance de la géographie locale et des nuisances urbaines particulières limiterait les activités de ces «gardiens de la paix» étrangers. Si jamais ils sont pris pour cible par les manifestants, le déploiement de combattants étrangers déclencherait également une rage ethnique.

Avec le rappel des combattants étrangers, le pire cauchemar du régime iranien pourrait devenir réalité: que son usage excessif de la force entraîne des représailles. L’opposition pourrait prendre les armes ou certains membres du personnel de sécurité pourraient se joindre aux manifestants, comme cela a été le cas en Syrie. Bien que cela semble le scénario le moins probable pour le moment, l’Iran se préparera à des batailles sanglantes dans ses villes centrales, ainsi qu’au Sistan, au Balouchistan et à Ahwaz, et dans les régions kurdes et les provinces du nord-ouest dominées par les Azéris. Ces conditions nécessiteraient le recours à tous les moyens disponibles pour reprendre le contrôle total. Dans cette situation improbable, les religieux déploieraient tous les militants chiites de confiance et endoctrinés.

Comment le Pakistan réagirait-il si l’Iran choisissait de réactiver et de rappeler ses mercenaires de la brigade Zeinabiyoun? Le Pakistan souffre depuis longtemps des effets de l’instabilité en Afghanistan et une situation similaire en Iran serait trop explosive pour sa sécurité intérieure. Même si les militants étaient rappelés en tant que pèlerins ou simples visiteurs, Islamabad choisirait très probablement de fermer la frontière, tout en adressant des messages sévères par voie diplomatique.

«Ces hommes sont endoctrinés de manière à sacrifier leur vie pour la préservation de la prétendue révolution islamique.» - Dr Mohammed al-Sulami

Le gouvernement afghan dirigé par les talibans pourrait réagir de manière plus conflictuelle. Le groupe reste méfiant vis-à-vis des intentions sectaires de l’Iran et de son influence dans les territoires afghans. Kaboul pourrait opter pour des mesures plus radicales, comme les arrestations préventives ou les opérations militaires dans les districts et les villages frontaliers de l’Iran.

Les manifestations en cours peuvent prendre n'importe quelle tournure. Le Guide suprême, Ali Khamenei, et le CGRI n’épargneront aucune ressource pour tenir d’une main de fer le peuple iranien. Il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais il est juste d’affirmer que les pays voisins de l’Iran peuvent éviter le débordement des troubles de Téhéran en gardant leurs institutions et leurs citoyens à l’abri de ses désordres internes persistants.

 

Le Dr Mohammed al-Sulami est directeur de l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah).

Twitter: @mohalsulami

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.