Un certain nombre de journaux et de sites Internet iraniens, en particulier ceux qui se situent à l'extrémité la plus "modérée" du spectre, ont publié des articles appelant le nouveau président élu, Masoud Pezeshkian, à choisir Riyad comme destination de sa première visite officielle à l'étranger.
Ils l'invitent à profiter de l'occasion pour bénéficier de la diplomatie saoudienne, qui s'est avérée efficace pour apaiser les tensions dans la région. Ces appels interviennent dans un contexte d'appréhension croissante suite à l'assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, le 31 juillet, lors d'une visite à Téhéran pour assister à la cérémonie de prestation de serment du nouveau président.
Deux articles particulièrement significatifs ont été publiés simultanément sur des plateformes iraniennes associées à des attitudes plus modérées. Le premier était un éditorial publié par Iran Diplomacy, un site web affilié au ministère des affaires étrangères, et titré : "Au milieu des tensions régionales, tester au moins une fois la diplomatie avec l'Arabie saoudite".
Il a été rédigé par Sayyed Mohammed Hossein Malaek, ancien ambassadeur d'Iran en Suisse et en Chine, qui a écrit : "Je suggère que l'administration de Pezeshkian abandonne l'approche classique de la politique étrangère et envisage une nouvelle stratégie".
Plus précisément, il propose que le président, qui n'a pas encore formé son cabinet, organise rapidement une visite officielle à Riyad et discute avec les dirigeants du Royaume de la situation régionale actuelle et des solutions possibles aux problèmes. Il affirme qu'une diplomatie efficace et des accords avec les Saoudiens pourraient apporter des avantages significatifs, compte tenu de l'influence substantielle et pragmatique du Royaume sur Israël et les États-Unis, par rapport à celle de nombreux autres pays.
M. Malaek a ajouté : "Jusqu'à présent, on a demandé à l'Arabie saoudite de s'aligner sur nos positions très radicales, ce qui a non seulement échoué mais s'est retourné contre nous. Cette fois, il est possible d'exercer une pression sur les politiques radicales d'Israël et des États-Unis en se coordonnant avec l'Arabie saoudite dans le cadre de la coopération dans toute la région".
Les appels à l'Arabie saoudite pour qu'elle joue le rôle de médiateur dans les relations de l'Iran avec le monde, en particulier avec des États-Unis potentiellement gouvernés par Trump, ne sont pas entièrement nouveaux.
-Mohammed Al-Sulami
Le deuxième article présente le Dr Ali Bigdeli, universitaire de renom et professeur de sciences politiques à l'université Shahid Beheshti. Dans une interview accordée au journal Setareh Sobh, il a proposé que M. Pezeshkian choisisse l'Arabie saoudite et l'Égypte comme ses deux premières destinations pour ses visites officielles. Il a souligné l'importance d'une lettre envoyée par le roi Salman à M. Pezeshkian, dans laquelle le souverain saoudien suggère que l'Iran a besoin d'un ami dans la région plutôt que d'un adversaire.
M. Bigdeli avait déjà exprimé cette opinion auparavant. Dans un article publié par le journal iranien Arman Melli, il a évoqué l'assassinat de Haniyeh et les tensions entre l'Iran et d'autres pays de la région et du monde, et a déclaré : "Récemment, le roi Salman a écrit une lettre à M. Pezeshkian. Si j'étais à la place de M. Mohammed Javad Zarif, l'assistant du président pour les affaires stratégiques, je recommanderais au président Pezeshkian d'effectuer sa première visite à l'étranger en Arabie saoudite, afin de détendre l'atmosphère, dans une certaine mesure."
Les appels à l'Arabie saoudite pour qu'elle joue le rôle de médiateur dans les relations de l'Iran avec le monde, en particulier avec des États-Unis potentiellement gouvernés par Trump, ne sont pas entièrement nouveaux. Plusieurs personnalités iraniennes ont proposé des idées similaires avant les tensions les plus récentes résultant de l'assassinat de Haniyeh, alors que l'élection présidentielle américaine de novembre se profilait à l'horizon et, avec elle, la possibilité d'une victoire de Trump.
Ces appels reflètent également une prise de conscience de la capacité de Riyad à coordonner avec Washington un éventuel assouplissement des sanctions économiques contre Téhéran, ou à obtenir des exceptions permettant aux entreprises saoudiennes d'établir des relations économiques, commerciales et d'investissement avec l'Iran sans s'exposer à des pénalités dans le cadre des sanctions américaines. Cela ne profiterait pas seulement à l'Iran sur le plan économique, mais contribuerait également à améliorer les relations avec d'autres pays du voisinage arabe, notamment l'Égypte, la Jordanie et le Bahreïn.
Pour l'instant, cependant, le comportement de Téhéran dans la région, en particulier sa position sur la réconciliation yéménite, qui est dans l'impasse, sera un indicateur essentiel de ses intentions.
- Mohammed Al-Sulami
Après la mort du président iranien Ebrahim Raisi et du ministre des affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian dans un accident d'hélicoptère en mai, qui avaient tous deux contribué aux premiers pas vers la normalisation des relations avec Riyad, l'Arabie saoudite a franchi trois étapes importantes sur la voie de l'instauration de la confiance avec Téhéran, initiée par un accord parrainé par la Chine sous l'égide de M. Raisi.
Les Saoudiens ont participé aux cérémonies de deuil de Raisi et d'Abdollahian. Ils ont également envoyé une délégation à l'investiture de M. Pezeshkian, au cours de laquelle un membre du cabinet saoudien, le prince Mansour bin Mutaib, a remis la lettre du roi Salman au nouveau président iranien. Le prince héritier Mohammed bin Salman a appelé M. Pezeshkian après l'investiture pour discuter des relations bilatérales et des développements régionaux et internationaux.
La question est maintenant de savoir si les récentes initiatives d'ouverture découlent d'une véritable conviction parmi les factions plus pragmatiques en Iran qu'une réévaluation de la politique étrangère, en particulier en ce qui concerne les nations voisines telles que l'Arabie saoudite, est un impératif.
Une telle réévaluation pourrait potentiellement tirer parti des vastes initiatives de développement et de réforme de l'Arabie saoudite pour atténuer les pressions sur l'Iran et faciliter un changement d'approche de la part de Téhéran.
Par ailleurs, ces appels pourraient n'être que des réactions impulsives de la part de ceux qui craignent que certaines factions au sein de l'Iran, en particulier les partisans de la ligne dure, n'aient l'intention d'entraver le nouveau gouvernement. Ces craintes s'expliquent par la proximité des partisans de la ligne dure avec le guide suprême Ali Khamenei et par leurs tentatives de saper les efforts déployés par les modérés pour lui démontrer que l'Iran peut encore surmonter avec succès les crises internes et externes malgré la baisse de popularité du régime, comme en témoigne le faible taux de participation aux récentes élections législatives et présidentielles.
L'avenir nous dira ce qu'il en est. En réalité, la priorité pour l'Iran pourrait bien être de renforcer ses liens avec les pays voisins avant de renouer avec l'Occident.
Pour l'instant, cependant, le comportement de Téhéran dans la région, en particulier sa position sur la réconciliation yéménite, qui est dans l'impasse, sera un indicateur essentiel de ses intentions.
Quant à l'Arabie saoudite, il est certain que ses dirigeants accueilleraient favorablement une visite du nouveau président iranien et soutiendraient Téhéran s'ils perçoivent que les autorités de ce pays sont réellement désireuses d'améliorer les relations cette fois-ci.
Ce soutien dépendrait de la volonté de l'Iran de servir les intérêts de la région, de promouvoir la résolution des conflits et d'œuvrer au renforcement de ses relations avec les pays voisins.
Ces aspirations se heurteront toutefois à des difficultés si les politiques régionales de Téhéran restent inchangées. Un nouveau chapitre des relations ne peut s'ouvrir qu'avec des mesures tangibles prises par l'Iran, notamment en ce qui concerne la crise au Yémen et la situation en Irak.
-Mohammed Al-Sulami est le fondateur et le président de l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah).
X : @mohalsulami
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com