Ce voyage du président Macron en Algérie vient-il à son heure pour tourner la page des tensions franco-algérienne provoquées par les déclarations à l'emporte-pièce qu'il avait tenues à Paris en octobre 2021 devant un groupe de jeunes dont les familles avaient toutes vécu la guerre d'Algérie dans la douleur, dénonçant un «système politico-militaire algérien» qui entretiendrait une «rente mémorielle» fondée sur «la haine de la France»? Telle est bien la question.
Depuis lors, la politique des petits pas a permis d'apaiser le climat entre les pays. Il y a eu la reconnaissance par le président français des responsabilités dans l'assassinat du mathématicien Maurice Audin, puis de l'avocat algérien Ali Boumendjel. Il y a eu aussi la condamnation de la répression violente de la manifestation des Algériens à Paris d'octobre 1961 et du massacre de la rue d'Isly, à Alger, en mars 1962. Il y a eu enfin la relance du groupe de travail franco-algérien sur les essais nucléaires effectués au Sahara entre 1960 et 1966.
Du côté algérien, l'ambassadeur est revenu à Paris, les vols militaires français ont de nouveau été autorisés. Enfin, le président Tebboune a reçu Benjamin Stora, auteur d'un rapport controversé sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie. Bref, à Paris, alors que le président Macron continue d'attacher beaucoup d'importances à cette affaire du passif mémoriel entre les deux peuples, on semble cependant considérer qu'il faudra désormais s'adresser pour cela directement à la jeunesse algérienne, ce qui veut dire, au moins implicitement, qu'il n'y a pas grand-chose à attendre sur ce terrain des autorités algériennes, et peut-être même qu'il vaudrait mieux lever le pied…
En revanche, avec ces mêmes autorités, le président français juge indispensable de reprendre langue sur les sujets concrets qui relèvent des relations d'État à État. C'est le sens de ce voyage et c'est pourquoi il sera accompagné par une importante délégation gouvernementale. Les deux présidents auront deux entretiens où seront évoquées les questions de sécurité régionale, tant au Sahel qu'en Méditerranée, les relations économiques bilatérales, l'approvisionnement de l'Europe en gaz algérien, et la question clé des visas, dont le nombre a été drastiquement réduit par la France en réponse au refus d'Alger de prendre en charge ses ressortissants expulsés par Paris.
En réalité, tous ces sujets sont autant de sources de difficultés entre les deux pays, et personne ne se fait beaucoup d'illusions sur les résultats à attendre de la visite présidentielle française. À Paris, on apprécie la relation personnelle qu'Emmanuel Macron entretient avec son homologue algérien, «avec lequel le courant passe bien». Mais le poids des malentendus entre les deux systèmes est tel qu'il en faudra davantage pour que les choses changent vraiment. Le dernier incident le montre bien: en mai, le voyage à Alger d'une délégation du patronat français (le Medef) a mal tourné, les autorités algériennes n'ayant pas apprécié que les Français aient gardé un contact, même limité, avec le partenaire algérien historique du Medef, alors que le pouvoir soutient un nouveau syndicat patronal! Entre Alger et Paris, tout est décidément bien compliqué.
Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.
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