À la fin de juillet 2022, alors que le réchauffement climatique provoque des incendies ravageurs en Europe et aux États-Unis, que la guerre en Ukraine relance une crise des approvisionnements énergétiques, la diplomatie internationale s’active. Notamment avec le retour d’un pays: l’Arabie saoudite, et d’un prince, Mohammed ben Salmane.
La question énergétique au centre des inquiétudes européennes repositionne le Royaume comme acteur incontournable du nouvel ordre mondial d’après Covid. En avril et juin derniers, à Ankara, Mohammed ben Salmane rencontrait le Turc Erdogan, il était en Grèce le 26 juillet et en France le 28.
C’est sa première visite dans l'Union européenne depuis 2018 alors que les relations avec Washington s’étaient envenimées. Aujourd’hui, exit le passé. La visite du prince héritier intervient juste après celle à Riyad du président Joe Biden où les différends ont été effacés.
L’approvisionnement en pétrole et en gaz de l’Europe est devenu une urgence politico-économique critique et si Vladimir Poutine est au cœur de ce dérèglement, Mohammed ben Salmane en est l’une des issues. Le prince héritier a rencontré les dirigeants grecs et français en position de force. À Athènes, il a signé des accords sur les transports maritimes, l'énergie, la défense, la gestion des déchets et la culture. Le projet d'installation d'un câble électrique entre les deux pays permettra de fournir à l'Europe une énergie beaucoup moins chère, selon les experts.
L’approvisionnement en pétrole et en gaz de l’Europe est devenu une urgence politico-économique critique et si Vladimir Poutine est au cœur de ce dérèglement, Mohammed ben Salmane en est l’une des issues.
La coopération prévoit aussi de transformer la Grèce en «plaque tournante de l'Europe» pour les technologies de l’hydrogène et, au-delà, d’en faire «une plaque tournante régionale entre l'Europe et l'Asie». Les ambitions sont grandiloquentes, mais dans l’immédiat, l’urgence… presse.
Les Occidentaux veulent convaincre le premier exportateur de pétrole du monde d'ouvrir les vannes, alors que l’Arabie a scellé un engagement dans une alliance pétrolière avec Moscou. Sixième richesse mondiale de gaz, elle a de solides partenariats avec la Russie tel le projet de gaz naturel en Sibérie piloté par le groupe russe Novatek. Ça bouge dans la diplomatie mondiale et le royaume saoudien, courtisé (les délégations officielles se bousculent à Riyad), veut jouer dans la nouvelle ère bien au-delà de la crise ukrainienne.
La dix-neuvième puissance économique mondiale a initié une feuille de route économique très ambitieuse pour relancer sa croissance. Sa compagnie pétrolière Aramco, qui a enregistré la plus grosse introduction en bourse de l’histoire, devant celle du géant chinois Alibaba, à New York, en 2014 (25 milliards de dollars), va exploiter le plus grand gisement de gaz qui lui permettra d’être leader mondial.
Le prince héritier entend booster son spectaculaire plan de transformation, «Vision 2030», qui prévoit l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique, libéral, plus inclusif, notamment pour les femmes, créateur d'emplois et de richesses hors des hydrocarbures
Des atouts financiers grâce auxquels Mohammed ben Salmane compte se positionner en force, doté d’un nouvel argument diplomatique: l’arme économique. De quoi faire rêver des partenaires, dans une économie mondiale encore fragilisée par la crise de la Covid-19.
Le prince héritier annonce de grandes réformes structurelles, une diversification de ses activités dans des secteurs stratégiques au cœur de la transition énergétique et des grandes mutations technologiques. Il entend booster son spectaculaire plan de transformation, «Vision 2030», lancé en 2016, qui prévoit l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique, libéral, plus inclusif, notamment pour les femmes, créateur d'emplois et de richesses hors des hydrocarbures.
Les nouveaux pôles de développement seront susceptibles de générer à l'horizon 2030 des recettes équivalentes à celles qui sont actuellement tirées du pétrole: 250 milliards de dollars. En misant sur un doublement de son PIB, Mohammed ben Salmane affichait sa détermination à transformer radicalement l'économie et la société saoudienne en s’affranchissant de sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures: 42% du PIB, 70% des revenus et 90% des exportations. Une révolution.
Certes, «Vision 2030» a accusé le choc de la crise sanitaire, mais les moyens sont là, mobilisés, pour que l’Arabie devienne en dix ans un acteur majeur dans les secteurs des énergies renouvelables, du tourisme, (cent millions de visiteurs espérés en 2030), avec la création d’un monumental marché du divertissement (huit milliards de dollars), d'une industrie de défense de pointe grâce aux transferts de technologie, d’une industrie manufacturière et minière, des nouvelles technologies...
Toutes les filières d'avenir sont au cœur de la stratégie de transformation du royaume: sécurité alimentaire, villes intelligentes, biotechnologies, intelligence artificielle, infrastructures logistiques et aéroportuaires d'envergure.
Pour réaliser sa «Vision 2030», la première puissance pétrolière mondiale, au carrefour de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe, s’appuie sur un atout maître: le PIF, (Public Investment Fund), un fonds souverain d’investissement de 2 000 milliards de dollars. Il est en voie de devenir le premier fonds de la planète avec 10% des actifs mondiaux. Il y a peu, il a pris des participations dans Starbucks, Marriot, Disney, Boeing, City group et Facebook, mais aussi dans l'allemand Signa Sports, le néerlandais TMF Group et racheté le club de football de Newcastle.
Avec ce PIF, Riyad entend bâtir de grandes entreprises nationales de référence à côté d’Aramco, premier exportateur mondial de pétrole, dans le transport, les mines, les énergies renouvelables, le numérique et l’automobile.
Le secteur culturel n’est pas en reste dans ce nouveau futur. L’Arabie y a des atouts à faire valoir. Elle est candidate pour accueillir l’Exposition universelle en 2030. Au cours de la dernière édition 2020, son pavillon avait été primé comme meilleur lieu d’exposition.
Des atouts financiers grâce auxquels Mohammed ben Salmane compte se positionner en force, doté d’un nouvel argument diplomatique: l’arme économique. De quoi faire rêver des partenaires, dans une économie mondiale encore fragilisée par la crise de la Covid-19.
Le prince héritier annonce de grandes réformes structurelles, une diversification de ses activités dans des secteurs stratégiques au cœur de la transition énergétique et des grandes mutations technologiques. Il entend booster son spectaculaire plan de transformation, «Vision 2030», lancé en 2016, qui prévoit l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique, libéral, plus inclusif, notamment pour les femmes, créateur d'emplois et de richesses hors des hydrocarbures.
Les nouveaux pôles de développement seront susceptibles de générer à l'horizon 2030 des recettes équivalentes à celles qui sont actuellement tirées du pétrole: 250 milliards de dollars. En misant sur un doublement de son PIB, Mohammed ben Salmane affichait sa détermination à transformer radicalement l'économie et la société saoudienne en s’affranchissant de sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures: 42% du PIB, 70% des revenus et 90% des exportations. Une révolution.
Certes, «Vision 2030» a accusé le choc de la crise sanitaire, mais les moyens sont là, mobilisés, pour que l’Arabie devienne en dix ans un acteur majeur dans les secteurs des énergies renouvelables, du tourisme, (cent millions de visiteurs espérés en 2030), avec la création d’un monumental marché du divertissement (huit milliards de dollars), d'une industrie de défense de pointe grâce aux transferts de technologie, d’une industrie manufacturière et minière, des nouvelles technologies...
Toutes les filières d'avenir sont au cœur de la stratégie de transformation du royaume: sécurité alimentaire, villes intelligentes, biotechnologies, intelligence artificielle, infrastructures logistiques et aéroportuaires d'envergure.
Pour réaliser sa «Vision 2030», la première puissance pétrolière mondiale, au carrefour de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe, s’appuie sur un atout maître: le PIF, (Public Investment Fund), un fonds souverain d’investissement de 2 000 milliards de dollars. Il est en voie de devenir le premier fonds de la planète avec 10% des actifs mondiaux. Il y a peu, il a pris des participations dans Starbucks, Marriott, Disney, Boeing, City group et Facebook, mais aussi dans l'allemand Signa Sports, le néerlandais TMF Group et a racheté le club de football de Newcastle.
Avec ce PIF, Riyad entend bâtir de grandes entreprises nationales de référence à côté d’Aramco, premier exportateur mondial de pétrole, dans le transport, les mines, les énergies renouvelables, le numérique et l’automobile.
Actuellement, parmi d’autres, l’un des projets le plus spectaculaire s’appelle «Neom», contraction du grec «néo» et de la lettre «M» pour Mostaqbal («futur», en arabe). Tout un programme pour la cité du «Nouveau Futur», à la pointe des technologies et de la performance environnementale. Il est évalué à 500 milliards de dollars. Elle assurera à l'Arabie un rayonnement commercial et économique mondial, en misant sur l'énergie, l'eau, l’agroalimentaire, le digital, le divertissement et la culture. Neom, projet de soft power, est pharaonique, un condensé de l’industrie d’un futur que veut incarner le royaume: énergie solaire, biotechnologies, ultraconnectivité…
Le secteur culturel n’est pas en reste dans ce nouveau futur. L’Arabie y a des atouts à faire valoir. Elle est candidate pour accueillir l’Exposition universelle en 2030. Au cours de la dernière édition 2020, son pavillon avait été primé comme meilleur lieu d’exposition.
L’an dernier, les investisseurs étrangers ont entendu et retenu le mot arabe, Mahraba, «bienvenue», pour participer à l’élaboration de l’Arabie de la prochaine décennie. C’était lors de la cinquième édition du forum «Davos du désert». Mohammed ben Salmane accueillait des leaders de la finance et de la nouvelle économie du monde avec une ambition: s'imposer comme un acteur incontournable de l'économie régionale et mondiale post-Covid-19. C’est ce dont débattront le prince et Emmanuel Macron à l’Élysée, le palais où, la semaine dernière, le président français accueillait son homologue des Émirats arabes unis. Un accord était conclu entre le géant français de l'énergie TotalEnergies et la compagnie pétrolière émiratie pour l'approvisionnement en énergie. La guerre réactive toujours le monde des affaires.
Azouz Begag est écrivain et ancien ministre (2005-2007), chercheur en économie et sociologie. Il est chargé de recherche du CNRS.
Twitter: @AzouzBegag
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.