Législatives: coup de barre à gauche?

Le chef du parti de gauche français La France Insoumise (LFI), le député et le chef de la coalition de gauche Nupes (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale) Jean-Luc Melenchon s'adresse à ses partisans dans un hall du lieu de réunion (Photo par Sameer Al-DOUMY / AFP).
Le chef du parti de gauche français La France Insoumise (LFI), le député et le chef de la coalition de gauche Nupes (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale) Jean-Luc Melenchon s'adresse à ses partisans dans un hall du lieu de réunion (Photo par Sameer Al-DOUMY / AFP).
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Publié le Jeudi 09 juin 2022

Législatives: coup de barre à gauche?

Législatives: coup de barre à gauche?
  • L’alliance formée par et autour de Jean-Luc Mélenchon confirme sa poussée, sondage après sondage
  • L’absence de campagne et de réaction dans le camp de M. Macron risque de coûter au président une majorité et donc de l’empêcher de gouverner

L’alliance formée par et autour de Jean-Luc Mélenchon confirme sa poussée, sondage après sondage, et semble en mesure non seulement d’inquiéter Emmanuel Macron, mais, pourquoi pas, de l’empêcher de disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale française.  

Cette poussée est le résultat de plusieurs facteurs et d’abord du très bon score de M. Mélenchon à l’élection présidentielle, qui s’est positionné en leader d’une gauche qui a su agréger des électorats très différents.  

On retrouve aussi le sens politique aigu de Jean-Luc Mélenchon qui, en proclamant vouloir être «élu Premier ministre» dès le lendemain de l’élection présidentielle, a monopolisé l’attention sur lui et redonné un certain intérêt aux élections législatives.

Ensuite, fort de ce score qui l’a mis en position de force dans la négociation, il a su former cette alliance, qui porte le nom de «Nouvelle Union populaire écologique et sociale» (Nupes) et qui contribue à renforcer encore cette agrégation d’électorats. 

On retrouve aussi le sens politique aigu de Jean-Luc Mélenchon qui, en proclamant vouloir être «élu Premier ministre» dès le lendemain de l’élection présidentielle, a monopolisé l’attention sur lui et redonné un certain intérêt aux élections législatives. Ces élections, depuis l’avènement du quinquennat, ont lieu quelques semaines après la présidentielle et n’ont jusqu’à présent eu pour objectif que de donner une majorité au président élu. 

Or, tout ne se passe pas comme prévu pour Emmanuel Macron. Sa victoire en demi-teinte contre Marine Le Pen ne l’a pas renforcé dans l’opinion et il y a toujours cette impression de distance avec l’électorat populaire voire de déconnexion avec les Français qui lui reprochent parfois un manque d’empathie et lui trouvent un côté technocrate qui ne joue pas en sa faveur.  

Enfin, s’il est une situation dans laquelle le Français n’aime pas se retrouver, c’est lorsque ses carences se retrouvent exposées au monde entier. Les événements du Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions de football ont montré à l’Europe entière que des bandes organisées de jeunes délinquants et de migrants avaient terrorisé les supporters des deux clubs finalistes sous le regard impuissant de la police et des services de sécurité.  

Le comportement plus qu’ambigu des policiers ce soir-là et la réaction publique maladroite du ministre de l’Intérieur et de sa collègue des sports ont exposé l’incapacité française de gérer de tels événements au regard du reste du monde. C’est un sentiment de honte, qui risque de se matérialiser dans les urnes, qui traverse l’opinion française. 

Les onze circonscriptions des Français de l’étranger, dont le premier tour a lieu une semaine avant le reste des Français, ont rendu leur verdict et il n’est pas bon pour les candidats soutenant le président sortant. Dans la quasi-totalité de ces circonscriptions où l’électorat est privilégié socialement, le candidat de la Nupes talonne ou dépasse celui de la majorité.  

Il est toutefois complexe de réaliser des projections tant le système français par circonscription dépend du contexte local et surtout, la participation aux élections des députés des Français de l’étranger est toujours très faible

Le deuxième tour risque de voir quelques élus de gauche ravir leurs sièges aux députés sortants ce qui, compte tenu des caractéristiques économiques des Français résidant hors de France, a des accents de camouflet qui va bien au-delà de la claque infligée à l’ancien Premier ministre, Manuel Valls, incapable de se qualifier pour le second tour dans la circonscription où il avait été parachuté. 

Il est toutefois complexe de réaliser des projections tant le système français par circonscription dépend du contexte local et surtout, la participation aux élections des députés des Français de l’étranger est toujours très faible. Toutefois, en 2017, les soutiens du président de la république avaient rassemblé 52 % des voix au premier tour; on ne décomptait plus que 35,6 % des suffrages dimanche dernier en faveur des candidats de la majorité. Ils ont donc reculé d’un tiers et, si cette proportion se vérifie dimanche pour le reste de la France, le pari de Jean-Luc Mélenchon pourrait bien être gagnant.  

L’absence de campagne et de réaction dans le camp de M. Macron risque de coûter au président une majorité et donc de l’empêcher de gouverner. En ces temps d’instabilité où tout se joue sur la réactivité et la promptitude à répondre aux défis d’ordre mondiaux auxquels la France est confrontée, cette situation pourrait encore renforcer l’impression que, décidément, la France est un pays impossible à réformer. 

Arnaud Lacheret est Docteur en science politique, Associate Professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe. 

Ses derniers livres : « Femmes, musulmanes, cadres... Une intégration à la française » et « La femme est l’avenir du Golfe » parus aux éditions Le Bord de l’Eau.

Twitter: @LacheretArnaud

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.