L'accord sur le nucléaire se trouve dans une impasse. L'Iran a placé la barre très haut et rendu impossible un retour à l'accord, et il y a donc peu de chances que de l'argent afflue de sitôt en Iran. Par ailleurs, la crise économique est à son paroxysme et les gens manifestent dans les villes iraniennes en raison d'une forte augmentation des prix des denrées alimentaires. Comment l'Iran se comportera-t-il face à un mécontentement populaire interne et à un échec régional croissant?
Financièrement, l'Iran est épuisé et doit redoubler d’efforts sur le plan interne. Non que le régime ait atteint le point de rupture, mais le système est épuisé. Le système financier, semblable au système libanais où les gens mettaient leur argent à la banque en échange d'un taux d'intérêt élevé, ne fonctionne plus. Les gens ne mettent plus leur argent à la banque, m'a dit une de mes sources iraniennes, et l'Iran se trouve techniquement toujours sous une pression maximale.
Au niveau régional, le programme iranien a atteint son niveau maximum. Il n'y a plus grand chose à investir. Ce qui s’est passé au Liban est une continuation de ce qui s'est passé en Irak et ce qui se passera au Liban sera similaire à ce qui se passe en Irak. L'Iran a perdu la majorité, et puisqu'il ne peut avoir de gouvernement qu'il puisse contrôler, il va pousser vers une impasse. Par le biais du Hezbollah et de son allié chiite, le mouvement Amal, le camp pro-iranien a obtenu les 27 sièges chiites.
Cependant, l'Iran et le régime d'Assad ont perdu des alliés dans d'autres groupes. Par conséquent, l'Iran est plus isolé à l'intérieur du Liban. Le taux de change du dollar américain par rapport à la livre libanaise a connu une hausse immédiatement après les élections, car tout le monde s'attendait à ce que le pays se dirige vers un gouvernement intérimaire qui ne serait pas en mesure de mener des réformes ou de conclure un accord avec le Fonds monétaire international.
Cependant, cette politique n'est pas durable. L'Iran, actuellement confronté à des difficultés financières et à l'épuisement politique de ses représentants, cherche à gagner du temps.
L'accord sur le nucléaire peut sauver le régime. Celui-ci a besoin d'argent même si l'accord sur le nucléaire n'est pas durable. Il n'y a aucun moyen qu'un accord nucléaire puisse être ratifié par le Congrès américain même si l'administration de Joe Biden adhère à l'accord nucléaire, ce qui devient de plus en plus improbable. Rien ne garantit qu'il ne sera pas rejeté par la prochaine administration, et il y a de fortes chances que la prochaine administration soit républicaine.
Le meilleur scénario pour l'Iran est de signer l'accord sur le nucléaire et d'essayer d'obtenir le plus d'argent possible.
Dr Dania Koleilat Khatib
Le meilleur scénario pour l'Iran est de signer l'accord sur le nucléaire et d'essayer d'obtenir le plus d'argent possible au cours des deux prochaines années, tout en se préparant à un éventuel retournement. Mais la condition posée par l'Iran, à savoir retirer le Corps des gardiens de la révolution de la liste terroriste, rend les négociations impossibles. Sauver la face est très important pour les deux parties.
Les États-Unis ne peuvent pas donner l'impression qu'ils se sont inclinés devant l'Iran, et l'Iran ne peut pas donner l'impression qu'il a échangé ses «principes» contre certains avantages. Il est donc difficile pour l'Iran de revenir sur les conditions qu'il a mises en avant. Puisqu'il ne peut plus investir dans ses forces supplétives, il tentera de consolider ses acquis politiques. Étant donné qu'il a perdu la majorité au Liban et en Irak, il y bloquera la formation de gouvernements sur lesquels il n'exerce aucun contrôle.
D'un autre côté, il dispose de plus d'espace pour opérer en Syrie en raison du repli russe. Cependant, cela le rendra plus exposé aux frappes d'Israël. Israël avait un accord avec la Russie selon lequel il pouvait frapper des cibles iraniennes et maintenir l'Iran circonscrit à l'intérieur de la Syrie.
Avec leur garant désormais quasiment absent, les Israéliens auront à se montrer plus agressifs avec l'Iran en Syrie. Avec la disparition de la Russie, le régime de Bachar al-Assad est en danger, tout comme la présence iranienne, d'autant plus que la Turquie y gagne en influence. La guerre en Ukraine a permis au président turc, Recep Tayyip Erdogan, de jouer le rôle de médiateur dont l'Otan et les États-Unis avaient besoin, de même que la Russie. Si la Turquie fait pression sur le président russe, Vladimir Poutine, pour qu'il renonce à Assad, qu'en sera-t-il de la présence iranienne au Levant? Quelle en sera la conséquence pour le Hezbollah?
Le Hezbollah est le principal représentant de l'Iran. Par conséquent, l'Iran se trouve dans une situation précaire sur son territoire et à l'étranger et doit faire des calculs minutieux. Ce n'est pas le moment de se battre avec qui que ce soit. Il essaiera très probablement de consolider ses acquis politiques en utilisant le droit de veto pour bloquer tout processus politique à moins que les groupes pro-iraniens n'aient un certain niveau de contrôle. Cependant, l'impasse est un jeu dangereux car elle peut conduire au chaos. L'Iran est acculé. Il a une influence décroissante et doit donc agir habilement.
Est-ce la fin du régime? Pas vraiment, mais le projet iranien a atteint son apogée et se trouve sur la pente descendante. Son influence se réduit lentement et il est peu probable que l'Iran, si tous les facteurs sont les mêmes, puisse assurer davantage de fonds à ses représentants. Assad s'est récemment rendu en Iran pour demander plus de soutien. Il est peu probable que l'Iran puisse engager davantage de fonds si l'accord sur le nucléaire n'est pas signé.
S'il est signé, l'accord sur le nucléaire peut aider le régime iranien. Mais, comme mentionné précédemment, l'Iran s'est tiré une balle dans le pied en fixant des conditions sur lesquelles il ne peut pas revenir. Aussi verrons-nous, dans la période à venir, davantage d'impasses politiques et une détérioration de la situation économique, notamment au Liban. La réconciliation arabo-turque n'est pas non plus dans l'intérêt de Téhéran.
Face à cette pression et à la crise économique, l'Iran tentera très probablement de maintenir le statu quo. Dans les pays où il a de l'influence, comme au Yémen, en Syrie, en Irak et au Liban, nous verrons une stagnation. À moins qu'il n'y ait certains bouleversements, il est peu probable de voir la formation de gouvernements au Liban et en Irak, et il est peu probable que nous parvenions de sitôt à une solution en Syrie et au Yémen.
Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur le processus Track II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com