L'effet de levier et la dynamique politique dans les négociations sur l'accord nucléaire iranien semblent évoluer en faveur de la République islamique. Voilà qui pourrait avoir de graves répercussions sur la paix et la sécurité dans la région.
Au début des négociations nucléaires, les États-Unis et les E3 (Royaume-Uni, France et Allemagne) avaient une influence considérable sur le régime iranien. En effet, l'establishment théocratique était plus désespéré que toute autre partie pour relancer le Plan d'action global conjoint, également connu sous le nom d'«Accord sur le nucléaire iranien».
D’un point de vue économique, le régime était à plat et il avait besoin de relancer l'accord nucléaire. Ses exportations de pétrole sont tombées à environ 200 000 barils par jour (bpj) et il se trouve confronté à un énorme déficit budgétaire. Il a même exigé que les États-Unis débloquent 10 milliards de dollars (1 dollar = 0,96 euro) d'actifs gelés pour relancer les négociations nucléaires. Enfin, il lui était extrêmement difficile de financer et de parrainer son vaste réseau de milices et de groupes terroristes à travers le Moyen-Orient.
Mais la Chine n'a cessé d'augmenter ses importations de pétrole en provenance d'Iran, atteignant près d'1 million de bpj, et les prix mondiaux du pétrole ont augmenté. Le régime iranien exporterait désormais plus d’1,5 million de bpj. Cela signifie qu'il exporte environ 80% du total qu'il exportait avant que les États-Unis n'imposent des sanctions, en 2018. L'Iran dépend fortement des revenus de ses exportations de pétrole, car sa vente représente plus de 50% des revenus d'exportation du régime. En outre, l'Union européenne (UE) n'a pas encore rejoint les États-Unis pour imposer des sanctions au régime iranien. En réalité, les pays européens continuent de commercer avec Téhéran, malgré les sanctions américaines.
En ce qui concerne la position de l'UE et son influence dans les négociations nucléaires, il semble que les calculs politiques de ses dirigeants aient changé. La semaine dernière, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé que les pays de l'UE ne prévoyaient pas d'acheter du pétrole russe après la fin de 2022. Le Royaume-Uni prévoit également d'arrêter progressivement les importations de pétrole russe d'ici à la fin de l'année. L'UE semble désormais se tourner vers l'Iran. Le chef de la politique étrangère du bloc, Josep Borrell, a déclaré au Financial Times la semaine dernière: «Nous, Européens, serons les grands bénéficiaires de cet accord nucléaire; la situation a maintenant changé.» Nous n’avions pas besoin du brut iranien. Maintenant, il serait très intéressant pour nous d'avoir un autre fournisseur.»
En dévoilant sa stratégie, l'UE donne malheureusement du galon aux religieux au pouvoir en Iran et leur donne le dessus dans les négociations nucléaires, qu'ils exploiteront pour obtenir davantage de concessions. Le désespoir de l'Europe est synonyme de faiblesse pour le régime iranien. En outre, l'UE laisse entendre qu'elle considère l'accord nucléaire essentiellement d'un point de vue économique. Mais cela ne devrait pas être l'objectif des négociations nucléaires. L'UE devrait plutôt chercher à conclure un accord solide qui empêchera le régime iranien d'acquérir des armes nucléaires.
En outre, la déclaration de M. Borrell a renforcé la détermination du régime iranien à s'attacher à sa principale revendication, le retrait du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) et de sa force Al-Qods de la liste des terroristes établie par les États-Unis. La désignation de l’IRGC comme organisation terroriste étrangère n'a rien à voir avec le programme nucléaire iranien, mais elle est plutôt liée à ses activités terroristes dans le monde entier.
L'administration Biden et l'UE ne doivent pas céder aux exigences des dirigeants iraniens.
Dr Majid Rafizadeh
L'UE semble avoir cédé à la demande des dirigeants iraniens puisqu'elle a révélé, la semaine dernière, qu'elle proposait un compromis qui permettrait de retirer l'IRGC de la liste des organisations terroristes des États-Unis. Borell a déclaré: «À un moment donné, je devrai dire, en tant que coordinateur [des négociations sur l'accord nucléaire]: je mets cette proposition sur la table, officiellement. […] Le seul point d'équilibre possible serait celui-là.»
D'un autre côté, l'administration Biden semble chercher à marquer un point en politique étrangère et à remporter une victoire diplomatique au milieu de la crise. Les négociations sur l'accord nucléaire traînent en longueur et la Maison Blanche est critiquée pour sa gestion des affaires étrangères. Selon un sondage réalisé par Quinnipiac au mois de janvier dernier, la majorité des Américains désapprouvent l'approche de l'administration Biden en matière de politique étrangère.
Les derniers développements semblent avoir donné l'avantage au régime iranien dans les négociations nucléaires. Toutefois, il ne faut pas que l'administration Biden et l'UE cèdent aux exigences des dirigeants iraniens; elles doivent s'opposer fermement à l'acquisition d'armes nucléaires par Téhéran.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.