Résoudre l'énigme libération/occupation ne sauvera pas l'Irak

Un soldat de la marine américaine observe la chute de la statue de Saddam Hussein. (Reuters)
Un soldat de la marine américaine observe la chute de la statue de Saddam Hussein. (Reuters)
Short Url
Publié le Vendredi 22 avril 2022

Résoudre l'énigme libération/occupation ne sauvera pas l'Irak

Résoudre l'énigme libération/occupation ne sauvera pas l'Irak
  • Dix-neuf ans se sont écoulés depuis ce 9 avril 2003 qui a marqué la chute du régime de Saddam Hussein et inauguré une nouvelle page de l'histoire moderne de l'Irak
  • Le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, a indiqué que cette date était une occasion de nous rappeler que la réforme et la justice doivent être intégrées au système politique

Dix-neuf ans se sont écoulés depuis ce 9 avril 2003 qui a marqué la chute du régime de Saddam Hussein et inauguré une nouvelle page de l'histoire moderne de l'Irak. À ce jour, les Irakiens, les Arabes et bien d'autres personnes dans le monde ne parviennent toujours pas à donner un sens à ce qui s'est passé.

En cette triste journée, les bombes sont tombées sur la ville que l'on appelait «Dar es Salam» («la cité de la paix») et le peuple irakien a basculé dans la souffrance pendant de nombreuses années, pour de multiples raisons. Après tout ce temps, les discussions et les arguments divergent sur l’interprétation de ce jour: a-t-il marqué la libération du pays d'un régime oppressif et autoritaire ou a-t-il témoigné d’une invasion injuste destinée à détruire le pays?

Les milliers d'Irakiens – dont je fais partie – qui ont vécu à l'étranger pendant de nombreuses années et qui se sont employés à dénoncer les crimes du régime de Saddam Hussein ont vu dans ce jour une libération et une occasion unique pour construire un Irak démocratique qui respecterait les institutions et la loi.

Cette division transparaît également dans les déclarations et les prises de position des responsables et des politiciens irakiens. Le président irakien, Barham Salih, est un homme politique kurde qui s'est opposé à Saddam Hussein pendant de longues années d’exil. Pour lui, on ne peut sous-estimer la grande transformation politique obtenue après 2003. Toutefois, il appelle à reconnaître les échecs. «La bonne gouvernance passe inévitablement par le rétablissement de la confiance du peuple irakien dans l'État; la légitimité de l'autorité émane du peuple. L'intérêt du peuple irakien doit donc prévaloir sur tout autre intérêt», affirme-t-il.

Le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, partage l'avis du président Salih. Il a indiqué sur Twitter que cette date était une occasion de nous rappeler que la réforme et la justice doivent être intégrées au système politique de manière à répondre aux aspirations du peuple irakien.

De son côté, Raghad, la fille de Saddam Hussein, qui a grandi sous les ailes de ce dictateur brutal, s'exprime librement sur les médias sociaux. Elle cherche à travers ses discours incitatifs à rallier le parti interdit et à glorifier le régime répressif. Son approche se distingue de celle d'Alina Fernandez, la fille de Fidel Castro: cette dernière a rejoint le mouvement politique dissident pour défendre le peuple de Cuba contre son propre père. Raghad, quant à elle, défend et glorifie les atrocités commises par son père. «Nous n'hésiterons pas, avec tous les citoyens loyaux à l'Irak, à œuvrer sans répit jusqu'à ce que notre pays soit libéré, si Dieu le veut. C'est à ce moment-là qu'il retrouvera le statut qu'il mérite», déclare-t-elle dans un enregistrement publié sur son compte Twitter.

La colère des Irakiens face à la situation qui prévaut actuellement et face à ses aspects négatifs est tout à fait légitime, qu'il s'agisse de services publics médiocres ou inexistants, de la corruption endémique qui ronge la plupart des ministères ou de l'instabilité sécuritaire, politique et économique.

Mais qui est donc responsable de ce qui est advenu à cette terre qui fut, un jour, le berceau de la civilisation? En dépit des erreurs et des abus commis par les États-Unis en Irak, le pays repose sur un système pluraliste inspiré, protégé par la Constitution et la loi, pour éviter à la population des décennies de misère, d'oppression et d'injustice.

Cependant, la classe politique se place au-dessus de la loi et se permet de commettre les actes auxquels elle s'opposait du temps du régime baasiste.

Les Irakiens ont tout intérêt à garder ces faits en mémoire au lieu d'accuser les États-Unis et le monde occidental d'avoir envahi et détruit leur pays.

Sous la dictature de Saddam Hussein, qui remonte à 1979, la vie du peuple s'est toujours articulée autour des guerres, de la militarisation de la société, de la pauvreté, des sanctions et de la peur du dirigeant oppresseur.

Les événements survenus en Irak sont le résultat de l'invasion du Koweït par Saddam Hussein et de ses fanfaronnades trompeuses au sujet de son désir et de son pouvoir de frapper Israël, grâce auxquelles il a rallié le soutien de la société arabe à la faveur du conflit israélo-palestinien.

Si les corrompus sont restés au pouvoir, c'est parce que le peuple irakien n'a rien fait pour les en empêcher ni pour changer les lois sectaires et ethniques qui régissent aujourd'hui le pays.

Si les personnes corrompues sont restées au pouvoir, c'est parce que le peuple irakien n'a rien fait pour les en empêcher. 

Dalia Al-Aqidi

Ce sont les Irakiens qui ont acclamé et applaudi Saddam Hussein; ils lui ont conféré la légitimité et la force d'opprimer son peuple. Ce sont eux qui ont voté et élu les mêmes politiciens à chaque fois.

Les membres des milices favorables à l'Iran qui terrorisent et massacrent le peuple sont eux aussi des Irakiens. Ils ont choisi Moqtada al-Sadr pour les représenter. Il est ainsi devenu un faiseur de rois après avoir été un chef de milice.

Faut-il donc chercher à résoudre l'énigme de l'Irak en tentant de dissiper la confusion entre occupation et libération? Tout d'abord, il convient de construire le nouvel Irak et d'ouvrir la voie à la jeune génération pour qu'elle éclose et développe un avenir brillant et qu’elle cesse de reprocher aux autres ses propres erreurs.

Voici plus de deux mille cinq cents ans que le philosophe et politicien chinois Confucius a dit: «Celui qui, après avoir commis une faute, ne cherche pas à la corriger en commet une autre.» C'était vrai à son époque; c'est encore vrai aujourd’hui.

 

Dalia al-Aqidi est chercheure principale au Center for Security Policy. Twitter: @DaliaAlAqidi

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com