Macron, l'option sûre face à la montée du populisme en France

Le président français et candidat à la réélection du parti La République en Marche (LREM), Emmanuel Macron, interrogé lors du journal de vingt heures de la chaîne française TF1, à Boulogne-Billancourt, en région parisienne, le 13 avril 2022. (AFP)
Le président français et candidat à la réélection du parti La République en Marche (LREM), Emmanuel Macron, interrogé lors du journal de vingt heures de la chaîne française TF1, à Boulogne-Billancourt, en région parisienne, le 13 avril 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 16 avril 2022

Macron, l'option sûre face à la montée du populisme en France

Macron, l'option sûre face à la montée du populisme en France
  • Le président sortant, Emmanuel Macron, et sa rivale d'extrême droite, Marine Le Pen, s'efforcent d’amener les électeurs à les soutenir au second tour du scrutin, le 24 avril
  • Je pense que Macron aura plus de chances de persuader ceux qui se sont abstenus au premier tour de voter pour lui que de rallier ceux qui ont dérivé vers l'extrême droite

Deux nouvelles semaines de campagne féroce pour l'élection présidentielle française ont débuté, alors que le président sortant, Emmanuel Macron, et sa rivale d'extrême droite, Marine Le Pen, s'efforcent d’amener les électeurs à les soutenir au second tour du scrutin, le 24 avril.

La question clé tourne autour de la capacité du peuple français à écarter l'extrême droite, de plus en plus populaire, qui se développe dans les sociétés d'Europe et du monde entier et qui a réussi à s'implanter de manière très perturbante dans des dizaines de pays au cours de la dernière décennie.

Jusqu'à présent, la France a réussi à conserver son bon sens en empêchant l'extrême droite d'accéder à la présidence. Cette fois, pourtant, le Front national de Jean-Marie Le Pen, qui est devenu le Rassemblement national de sa fille Marine, risque fort d'aller de l'avant dans la mesure où près d'un tiers de l'électorat français a choisi de voter pour l'extrême droite lors du premier tour de dimanche.

Les résultats du premier tour placent Macron en tête avec 27,8% des voix (en hausse de 4% par rapport à son résultat de 2017) et Le Pen à 23,1% (2% de plus qu’en 2017), tandis que le candidat d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon arrive en troisième position avec 22%. Le ténor médiatique d'extrême droite anti-islam et anti-immigrés Éric Zemmour, devenu politicien, a obtenu 7,1%. Si l'on additionne ceux qui ont voté pour lui et ceux qui ont choisi Le Pen, on constate que près d'un tiers des électeurs ont soutenu l'extrême droite.

Le duel du second tour devrait se dérouler entre deux visions opposées de la France, dans une configuration similaire à celle de 2017, lorsque Macron l'avait emporté avec 66% des voix. Mais, contrairement à 2017, la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l'augmentation du coût de la vie dans l'Europe postpandémique amplifient l'incertitude et peuvent laisser davantage de place aux slogans vains de l'extrême droite. Ces derniers, en effet, pourraient trouver écho parmi les segments de la société française qui sont en colère parce que le prétendu establishment ne les prend pas en compte.

Je pense que Macron aura plus de chances de persuader ceux qui se sont abstenus au premier tour de voter pour lui que de rallier ceux qui ont dérivé vers l'extrême droite. Dans un discours prononcé cette semaine dans le nord de la France, le président a appelé les Français à le soutenir, car il est le mieux placé pour apaiser leurs craintes et relever les défis auxquels ils sont confrontés. Il a admis qu'ils ont le droit «d'être en colère face aux inégalités qui persistent, à l’insécurité du quotidien» et face «à la difficulté de vivre dignement même quand on travaille dur, parce qu’ils se sentent insuffisamment représentés, écoutés, associés».

Contrairement à 2017, les conditions actuelles pourraient laisser plus de place aux slogans vains de l'extrême droite.
 

Mohamed Chebaro

L'alternative est une victoire de l'extrême droite qui constituerait un changement de taille pour la France, mais aussi pour le projet européen dans son ensemble, Le Pen ayant fait campagne pour le réformer de manière radicale. Elle a également promis de retirer la France du commandement militaire conjoint de l'Otan. Malgré ses efforts pour modérer son image, Mme Le Pen reste une figure clivante que les opposants accusent de racisme et d'être anti-immigrés, anti-islam et opposée au hijab – et ils rappellent son amitié avec le président russe, Vladimir Poutine. Comme tous les populistes, elle a promis des réductions d'impôts massives pour plaire au public en colère ainsi que des projets destinés à réduire les inégalités et à ramener au bercail ceux qui se sentent privés de leurs droits dans la société, sans révéler de quelle manière elle compte financer ses politiques économiques et sociales.

Une partie de la bataille à venir, selon beaucoup, consistera à mobiliser les 25% d'électeurs inscrits qui se sont abstenus au premier tour, ainsi que ceux qui ont voté contre Macron. Beaucoup pensent que le premier tour d'une élection présidentielle française est généralement un vote de sanction. Cette fois, il s'agit du fait que Macron a échoué à établir un lien avec les membres de la classe ouvrière et à défendre leurs intérêts, eux qui souffrent des impacts de la pandémie, de la guerre en Ukraine et de ses répercussions sur la sécurité, ainsi que de l'augmentation du coût de la vie. Alors, la promesse faite par Macron de travailler à une «méthode de gouvernement» plus inclusive convaincra-t-elle les abstentionnistes et les électeurs en colère? Peut-être, car Macron, malgré sa cote de popularité variable, reste l'option la plus sûre en ces temps de turbulences.

À l'instar des précédents dirigeants de gauche ou de droite, Macron s'est efforcé de trouver les moyens de réformer le pays et de le maintenir à flot, tout en favorisant une croissance susceptible de financer les dépenses sociales croissantes de l'État.

On pourrait croire que le président s'est écarté des valeurs sociales et libérales traditionnelles de l'après-Seconde Guerre mondiale en observant les efforts qu’il a entrepris pour adopter un marché du travail plus libre et pour adapter la nation à la coopération et à l'internationalisme de l'Union européenne (UE) tout en s'engageant à niveler la société par la mobilité ascendante et la solidarité sociale. Ces dernières années, le Parti socialiste, de centre gauche, et Les Républicains, de centre-droit, ont été injustement critiqués, à mon avis, pour leurs excès ainsi que pour leurs politiques qui ont provoqué une augmentation des inégalités et marginalisé davantage les travailleurs à bas salaire. L'extrême droite s'est servie de ces échecs sociaux et les a amplifiés, alors que la France reste enviée de tous pour son système de protection sociale efficace et souvent généreux. Grâce à ce dernier, ses chiffres d'inégalité sont à la hauteur de ceux des pays scandinaves, qui ont bonne réputation.

Macron a eu raison de rappeler aux Français que le fait voter pour Le Pen revient à approuver sa demande de sortie de l'UE et que, «une fois sortie de l'Europe, la France n'aurait pour alliés que l'alliance internationale des populistes et des xénophobes».

 

Mohamed Chebaro est un journaliste libano-britannique, consultant en médias et formateur qui compte plus de vingt-cinq ans d'expérience sur la guerre, le terrorisme, la défense, les affaires courantes et la diplomatie.

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.