Cette fois-ci, Emmanuel Macron est bel et bien candidat!
Le président sortant n’avait plus vraiment le choix puisque à deux mois de l’élection, il lui fallait bien annoncer qu’il briguait un nouveau mandat. Cette déclaration de candidature intervient alors qu’il est au plus haut dans les sondages et que peu de Français pensent qu’il peut être battu.
Bien entendu, tout a été écrit sur les circonstances de son premier mandat, marqué par une profonde révolte sociale avec notamment le mouvement des Gilets jaunes, puis la pandémie de Covid-19 et enfin l’invasion de l’Ukraine par la Russie. De nombreux d’observateurs parlent d’un mandat pour rien, au cours duquel on n’a pu qu’entrevoir le réformateur, le libéral, celui qui devait moderniser la France.
Or, la situation en France est socialement très compliquée.
Les observateurs extérieurs ne le remarquent pas, mais le produit intérieur brut (PIB) par habitant à parité de pouvoir d’achat a chuté lourdement. En 2008, le revenu par habitant était équivalent à 45 300 dollars (1 dollar = 0,92 euro), il était de 41 200 dollars un an après l’élection d’Emmanuel Macron en 2018, et n’est que de 38 600 dollars aujourd’hui. À titre de comparaison, dans le même temps, le PIB par habitant de l’Allemagne est passé de 45 400 à 45 700 dollars!
Les Français, qui ont perdu 15 % de leur pouvoir d’achat en quatorze ans, se sont lourdement appauvris et ce n’est pas la baisse du taux de chômage qui y changera grand-chose. Cette précarité et cet appauvrissement généralisés conduisent à une situation que les historiens connaissent bien: celle où les habitants d’un pays perdent l’espoir que leurs enfants aient une vie meilleure que la leur. À partir du moment où cet espoir n’existe plus, la population peut être prête à risquer gros et il faut s’attendre à ce que les mouvements sociaux et populaires reprennent de plus belle.
Dès lors, que peut proposer le candidat Macron?
Il va bien entendu être tenté de jouer la carte internationale, celle qui, on peut le penser, lui assurera sa réélection, car «on ne change pas de capitaine en pleine tempête». Les derniers sondages semblent d’ailleurs lui donner raison et plus la crise sera vive, moins les Français se montreront enclins à voter pour un autre candidat.
Emmanuel Macron n’a pas vraiment eu l’occasion de prouver qu’il maîtrisait l’usage des symboles au cours des cinq années qui viennent de s’écouler
Arnaud Lacheret
Toutefois, et il ne peut désormais plus l’ignorer, il ne peut pas se contenter de cela. La baisse du pouvoir d’achat, notamment des classes moyennes qui ne peuvent désormais plus vivre au cœur des centres-villes, la relégation des classes populaires dans un état qui s’apparente à de la survie au quotidien et qui empêche de se projeter sur l’avenir, laissent à penser que la crise des Gilets jaunes ne fut qu’un avant-goût de ce qu’il risque de se passer une fois la réélection acquise.
Emmanuel Macron va devoir essayer non seulement de redonner du travail aux Français, mais surtout de leur permettre de vivre dignement de ce travail. La France de la logistique, des centres commerciaux et des entrepôts qui parsèment les alentours des agglomérations ne permet pas à ceux qui y travaillent de vivre dignement ni d’espérer grimper dans l’échelle sociale. C’est donc tout un ensemble qu’il faut repenser, à commencer par la refonte de l’industrie et de l’appareil productif. Lorsqu’on lit la déclaration de candidature du président sortant, il semble qu’il évoque le sujet de l’industrie en priorité. Cela pourrait signifier qu’il a perçu l’urgence de la relance.
Toutefois, il y a bien plus que cela. Donner du pouvoir d’achat aux gens est une chose, leur donner de l’espoir et un nouvel élan en est une autre. L’action publique est faite de symboles autant que de moyens financiers et Emmanuel Macron n’a pas vraiment eu l’occasion de prouver qu’il maîtrisait l’usage des symboles au cours des cinq années qui viennent de s’écouler.
Les premières apparitions publiques du candidat Macron permettront de voir si, enfin, il n’est plus le candidat d’une élite préservée des centres-villes vivant dans une réalité alternative comme l’écrit l’historien Pierre Vermeren, mais s’il a bien intégré qu’il allait devoir être le candidat qui s’adresse à tous les Français, y compris ceux qui ne lui ressemblent pas.
Arnaud Lacheret est docteur en science politique, Associate Professor à l’université du golfe Arabique de Bahreïn, où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe.
Ses derniers livres, Femmes, musulmanes, cadres – Une intégration à la française et La Femme est l’avenir du Golfe, sont parus aux éditions Le Bord de l’Eau.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.