Les enquêtes d’opinion semblent converger vers un second tour qui pourrait opposer une nouvelle fois Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Il n’y aurait donc pas vraiment de surprise le 10 avril prochain et cette configuration semble être celle que le parti présidentiel aura tout fait pour obtenir.
En effet, en multipliant les prises de guerre et ralliements au centre gauche comme au centre droit, Emmanuel Macron a complètement essoufflé les deux alternatives possibles que pouvaient constituer le Parti socialiste à gauche et Les Républicains (LR) à droite.
Aujourd’hui, la candidate socialiste et actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, se retrouve complètement marginalisée, et la candidate des LR, Valérie Pécresse, qui aurait pu créer la surprise au second tour, a montré de sérieuses limites et surtout n’est pas parvenue à susciter un engouement au sein de son propre camp.
L’hémorragie en termes de soutiens est spectaculaire, le vice-président des LR Guillaume Peltier rejoignant Éric Zemmour, et des cadres comme Jean-Pierre Raffarin ou Éric Woerth se tournant vers Emmanuel Macron. Il se murmure même que Nicolas Sarkozy en personne pourrait soutenir le président sortant, ce qui, pour une droite qui n’a de cesse de parler de rassemblement, serait un véritable camouflet.
En affaiblissant les deux partis à sa droite et à sa gauche, Emmanuel Macron semble donc se diriger vers un second tour assez facile face à un candidat marqué soit à l’extrême droite comme Zemmour ou Le Pen, soit à l’extrême gauche comme Mélenchon.
Sauf que, cette fois-ci, Marine Le Pen a l’air beaucoup mieux préparée. Profitant de la présence de Zemmour à sa droite, elle est parvenue à apparaître comme quelqu’un de beaucoup plus présentable et sa supposée incompétence, qui était un véritable boulet depuis le calamiteux débat de 2017 entre les deux tours, saute nettement moins aux yeux.
Lors du débat sur la guerre en Ukraine organisé par TF1 tout comme dans l’émission très polémique de l’amuseur Cyril Hanouna, le public français a pu découvrir une Marine Le Pen détendue, beaucoup plus à l’aise et plutôt pertinente dans ses positions. Opposée à des personnalités plutôt rodées à ce genre de shows, elle s’en est assez habilement sortie.
Marine Le Pen semble donc beaucoup mieux préparée et cela se ressent dans les sondages de second tour où elle monte parfois jusqu’à 46% face à Emmanuel Macron. Le fait que ses lieutenants les plus radicaux se sont tournés vers Zemmour était loin de la desservir et elle avait l’air quasiment soulagée que sa nièce Marion la trahisse pour l’ancien journaliste.
Or, en refusant de participer à tout débat avant le premier tour, le président Macron reste un mystère pour beaucoup de Français. Cela fait en effet cinq ans qu’Emmanuel Macron n’a pas été confronté à un adversaire politique lui donnant la réplique et le confrontant vraiment à son bilan, critiquant efficacement son programme et jouant d’effets de manche comme seuls les politiciens aguerris savent le faire.
S’il était sorti vainqueur de son face-à-face avec Le Pen lors du débat de 2017, beaucoup estiment que c’est parce que son adversaire avait perdu pied et pas parce qu’il avait été spécialement bon. N’oublions pas aussi que Macron n’a jamais été confronté aux joutes politicienne, puisque ce n’est pas de ce milieu qu’il vient. En fait, le seul vrai débat à enjeu auquel il ait vraiment participé reste celui de 2017.
Macron a par ailleurs commis beaucoup de petites erreurs de communication durant son mandat, provocant de nombreux mouvements d’humeur allant jusqu’à l’épisode des gilets jaunes. Nous ne sommes donc pas véritablement à l’abri d’un débat de l’entre-deux-tours qu’il préparerait trop mal car il le penserait gagné d’avance, face à une Marine Le Pen qui n’a qu’une obsession: laver l’affront de 2017 et de cette humiliation publique en direct à la télévision.
À deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen semble assez largement calée en deuxième position, mais disposerait pour la première fois de réserves de voix considérables avec l’électorat d’Éric Zemmour, celui de Nicolas Dupont Aignan, un quart des votants de Pécresse et la même proportion de ceux de Jean-Luc Mélenchon d’après les dernières enquêtes d’opinion.
Le débat de l’entre-deux-tours sera très attendu par les Français, surtout s’il s’agit d’un remake de 2017. Tous auront en souvenir l’échec de Marine Le Pen. Si cette dernière est aussi bien préparée qu’elle en donne l’impression et qu’Emmanuel Macron apparaît trop sûr de lui, une surprise n’est pas complètement à exclure.
Arnaud Lacheret est Docteur en science politique, Associate Professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe.
Ses derniers livres : « Femmes, musulmanes, cadres... Une intégration à la française » et « La femme est l’avenir du Golfe » parus aux éditions Le Bord de l’Eau.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.