Qui aurait cru il y a à peine quelques petites semaines que la campagne électorale française se tiendrait avec comme bruit de fond les affrontements militaires entre Russes et Ukrainiens et les immenses impacts de cette guerre sur les économies et le pouvoir d’achat. Qui aurait pensé un instant qu’au lieu de passer le plus clair de son temps à haranguer les foules pour les convaincre de son bilan, le président et candidat, Emmanuel Macron, serait rivé à son téléphone rouge attendant un signal d’ouverture et d’apaisement de la part de Moscou.
En effet, il règne en France une étrange atmosphère. Logiquement, si près de l’élection présidentielle, le seul bruit qu’on pouvait entendre, c’était celui du slogan électoral qui anesthésie l’adversaire, de l’affiche politique qui résume le projet, du meeting qui enflamme les foules et les militants. Or, on n’entend plus désormais que le cliquetis des armes, les bruits de bottes et les harangues mobilisatrices. La guerre en Ukraine a cannibalisé l’élection présidentielle.
Un homme, Vladimir Poutine, a militairement défié l’Occident. Européens et Américains, dans une belle et inédite union sacrée, ont répondu à cet acte militaire russe par une stratégie de sanctions massives qui ont provoqué un isolement d’une ampleur sans précédent de la Russie.
Il est vrai que l’opposition, dans ses multiples visages, était tombée à bras raccourcis sur le président Emmanuel Macron, lui reprochant d’avoir retardé au maximum l’annonce de sa candidature pour ne pas avoir à descendre dans l’arène politique. Les gains pour lui étant une moindre exposition et la diminution des occasions d’évoquer les sombres facettes de son bilan.
Cet angle d’attaque était pertinent quand Vladimir Poutine n’avait pas encore envahi l’Ukraine et qu’il était dans une logique de menaces et d’exhibition de forces. Désormais, l’atmosphère a complètement changé. Une violente guerre déchire l’Europe et menace de s’étendre sur son flanc ouest, avec une vague de réfugiés ukrainiens estimée entre cinq et six millions de personnes.
Un homme, Vladimir Poutine, a militairement défié l’Occident. Européens et Américains, dans une belle et inédite union sacrée, ont répondu à cet acte militaire russe par une stratégie de sanctions massives qui ont provoqué un isolement d’une ampleur sans précédent de la Russie et de son économie.
Cette situation politique constitue un sérieux handicap pour l’opposition. Si elle veut débattre avec Emmanuel Macron, c’est de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sociales et économiques.
La guerre en Ukraine et ses impacts économiques, militaires et sociaux est désormais le seul sujet de préoccupation des électeurs français. Même la pandémie de Covid-19 qui avait rythmé leur vie pendant presque trois ans a soudain disparu des radars, laissant la place au seul cauchemar de la guerre et ses conséquences sur leur niveau de vie et leur pouvoir d’achat. Certains sondages vont jusqu’à laisser apparaître une volonté partagée par les Français de se déterminer uniquement par rapport à la gestion de cette guerre par l’actuel locataire de l’Élysée.
Cette situation politique constitue un sérieux handicap pour l’opposition. Si elle veut débattre avec Emmanuel Macron, c’est de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sociales et économiques. Sur ce terrain, les personnalités qui disposaient, avant le déclenchement des opérations militaires russes, d’un crédit et d’une capacité à défier le président sortant subissent un terrible effet de la guerre. Les liaisons dangereuses qu’elles entretenaient avec Moscou ou les admirations coupables qu’elles exprimaient à l’égard de Vladimir Poutine se sont retournées contre elles comme un boomerang.
Aussi bien Marine Le Pen qu’Éric Zemmour ou que Jean-Luc Mélenchon sont en décalage avec l’opinion publique. Ils ont en commun une admiration assumée pour Vladimir Poutine, chacun pour des raisons différentes.
Au cours des quelques jours qui séparent les Français du premier tour de cette élection présidentielle, Emmanuel Macron n’aura qu’une idée à faire passer auprès de l’opinion française: qu’il est et demeure le seul pôle de stabilité.
Et même si sur les plateaux de télévision, ils s’échinent à prendre de la distance et à condamner la stratégie militaire russe, leur image et leurs postures politiques sont étroitement liées au maître du Kremlin. En quelques jours, de représentant d’une grande puissance qui compte dans le jeu des nations, Vladimir Poutine s’est transformé en paria et en pyromane de la paix et de la stabilité dans le monde. D’ailleurs, à ce sujet, dans le discours sur l’état de l’Union prononcé par Joe Biden, le président américain a parlé de Vladimir Poutine comme d’un Saddam Hussein ou d’un Mouammar Kadhafi.
Au cours des quelques jours qui séparent les Français du premier tour de cette élection présidentielle, Emmanuel Macron n’aura qu’une idée à faire passer auprès de l’opinion française: qu’il est et demeure le seul pôle de stabilité, le seul détenteur de l’expertise et du savoir-faire nécessaire pour accompagner et gérer cette période à la fois sensible et explosive. Gérer l’urgence et anticiper l’inattendu. Le tout dans une atmosphère où la guerre économique, pour reprendre l’expression du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, est déjà là et que la guerre tout court, générale, est à l’horizon.
Vladimir Poutine aura rendu à Emmanuel Macron un précieux service en décrédibilisant ses adversaires et en lui offrant la possibilité d’endosser le costume de chef régalien que certains, par opportunisme ou par conviction, lui déniaient. Aujourd’hui, la manière avec laquelle Emmanuel Macron gère cette guerre entre la Russie et l’Ukraine légitime ses chances et ses prétentions pour un deuxième mandat. Il était déjà bien placé pour cause d’absence de compétiteur sérieux. Il paraît désormais incontournable pour cause de situation nationale et internationale extrêmement inflammable.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
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NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.