II y a une indéniable vérité politique qui domine actuellement le débat en Europe. Le vieux continent s’apprête à vivre un véritable printemps pour les extrêmes droites. Chacune dans son pays semble renaître de ses cendres et anticipe des victoires inédites dans les prochains scrutins électoraux. Une nouvelle dynamique politique est lancée. La raison principale de cette renaissance est à trouver dans le tourbillon politique qui vient de souffler sur l’Amérique et qui a offert, pour la seconde fois, la Maison Blanche à une personnalité aussi peu conventionnelle que Donald Trump.
Toutes les extrêmes droites de l’Europe ont vécu une résurgence nouvelle et inédite à l’occasion de cet événement. Et la question qui semble tarauder les esprits est la suivante: pourquoi ce qui a été possible aux États-Unis d’Amérique ne le serait pas en Europe? Surtout que les deux continents vivent les même problèmes politiques sur l’immigration, la sécurité, la nécessité d’un protectionnisme économique accru et le questionnement identitaire à l’œuvre.
Et ce n’est donc pas un hasard politique que seules les personnalités à forte connotation droitière trouvent grâce aux yeux de la nouvelle administration américaine. Le hongrois Victor Orban, porte-drapeau du radicalisme identitaire en Europe, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, incarnation de cette droite extrême arrivée au pouvoir, Alice Weidel, patronne de l’AFD allemande, la seule qui trouve grâce auprès du nouvel homme fort de Washington Elon Musk. Sans parler du couple à la mode de la nouvelle extrême droite française, Éric Zemmour et sa compagne la députée européenne Sarah Knafo, les seules personnalités françaises à avoir été invitées à la cérémonie d’investiture de Donald Trump.
Pour ces forces de l’extrême droite en Europe, il y a comme un alignement favorable des planètes qui semble leur paver le chemin vers le pouvoir. Et dès le début du second mandat de Donald Trump, elles ont bénéficié d’un grand coup de main politique et idéologique apporté en grande pompe par le vice-président J.D Vance. Son discours de Munich dans lequel il fustigeait l’abandon par l’Europe des valeurs communes avec l’Amérique comme la liberté de presse, fut perçu par les Européens comme une consécration du divorce avec les Américains et un soutien idéologique sans faille aux forces de l’extrême droite qui se trouvent actuellement aux portes du pouvoir en Europe.
En fait, ce qui apparaît aujourd’hui comme une sorte d’évidence politique c’est que la nouvelle équipe au pouvoir à Washington a un intérêt stratégique à ce que des forces qui partagent avec elle les mêmes substrats idéologiques puissent détenir le pouvoir dans les principales capitales européennes. L’objectif étant une harmonisation accélérée des vues et des buts stratégiques. L’exemple le plus parlant en termes de bruits médiatiques touche la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
L’extrême droite européenne a longtemps soutenu l’agression russe contre l’Ukraine. Comme elle s’est durablement opposée aux sanctions internationales contre Moscou. Elle exprime une sorte de fascination envers le style du président Poutine et sa virilité autoritaire et guerrière. Aujourd’hui, alors que Donald Trump tente de réaliser un deal avec les Russes pour mettre fin à cette guerre, il se trouve en parfaite harmonie avec les forces de cette extrême droite dont l’accession au pouvoir est ardemment espérée de l’autre côté de l’Atlantique.
Cette lune de miel entre Donald Trump et l’extrême droite européenne n’est pas sans provoquer des grincements de dents. La nouvelle administration américaine est accusée d’intervenir sur les réseaux sociaux, à force de fake news et de campagnes de manipulation, pour venir en aide aux partis de cette extrême droite. Elle est accusée aussi d’entretenir des liens privilégiés avec cette galaxie de l’extrême avec le but assumé de l’aider à accéder au pouvoir. Cette accusation était déjà adressée au Kremlin quand on reprochait à Vladimir Poutine de vouloir influencer les scrutins électoraux européens pour aider ses amis à occuper le plus de fonctions vitales dans l’architecture européenne.
Aujourd’hui plus que jamais, l’extrême droite vit son printemps et ses idéologues pensent fermement que son heure est venue de s’emparer du pouvoir. Elle profite d’une convergence d’intérêts inédite entre Moscou et Washington qui, par un concours de circonstances politiques, ont un intérêt commun à ce que cette extrême droite européenne accède au pouvoir.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
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NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.