S’il y a un impact américain sur la France depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, c’est dans le domaine de la gestion de la crise migratoire que cela se traduit avec force. En effet , la décision du président américain de procéder à des expulsions massives avec effet immédiat , le dialogue politique musclé qu’il a imposé aux pays exportateurs de migrants clandestins comme la Colombie ont alimenté un grand débat en France , à tel point que l’interrogation a été formulée pour savoir pour quelle raison la France ne pourrait pas suivre le modèle américain et organiser des vols à destination de ces pays maghrébins et africains qui lui fournissent la majorité des clandestins.
Il faut dire que ce que vient de faire Donald Trump aux USA intervient dans un contexte français très particuliers. D’abord Paris rencontre d’énormes difficultés à appliquer les obligations de quitter les territoires, en raison de l’absence de laisser-passer consulaires délivrés par les pays d’où sont originaires les clandestins. Et l’impuissance des autorités français à exécuter ces OQTF alimente le débat politique et lui impose une radicalisation de plus en en plus grande. Cette posture radicale a pris une tournure particulière lorsque la France avait décidé d’expulser un influenceur muni d’un passeport algérien et les autorités algériennes avaient refusé de le recevoir.
Ensuite la France est un des pays européens qui a été le plus secoué politiquement par la théorie du grand remplacement portée par le parti Reconquête d’Eric Zemmour. Il est vrai que cette menace a connu une grande fortune médiatique lors des derniers scrutins électoraux en France, mais elle a échoué à avoir une traduction politique comme en témoignent les scores électoraux squelettiques que « Reconquête » et Éric Zemmour ont réalisés.
Mais signe que cette crainte du grand remplacement est omniprésente dans le débat politique français, le fait qu’un premier ministre venu du Centre comme François Bayrou soit contraint d’utiliser le concept de « submersion » pour décrire la situation migratoire en France. Un concept directement issu de la littérature et de la perception politique de l’extrême droite. François Bayrou a été accusé par ses détracteurs de donner des gages à Marine Le Pen pour anesthésier sa propension à voter les motions de censure.
Il n’empêche qu’en parlant de submersion dans un contexte d’impuissance politique française, François Bayrou légitime les débats et les postures des personnalités qui appellent les autorités françaises, notamment le ministère de l’intérieur à suivre l’exemple de Donald Trump et à procéder à des expulsions immédiates et massives.
Les voix de l’extrême droite ont été revigorées par la démarche de Trump qui a réussi à leur arracher une admiration très opportune. Leur argumentaire est le suivant : Si Emmanuel Macron ou Bruno Retailleau ne peuvent agir comme le président américain sur une question aussi cruciale que l’immigration c’est surtout par manque de volonté politique. Les ingrédients d’une « invasion » ou d’une « submersion » sont présents mais la dynamique politique pour agir à l’américaine manque.
En réalité, même s’il peut y avoir des similitudes apparentes entre les deux exemples français et américain, la marge de manœuvre des autorités n’est pas la même. Contrairement à Washington, Paris doit rendre des comptes aussi bien à ses institutions internes qui verraient d’un très mauvais œil le principe des expulsions massives et à l’aveugle qu’à son environnement européen.
Sans compter que ces pays européens ne disposent pas de la même influence que les Etats -Unis sur les pays d’immigration pour pouvoir entretenir un rapport de force comme celui sur Trump avait exercé sur le leadership colombien.
Même si en apparence chaque pays européens est souverain dans sa manière de gérer les questions migratoires sachant qu’il n’y a pas de frontières physiques entre les pays membres de l’union, il n’en demeure pas moins que les structures européennes pèsent lourdement dans les choix de chaque pays. L’Europe traite la question migratoire non pas comme une affaire de souveraineté nationale mais comme une préoccupation continentale, propre à l’espace Schengen. Une expulsion aussi massive et aussi expéditive à la Trump serait difficile à envisager dans le contexte euro actuel.
Il n’empêche que les choix de Donald Trump en matière d’immigration ont de fortes chances de bouleverser l’ensemble des termes du débat politique en France et en Europe. Ils pourraient aussi bien constituer un repoussoir à ne pas suivre qu’une source d’inspiration pour de gouvernements européens à la recherche de solutions radicales.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.